Rue Victor Hugo, à Biarritz. Un grand gaillard sort de
la librairie en criant des paroles incompréhensibles. Il est noir de peau. Je m’apprête
à entrer dans l’établissement dont il sort. Je croise sur mon chemin un
monsieur blanc de peau qui pourrait avoir le même âge que moi. Comme moi, il regarde ce
grand gaillard très énervé. Il cherche mon regard, il veut que je partage son
indignation : « vous vous rendez compte, avec tous ces immigrés, on n’est
plus tranquille nulle part ». Je lui réponds ce que tout être humain
devrait répondre : « Monsieur, je suis surpris. Comment savez-vous
que ce grand gaillard est un immigré ? ».
-Ben, ça se voit non ?
- Vous voulez dire qu’un homme noir de peau ne peut
pas être français ? Vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Un
noir ne peut être qu’un immigré ? Moi, je suis peut-être plus immigré que
lui, mais comme j’ai la peau blanche, je suis forcément français ? Vous
vous rendez compte que vos paroles sont des paroles de guerre civile, des
paroles de camps de concentration, des paroles de mort ?
Il ne répond plus. Il ne répond pas. Le monsieur est
dans ses peurs, dans ses pulsions irraisonnées. Il n’écoute plus. Moi,
monsieur, me dit-il, je suis de droite, j’ai toujours voté à droite, mais si ça
continue comme ça, je vais voter Front national aux prochaines élections.
Faut-il des sous-titres, des conclusions, des modes d’emploi à ce récit ?
Il existe des partis, des mouvements, des institutions, des intellectuels, qui
donnent légitimité à ce monsieur, qui lui disent tous les jours tu as raison d’avoir
peur. Tu as raison de penser qu’on ne peut pas être tout à fait français ni
tout à fait n’importe quoi si on a la peau noire. Si on ne s’appelle pas Dupont
ou Durand. Si on n’a pas le bon rhésus, le bon profil.
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