Un gendarme français reçoit une décoration des autorités
espagnoles pour sa contribution à la lutte contre le terrorisme d’ETA. Cette
cérémonie se tient vendredi 12 octobre le jour de la fête espagnole de la
Vierge de Pilar, patronne des Gardes Civils. La cérémonie sera présidée par le
gouverneur-délégué socialiste de Guipúzcoa.
A 11 heures, messe dans la chapelle de la caserne. A midi,
revue militaire, puis remise des décorations. L’évêque de San Sebastian côtoie
des officiers en uniforme de parade. Même certains enfants porteront l’uniforme
de leur papa ou maman. D’autres auront des armes factices.
Les militaires portent leur uniforme de gala et les
civils des « vêtements convenables » dit l’invitation. Il est
recommandé aux dames de ne pas porter de chaussures à talon, car la cérémonie dans
le jardin de la caserne. Malgré cette recommandation, beaucoup de dames sont en
robe fleurie, décolletée, coiffées et talons aiguilles.
L’adresse
de la caserne est Inchaurrondo. Nous descendons à la station du topo de ce nom.
Un immense escalier mécanique nous entraîne à la surface. J’ai l’invitation
dans la poche. Nous approchons des grilles, grande ouvertes. Le garde ne nous
demande pas l’invitation. Que l’on puisse ainsi pénétrer dans le périmètre de
la caserne des gardes civils est un bon démenti pour ceux qui persistent à
penser ou à croire ou à nous faire croire, que le conflit n’est pas terminé. Un
ensemble hétéroclite de menteurs, d’imbéciles, d’idiots utiles, d’affabulateurs
ou de cyniques. Le conflit basque est
terminé depuis que n’importe qui peut pénétrer dans le périmètre de la caserne
Inchaurrondo sans être contrôlé.
Quand nous
arrivons, la messe est dite. Les gardes civils paradent. Lever des couleurs. Je
vois un carré avec des sièges vides, des femmes, des jeunes. Je m’approche, je
m’assois. Les médailles sont remises. Encore des médailles. On appelle les
familles. Je m’aperçois que les femmes et les hommes se lèvent à mesure que
s’égrènent les noms. Bientôt, je serai seul et un garde viendra me demander à
quel titre je suis assis dans le carré des familles de victimes. Je me lève,
plutôt rester debout que d’occuper une place que je ne mérite pas.
Le vice-gouverneur
socialiste prononce un discours très politique : l’ETA n’existe plus parce
qu’elle a été vaincue. Sur le terrain et dans la population. Dans cette
défaite, dit le gouverneur, vous avez joué votre rôle, pour défendre la
démocratie contre le terrorisme.
Dans cette caserne,
on a torturé des prisonniers basques. On crie « España » et la foule
répond viva ! On crie Guardia civil ! La foule réponde Viva ! Les
gardes civils ont gardé le même chapeau noir brillant du temps du franquisme. La
cérémonie s’achève, je vais serrer la main à mon ami médaillé. Les familles
prennent des photos. L’évêque se tient au premier rang de la parade. J’ai l’impression
de figurer dans un film de Bunuel.
J’entends à
nouveau, devant cette caserne, les cris de ceux qui ne supportent pas ma
dénonciation du terrorisme de l’ETA. Et les tortures ? Et le GAL ?
A nouveau,
il faut revenir à l’essentiel. La barbarie des uns ne peut jamais légitimer la
barbarie des autres. Les nazis pouvaient « justifier » leurs camps
par le goulag, les staliniens les camps soviétiques par les camps nazis. Dans
cette spirale infinie, toute dénonciation devient impossible. La barbarie d’ETA
ne peut pas être justifiée par les tortures de la caserne d’Inchaurrondo. Et
aucune barbarie d’ETA ne peut justifier la torture dans cette caserne qui me
fait face.
Les
différences apparaissent dans le récit post-terroriste. Personne dans la classe
politique française n’a jamais cherché des « justifications « des
camps nazis. Alors que tout un segment de la population française a nié, ou
pire encore, justifié, les camps soviétiques. De même aujourd’hui, au Pays
Basque français, quel élu, quel parti, quel mouvement ose justifier le GAL ou les
tortures franquistes ? Personne. Alors que jour après jour, des élus, des
partis, des mouvements, expriment une certaine sympathie à l’égard de la
barbarie d’ETA, négocient avec eux, les rencontrent dans leur prison, demandent
des mesures d’amnistie.
Combattant
la barbarie d’ETA là où elle rencontre une certaine sympathie, je ne peux pas
la légitimer par la barbarie de ceux qui l’ont combattue. Je ne peux que
soutenir ceux qui ont grandement contribué à sa déroute. Dans la caserne, un
grand panneau regroupe les portraits des cent gardes civils abattus par l’ETA. Je
vais serrer la main du gendarme médaillé. Au nom de La République en Marche.
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