Daniel Junquas m’interpelle :
Tu souffriras par
ailleurs que nous nous montrions quelque peu sceptiques quant à ton engagement
social libéral aveugle, tout comme ont eu raison de l'être ceux qui ne t'ont
pas suivi du temps où tu étais un stalinien tout aussi fanatique. Tu n'es pas
devenu du stalino-macroniste j'espère?
Cher Daniel, afin de poursuivre une précieuse discussion sur des bases
plus solides, je souhaiterais répondre sur « mon engagement libéral
aveugle ». Je vais prendre deux exemples, pour moi emblématiques de ma
position politique. Je sais qu’Alain n’aime pas trop des exemples précis, mais
je crois que ça aide.
J’ai été prof à la fac de Vincennes. La propreté de la fac était assurée par
une société de nettoyage. Au bout de quelques années, les salariés de cette
société, encouragés par ceux qu’on appelait alors des gauchistes, se sont mis
en grève pour être intégrés dans le personnel de la fac. Très vite, les cours
ont dû s’arrêter. Les organisations révolutionnaires, pour aider les « travailleurs
en lutte » déversaient des tombereaux d’ordure dans les couloirs et dans
les classes. J’ai mené campagne contre cette grève. Elle a duré de semaines. L’université
était ouverte aux salariés, n’exigeait pas le bac pour s’inscrire. Tous ceux
qui travaillaient, au bout de quelques semaines, se sont découragés et ont
renoncé à ce qui aurait pu être des changements d’orientation et de vie. Des
centaines de vies sacrifiées pour des revendications « prolétariennes ».
Les travailleurs du nettoyage ont été intégrés dans le personnel, la fac est
restée aussi sale parce qu’ils allaient travailler ailleurs. Pour eux, être
intégrés à la fac, ça voulait dire que plus personne en les contrôlait. Mon
engagement libéral aveugle, alors, c’était de défendre le droit aux études de
centaines de salariés sacrifiés pour de revendications insensées, purement idéologiques.
Un deuxième exemple. J’ai habité la Goutte d'Or et en permanence, je
menais campagne contre les mouvements très à gauche qui considéraient qu’une bibliothèque,
un centre de musique, une salle d’exposition, des boutiques de luxe, étaient
des dépenses inconsidérées et qu’il fallait d’abord reloger les mal-logés. Ils
considéraient que les pauvres n’avaient pas droit à la culture, à la musique, à
la bibliothèque. Leur slogan était « la mixité sociale, c’est la guerre
faite aux pauvres ». Des batailles dures, auxquelles j’ai contribué par
une participation active aux associations (notamment espoir Goutte d'Or une association
d’accueil des consommateurs de drogues). Et par l’écriture d’un bouquin que tu
peux te procurer, qui s’appelle la Goutte
d'Or, quartier de France.
Je continue ce combat au Pays Basque par une lutte continue et obstinée
contre la préférence régionale, contre ce front national en petit qui se nomme
ici abertzale et qui veut maintenir le pays dans la misère et le sous-développement.
Voilà ce qui est pour toi un « engagement libéral aveugle ». Désolé,
mais je n’échangerai pas mon engagement contre quelques fauteuils dérobés dans
une banque.
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