jeudi 26 avril 2018

l'imposture craque


Tu peux nous expliquer ?

Oui. Mais attention, mon explication est partisane, furieuse, partiale, engagée. Ce qui se passe au Pays Basque est l’histoire d’un mariage de raison entre une armée en déroute qui cherche la sortie du champ de bataille  et des élus en panne d’ambition qui cherchent la notoriété. Pas d’amour, pas de passion, pas de coup de foudre. Donnant donnant.

L’armée en déroute est l’ETA dont les objectifs servent de compost aux jardiniers de l’histoire. Ils voulaient un Pays Basque réunifié, indépendant et socialiste. La victoire était au bout du fusil. Le Pays Basque n’est ni réunifié, ni indépendant ni socialiste et les fusils rouillent dans les poubelles. La société basque espagnole a massivement rejeté leurs actions, leurs objectifs. L’efficacité des polices française et espagnole a réduit l’ETA à une poignée d’encagoulés. Une armée défaite, dont les soldats sont emprisonnés, ou traînent sur les champs de bataille sans armes, sans uniforme, à la recherche d’une issue la moins honteuse possible.

Cette armée défaite a rencontré des élus du côté basque français qui s’ennuyaient. Élus socialistes ou LR, Modem ou UDI, ils avaient en commun de s’affirmer comme des élus du territoire. Ils ne disaient rien sur les grandes questions nationales. L’économie, la sécurité, l’éducation, l’Europe, le monde, leur faisaient peur. On ne sait pas très bien quels courants ils soutenaient dans leur parti, quelle personnalité  les attirait. Ils inauguraient des foires au jambon et des ikastolas. La vie politique était maigre et sans saveur.  

Les demi-soldes et leurs amis leur ont proposé un contrat de mariage simple. Vous acceptez l’idée que nous ne sommes pas vaincus, que la guerre n’est pas terminée. C’est facile chez vous parce que vous n’avez pas connu la guerre. Chez nous c’est plus compliqué.

         Vous n’avez pas connu la guerre, vous ne savez pas ce que c’est. Inventez-la, dites qu’elle est vraie, qu’elle n’est pas terminée, qu’il y a encore des prisonniers de guerre, des arsenaux dangereux. Qu’il faut déterrer les armes, qu’il faut libérer les prisonniers, qu’il faut battre le fer quand il est froid. Vous nous offrez la sortie du conflit avec honneur, avec salut au drapeau, clairons et trompettes, une dernière manif à Montparnasse et un monument aux morts sur une place de Bayonne. En échange, nous vous accordons le statut de faiseurs de paix, nous vous donnons la médaille de Grand Pacificateur, Mandela du Pays Basque, Mendès-France de la Tunisie, George Mitchell de l’Irlande du Nord, Schindler des camps, Raoul Nordling de la bataille de Paris.

Banco. Ils ne se sentent plus. Une guerre d’opérette, mais avec de beaux discours et des drapeaux. On s’y croirait. Les ailes leur ont poussé et ils sont devenus les anges de la paix. L’enthousiasme était tel que la société basque française friande de spectacle a participé sans retenue à cette opération de blanchiment de la terreur.

Tous ? Non. Certains proposaient, sans effet aucun, que quelqu’un quelque part se lève  pour dire « je ne suis pas d’accord ». Pas d’accord avec la négociation avec une organisation terroriste. Pas d’accord avec la construction d’une avenue des Champs-Élysées pour ceux qui ont maintenu le Pays Basque espagnol dans la terreur. Pas d’accord avec un Arc de Triomphe décoré de croix gammée ou de son équivalent basque. On leur répondait qu’elles étaient seules, que personne ne les écoutait, qu’il fallait laisser passer la vague.

Puis cette horreur sculptée qui fit hurler. D’abord les associations de victimes, puis des citoyens du Pays Basque français. Et désormais, les grands falsificateurs doivent se justifier. Ils déterrent, ils enterrent la hache. Ils essaient de faire venir du Pays Basque espagnol d’autres personnes que les amis de l’ETA. Rien ne vient. Ceux qui ont connu la vraie guerre n’apprécient guère qu’on danse dans les cimetières.

Il y a des impostures qui durent, d’autres qui sombrent. Cette imposture-là est en train de se fracasser.

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