Quand c’est
trop dur, quand c’est trop verrouillé, quand les fenêtres sont bétonnées, que
reste-t-il ? Faut-il se résigner ? Faut-il poursuivre ? La
question n’est pas simple. Si je renonce, je meurs. Si je ne renonce pas, je
m’épuise. Nous avons voulu jouer au mouvement politique. Nous n’en avions pas
les moyens. Les circonstances nous ont été favorables. Les circonstances et
notre obstination. Ce que nous avons gagné nous tue. Il faut inventer autre
chose.
La République
en Marche organise une réunion préparatoire aux élections européennes. Avec un
amiral et la ministre chargée des affaires européennes, Nathalie Loiseau. La
réunion est présidée par Vincent Bru, député Modem, qui dénonce la coopération
entre la France et l’Espagne dans la lutte contre le terrorisme d’ETA, qui
condamne l’inaction du gouvernement français et espagnol, qui inaugure une
sculpture à la gloire de l’ETA en compagnie de terroristes fiers de leurs
crimes. Comme punition de ses prises de position populiste et antieuropéenne,
on l’oblige à présider une réunion sur l’Europe. Il est là à la tribune,
souriant. Obligé.
La parole est
libre. Je lève la main. Je demande : peut-on s’allier aux ennemis de
l’Europe et se battre pour une Europe solidaire et souveraine ? Peut-on
dénoncer la politique sécuritaire du gouvernement de la France et soutenir ce
gouvernement ? Peut-on provoquer la colère des associations de victimes du
terrorisme et représenter une Europe qui protège ? Qu’en pensez-vous,
madame la ministre ?
Madame la
ministre ne répond pas sur ces points. Elle passe la parole à Vincent Bru. Dans
une réunion publique, je demande au pape ce qu’il pense d’un évêque qui compare
l’IVG au génocide. Il répond : je passe la parole à Mgr Aillet.
Tout est
verrouillé. L’institution se défend. Le porteur de micro me passe le micro en
me disant il faut être bref avant même que j’ai parlé. Le député a dit à la
ministre, il y aura Maurice Goldring qui va poser cette question, vous me
passerez le micro, je répondrai. Puis les secrétaires de séance qui savent
qu’il ne faut pas conserver mes questions dans le compte-rendu. La ministre aux
affaires européennes qui refuse de mettre le doigt dans ce qui n’est qu’une
affaire locale. L’alliance du parti de gouvernement avec les populistes, les
identitaires, les frontistes, les insoumis, les nationalistes, c’est une
affaire locale. Bon, j’exagère, elle annonce quand même que le 1 octobre, le
président Macron va déposer tous les dossiers qui permettront au gouvernement
espagnol d’avancer dans les enquêtes sur les victimes de l’ETA. Vincent Bru
sourit crispé. Merde, je n’aurais jamais dû participer à la cérémonie de la
hache.
Il prend la
parole. Il dit qu’il se félicite de la coopération entre France et Espagne dans
la lutte contre le terrorisme. J’applaudis bruyamment. Bravo Monsieur Bru, ça
fait des mois que j’attends ces paroles. Vous avez progressé. Vous nous
encouragez à poursuivre.
Personne ne
reprend mes questions. La ministre passe le micro au blanchisseur. Il ne répond
pas à mes questions. Il raconte autre chose. Il a condamné l’inaction des
gouvernements, mais maintenant, il se félicite de leur action. Il faut
rapprocher les prisonniers selon le droit commun. Alors qu’il participe à des
comités qui demandent un traitement d’exception pour ces terroristes. Il a
rencontré des bourreaux et déclaré qu’ils étaient corrects. Mais il est député
et moi dans la salle, je ne suis pas député, je ne suis pas élu. Je ne suis
rien.
Et puis tout à
coup une lumière s’allume. Une espèce de grâce. Mais bon sang mais c’est bien
sûr. Depuis des jours et des jours, à l’intérieur du mouvement la République en
marche à reculons sur les questions identitaires, ils savent que je vais
participer à la réunion. Ils ont tout prévu. Le référent du département a
publié un communiqué disant que je ne représentais pas les positions d’En
marche. Ils ont préparé la réponse. Madame la ministre, il va poser telle
question, vous demanderez à Vincent Bru de répondre. Ça veut dire qu’ils ont
une trouille pas possible de quoi exactement ? Je n’ai aucun pouvoir. Je
sais aligner questions phrases et défendre quelques idées. Et pourtant, dès que
j’apparais, ils frémissent, ils se tendent. Mais comment le faire taire ?
Ils ont le
pouvoir et moi j’ai les idées. Ils ont le pouvoir de me faire taire, de
m’entourer d’une muraille protectrice qui interdirait les débats, je n’ai aucun
pouvoir. J’ai quelques idées. Je ne suis pas prêt à échanger ma place contre la
leur. Bien sûr, l’idéal serait d’avoir à la fois le pouvoir et les idées, mais
c’est compliqué. Qui a le pouvoir se méfie des idées. Mais le pouvoir sans
idées, c’est très ennuyeux. Alors qu’avancer quelques idées qui dérangent les
gens qui ont le pouvoir, ça rend la vie assez excitante.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire