samedi 30 avril 2016

langue de signes et langues minorisées.


Hier vendredi, nous sommes allés voir Carmen au théâtre du Quintaou, à Anglet, en langue des signes. La salle était majoritairement faite de malentendants. Une soprano chantait les airs les plus connus de l’opéra de Bizet, les acteurs, tous malentendants, communiquaient en langue des signes, parfois des traductions étaient projetées sur le rideau du fond. L’ensemble construisait un superbe spectacle pour tous, entendants et malentendants. La différence avec le basque était flagrante. Les malentendants apprennent la langue des signes parce que c’est leur seule façon de communiquer. Pas pour construire une communauté, une ethnie, une nation, parce qu’ils sont obligés. De même que dans certaines mairies, des employés apprennent des rudiments de langue des signes pour pouvoir indiquer aux malentendants que le bureau des élections est au premier étage, par exemple. La demande est là. J’étais dans la salle et je savourais le spectacle. Je ne me sentais pas exclu, au contraire, j’avais le sentiment d’une troupe qui faisait des efforts extraordinaires pour s’approprier l’opéra d’abord pour eux-mêmes, qui sont si loin des opéras dans la vie courante, et ensuite partager cet effort avec d’autres malentendants et dans une troisième étape, aboutir à un spectacle universel, pour tous, handicapés ou non. Quand je fréquente les spectacles de Talila, qui chante un répertoire en yiddish, j’ai le même sentiment. Je ne comprends pas le yiddish. Je reconnais des mots et des airs. Talila s’adresse à moi, elle explique, elle traduit et le spectacle devient un spectacle universel, pour tous. J’ai trop souvent le sentiment, quand j’assiste à un spectacle en langue basque, concert, conférence, théâtre, danse, que rien n’est fait pour m’inclure dans leur monde, pas de traduction (ils demandent la traduction du français en basque, mais l’inverse ne leur apparaît pas comme une nécessité, c’est aux autres de faire l’effort d’apprendre). La langue est la construction d’une communauté fermée, la construction d’une nation dont les citoyens seront enfermés dans des règles strictes. Le basque est austère. Pas n’importe qui peut s’intégrer dans sa communauté. La langue n’est pas une joie de vivre, c’est un examen d’entrée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire