Ce que
nous avons sous nos yeux n’est pas dérèglement, n’est pas égarement, mais réalisation
de l’objectif. De quoi est faite la discussion ? Des revendications
précises ? Toutes disparaissent peu à peu, englouties dans l’affrontement
entre police et manifestants radicalisés. Les blessés se constituent en
collectif. Le gouvernement réplique en montrant les policiers agressés. Est-ce
que les manifestants voulaient envahir l’hôpital ou s’y réfugier ? Un
gendarme claque la gueule d’un gilet jaune, un autre lance un pavé. Des
casseurs lynchent un officier de police, mettent le feu à une voiture. Les mots
d’ordre revendicatifs ont laissé la place à des slogans. Slogan est un nom
gaélique qui signifie cri de guerre. Tout le monde déteste la police, police
partout justice nulle part. Bientôt, nous aurons droit à des manifestations
pour libérer nos camarades, à des dénonciations de tortures dans les
commissariats, à des grèves de la faim pour prisonniers qui veulent être reconnus
comme prisonniers politiques.
Quand la
politique était guerre civile, les journaux nationalistes, en Irlande du Nord et
au Pays Basque, consacraient l’essentiel de leurs pages à la répression policière,
à la justice colonialiste, aux bourreaux, aux juges. Les souffrances des familles
qui doivent consacrer leur maigre budget à visiter leurs proches en prison. Les
accidents de la route. Les demandes de libération pour raisons de santé. Des
objectifs initiaux il ne restait plus que les souffrances des combattants, l’héroïsme
des blessés, les chairs mutilés. Dans un coin de la page dix d’An Poblacht, parfois, un article
politique. Nous y sommes.
Pour
former un médecin, il faut dix ans. Un enseignant, comptez six à huit ans.
Autant d’années pour des magistrats, des juges. Pour construire des logements
sociaux, il faut vingt ans. Des psychologues et des formateurs pour jeunes en
difficultés, cinq ans. Pour brûler une boutique, trente secondes suffisent.
Contre
les injustices, les inégalités, les discriminations, il faut des années d’effort.
Devant un avenir laborieux, une partie de la société cherche des solutions
rapides. On les appelle des révolutionnaires. Vous vous ennuyez, construisez
une cabane sur un rond-point, il y aura une dizaine de morts et quelques mariages.
La vie devient excitante. Vous attirez les caméras et les micros. A construire
une société plus juste, pas à pas, nuit après nuit, réunions après réunions,
vous restez dans l’ombre. A incendier une voiture, vous voilà dans la lumière.
Sans
aucune responsabilité. Sans obligation de résultats. Si un policier vous
matraque, vous prenez la scène en photo,
vous notez son matricule. Si des gens meurent dans les ronds-points, personne n’est
responsable.
Il s’agit
de démontrer que nous vivons en dictature et que le peuple doit se lever pour
la renverser.
Des
intellectuels écrivent des livres pour soutenir ces héros. Des politiques admirent
les voitures qui brûlent, encensent le peuple. Des victimes, des faillites, des
cendres, ils ne veulent rien savoir. Ils ne connaissent pas Jo Cox, une députée
travailliste assassinée lors de sa campagne contre le Brexit. Assassinée
par leur peuple.
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