jeudi 28 septembre 2017

nationalismes


Québec, Irlande, Ecosse, Catalogne, Kosovo, Pays Basque, Corse, Kurdistan…Les nationalismes sont en première page. Historiquement, le nationalisme est un mouvement social, politique, culturel, militaire ou pacifique, qui vise à obtenir l’indépendance et un gouvernement qui correspond à une communauté de langue, d’intérêt. Le nationalisme se développe quand les citoyens de cette communauté sont exclus des avantages et des privilèges garantis par l’état où ils vivent. Le cas le plus simple est celui de l’Irlande. Dans le Royaume-Uni, les catholiques, majoritaires en Irlande, étaient des citoyens de seconde zone dans tous les domaines, économiques, électoraux, religieux. L’indépendance était pour eux accéder aux droits déniés.

        Les contours de cette communauté construite par l’histoire peuvent être territoriaux, linguistiques, religieux. L’important n’est pas tant leur réalité que leur mobilisation par la communauté qui s’estime opprimée et discriminée. Quand la langue, la religion, la terre, deviennent des facteurs politiques, peu importe leur réalité. Ils sont vrais parce qu’ils sont reconnus comme tels par le mouvement national.

        De cette liste apparaîtra une différence notoire. L’emploi de la violence armée ou le recours uniquement à des moyens pacifiques, manifestations, pétitions, et naturellement, le vote. Le Québec, l’Ecosse, la Catalogne, n’ont pas eu recours à la lutte armée. L’Irlande, le Pays Basque, la Corse, ont été marqués par l’émergence d’armées clandestines. En Irlande, aux premières élections générales à la sortie de la guerre de 14-18, la majorité a été accordée aux candidats qui s’étaient engagés à ne pas siéger au parlement de Westminster, à constituer un parlement à Dublin (le Dail), un pouvoir non reconnu par Londres, mais légitimé par les urnes. Il est résulté une période de double pouvoir (Londres et le parlement dublinois), et des affrontements qui se sont développés en guerre anglo-irlandaise, terminée par un accord en 1921. Cet accord, accepté par la majorité du Dail et par la majorité des électeurs, fut dénoncé par une partie des républicains mené par De Valera, dont les paroles célèbres : « le peuple n’a pas le droit d’avoir tort » devinrent le slogan de toutes les avant-gardes révolutionnaires. Ce désaccord se transforma en guerre civile qui fit plus de morts que la guerre anglo-irlandaise.

        L’objet de ce texte n’est pas de décerner des bons ou des mauvais points. Il est possible (peut-être nécessaire) de relever que l’émergence de groupes armés n’était pas dû à l’écrasement d’une volonté majoritaire (comme en Irlande en 1919), mais d’abord pour remplacer la volonté majoritaire par le sacrifice d’une minorité. La théorie est la même partout : le peuple souffre, il est dans les chaînes, mais il ne s’en rend pas compte, il est endormi. Le sacrifice d’une avant-garde le réveillera. Etarras basques, Républicains irlandais, nationalistes corses partageaient le même diagnostic. L’idéal d’indépendance est minoritaire, il faut le rendre irrésistible par le sacrifice d’une avant-garde combattante. C’est une conception très religieuse de la politique dont le modèle, avant d’être celui Che Guevara, fut d’abord celui du Christ. Regardez l’iconographie de Bobby Sands, comme celle de Che Guevara et vous constaterez la transformation de ces martyrs en figures christiques. « En vérité je vous le dis » est ridicule dans une enceinte parlementaire, mais devient message universel quand ces mots sont prononcés sur la Croix ou depuis la geôle.

        Ça marche. C’est efficace. Les plus modérés ont tous condamné le recours à la lutte armée, ils doivent quand même reconnaître que ces sacrifices ont réveillé consciences. Ces avant-gardes ont partout été battues, mais elles continuent de fixer les ordres du jour. La question des prisonniers, leur réinsertion, se joue toujours sur le fond d’une légitimation de leur combat. Ces rencontres prennent parfois des aspects surprenants. Au Pays Basque, pour aider les derniers etarras à quitter leur repaire, des hommes de paix jouent à  la clandestinité, ils jouent à la guerre, déterrent des armes, se font arrêter, crient à l’injustice, ils sont des combattants d’opérette, n’empêche qu’ils entraînent la société basque derrière eux en une espèce d’hommage à ceux qui se sont vraiment sacrifiés.

        Encore faut-il s’entendre sur le sens du mot « sacrifice ». Il ne s’agit pas de gens qui se sont immolés par le feu. Ils ont tué, beaucoup, et il faut effacer leurs victimes pour honorer leur combat.

         

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