C’est
un peu compliqué, mais j’ai la conviction que certains de mes lecteurs (je
n’arrive pas à dire « amis », ce ne sont pas des amis, ce sont des
lecteurs. Il est vrai que parmi ces lecteurs, il y a des amis, et certains amis
ne sont pas lecteurs, mais lecteurs est dans ce cas précis le mot le plus
juste. Il englobe des amis lecteurs et des lecteurs qui ne sont des amis que
sur la toile).
Que
certains de mes lecteurs, donc, auront la patience de lire jusqu’au bout parce
qu’ils partagent certaines de mes inquiétudes sur la scène politique du Pays
Basque français. Ceux qui ne partagent pas mes inquiétudes auront depuis
longtemps cliqué sur un ^ qui permet de supprimer un ami de la liste. Les
autres continuent de s’intéresser.
On
ne choisit pas sa famille et on ne choisit pas le coin de terre qui vous
accueille. Si les tensions avec la famille sont trop fortes, il est possible de
la quitter. Il est tout aussi possible de quitter le coin de territoire qui est
devenu un point de chute. Mais c’est peut-être plus compliqué que de quitter sa
famille.
Pour
des raisons qui seraient trop longues ici à énumérer, mon point de chute est le
Pays Basque français. Du point de vue du climat, des paysages, des activités
physiques, des loisirs, des relations amicales ou affectives, la qualité de vie
est l’un des meilleures que je connaisse.
À
condition de ne s’intéresser qu’au climat, au paysage, aux loisirs, aux
relations humaines. Si vous vous intéressez à la vie politique, le Pays Basque
français est l’un des plus compliqués. À la fois ouvert et fermé, rassurant et
inquiétant, intégriste et moderniste. D’une part, une population cosmopolite,
artiste, ouverte, œcuménique. Et d’autre part, sur le même sol, un évêque de
Bayonne parmi les plus intégristes qui organise des séminaires pour guérir les
homosexuels, qui compare les IVG à des génocides et dont les prêtres portent
une soutane boutonnée depuis le col jusqu’au chevilles, une soutane qui traîne
dans la poussière et dans le sable. Et puis des catholiques œcuméniques et des
pasteurs femmes protestantes. Des manifestations pour la fierté homosexuelle et
des intégristes criards.
Et
dans la même foulée, un personnel politique très soumis aux revendications
identitaires. Tous, droite, gauche, insoumis et conformistes, centristes et
marcheurs, LR et socialistes, se mettent au garde à vous devant les patriotes.
Ils se sont rassemblés pour leur offrir un territoire administratif
correspondant à une frontière imaginaire. Pour leur offrir des ikastolas où
l’on enseigne le basque alors que les parents seraient plutôt attirés par
l’anglais et l’espagnol mais ils n’osent pas le dire parce que le dire, c’est
être un petit peu traître à la nation basque. Vous commencez à voir ce que je
veux dire. On peut être pour ou contre l’IVG, pour ou contre le mariage pour
tous, pour les réformes du travail, pour l’accueil des migrants ou la fermeture
du pays, sur tous ces points, les discussions peuvent être rudes, mais on ne
vous qualifiera pas de traître à la patrie. Être traître à la patrie, ce n »’est
pas rien, en temps de guerre, on vous fusille pour moins que ça. Quand l’ETA
était encore en activité, chivata,
c’était une balle dans la tête vite fait. Maintenant, ils n’ont plus d’armes, mais la guerre
continue sous d’autres moyens, et les élus qui n’étaient pour les patriotes,
pour les prisonniers, pour l’amnistie, tournaient le dos au Pays Basque.
Disait-on. On tourne le dos et paf…
Que
demandent les patriotes ? Qu’on reconnaisse la légitimité du combat que
les chivatas appellent terroriste. Que les terroristes emprisonnés soient
reconnus comme des prisonniers politiques, parce que tirer une balle dans la
tête d’un journaliste ou d’une chivata, rançonner pour extorquer l’impôt
révolutionnaire, incendier des bâtiments publics, quand on est musulman, c’est
du terrorisme, quand on est basque, c’est une activité politique.
Naturellement, si vous évitez ces sujets, vous passez au Pays Basque des
séjours tranquilles. Alors pourquoi se faire du souci ? Quand vous allez
au restaurant, vous n’allez pas visiter le local à poubelles…
L’ETA a perdu la guerre et
les patriotes doivent transformer la défaite militaire en victoire politique.
Et ils réussissent à entraîner dans cette opération de blanchiment toute la
société politique basque.
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