Le temps est révolu où l’on pouvait briller en recopiant
des citations d’auteurs classiques adaptés à une situation donnée. Par exemple,
« longtemps je me suis levé de bonne heure » ou « le petit chat
est mort ». Il faut désormais pour se tailler une place dans un monde de
brutes montrer le caractère unique de ma petite entreprise.
Ce caractère unique ne saute pas aux yeux. La date de
naissance n’est pas un mauvais départ. Elle est malheureusement partagée par
des milliers de personnes. Le numéro de sécurité sociale est unique mais ne
présente pas d’intérêt majeur. Plus l’âge avance, plus il est argument. Tu te
rends compte, il a 86 ans et il marche. Tous les matins, il lit son journal.
L’inconvénient de l’âge est qu’il est le résultat paresseux du temps qui passe
et que son porteur ne contribue en rien à son exceptionnalité.
Recherchons donc ce qui est unique. La date de naissance
vous accroche une étoile jaune dans Paris occupé. Pas mal. Il n’en reste plus
beaucoup et ceux qui restent sont souvent en mauvais état. Ensuite l’euphorie
de la libération, l’aventure du communisme, que les aventuriers se rappellent.
Puis l’utilisation de cette aventure pour repérer les aventures aussi dangereuses
qui se dissimulent sous de nouveaux habits.
Inconvénient. Ceux qui s’engouffrent dans les nouvelles
ornières n’écoutent pas les anciens. Ils
disent qu’un militant brûlé craint l’eau tiède. Ils disent que je fais partie
de ces millions de rebelles qui ont vieilli et sont devenus de bons
réactionnaires. Pour répondre, il ne faut pas s’enfermer dans des généralités
sans issue. Le communisme et le nationalisme ont une histoire et un présent. L’histoire
les condamne sans appel, ils ont conduit aux deux systèmes totalitaires de
destruction massive des peuples. Les partisans de ces deux conceptions du monde
cherchent à se détacher d’une histoire qui leur colle aux doigts. Ils sont tous
caractérisés par le refus de l’histoire. Ils pourraient dire : « nous
sommes différents ». Non. Ils disent qu’il est mauvais d’étudier l’histoire
du communisme et du nationalisme et que passer son temps à visiter les camps
nazis et soviétiques, n’est pas bon pour le moral.
Ils ont aussi un présent. Le nationalisme s’installe, les
soviets gouvernent. Si mon passé me permet un regard plus lucide sur la
Hongrie, l’Italie et le Venezuela, tant mieux. Je ne vais pas me passer de
cette lucidité parce que je craindrais, comme mes adversaires me le répètent, l’eau
tiède.
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