Tu peux nous
expliquer ?
Oui.
Mais attention, mon explication est partisane, furieuse, partiale, engagée. Ce
qui se passe au Pays Basque est l’histoire d’un mariage de raison entre une
armée en déroute qui cherche la sortie du champ de bataille et des élus en panne d’ambition qui cherchent
la notoriété. Pas d’amour, pas de passion, pas de coup de foudre. Donnant
donnant.
L’armée
en déroute est l’ETA dont les objectifs servent de compost aux jardiniers de
l’histoire. Ils voulaient un Pays Basque réunifié, indépendant et socialiste. La
victoire était au bout du fusil. Le Pays Basque n’est ni réunifié, ni indépendant
ni socialiste et les fusils rouillent dans les poubelles. La société basque
espagnole a massivement rejeté leurs actions, leurs objectifs. L’efficacité des
polices française et espagnole a réduit l’ETA à une poignée d’encagoulés. Une
armée défaite, dont les soldats sont emprisonnés, ou traînent sur les champs de
bataille sans armes, sans uniforme, à la recherche d’une issue la moins
honteuse possible.
Cette
armée défaite a rencontré des élus du côté basque français qui s’ennuyaient. Élus
socialistes ou LR, Modem ou UDI, ils avaient en commun de s’affirmer comme des
élus du territoire. Ils ne disaient rien sur les grandes questions nationales.
L’économie, la sécurité, l’éducation, l’Europe, le monde, leur faisaient peur.
On ne sait pas très bien quels courants ils soutenaient dans leur parti, quelle
personnalité les attirait. Ils
inauguraient des foires au jambon et des ikastolas. La vie politique était
maigre et sans saveur.
Les
demi-soldes et leurs amis leur ont proposé un contrat de mariage simple. Vous
acceptez l’idée que nous ne sommes pas vaincus, que la guerre n’est pas
terminée. C’est facile chez vous parce que vous n’avez pas connu la guerre. Chez
nous c’est plus compliqué.
Vous n’avez pas connu la guerre, vous ne savez pas ce que c’est.
Inventez-la, dites qu’elle est vraie, qu’elle n’est pas terminée, qu’il y a
encore des prisonniers de guerre, des arsenaux dangereux. Qu’il faut déterrer
les armes, qu’il faut libérer les prisonniers, qu’il faut battre le fer quand il
est froid. Vous nous offrez la sortie du conflit avec honneur, avec salut au
drapeau, clairons et trompettes, une dernière manif à Montparnasse et un monument
aux morts sur une place de Bayonne. En échange, nous vous accordons le statut
de faiseurs de paix, nous vous donnons la médaille de Grand Pacificateur,
Mandela du Pays Basque, Mendès-France de la Tunisie, George Mitchell de
l’Irlande du Nord, Schindler des camps, Raoul Nordling de la bataille de Paris.
Banco.
Ils ne se sentent plus. Une guerre d’opérette, mais avec de beaux discours et
des drapeaux. On s’y croirait. Les ailes leur ont poussé et ils sont devenus
les anges de la paix. L’enthousiasme était tel que la société basque française
friande de spectacle a participé sans retenue à cette opération de blanchiment
de la terreur.
Tous ?
Non. Certains proposaient, sans effet aucun, que quelqu’un quelque part se
lève pour dire « je ne suis pas
d’accord ». Pas d’accord avec la négociation avec une organisation
terroriste. Pas d’accord avec la construction d’une avenue des Champs-Élysées
pour ceux qui ont maintenu le Pays Basque espagnol dans la terreur. Pas
d’accord avec un Arc de Triomphe décoré de croix gammée ou de son équivalent
basque. On leur répondait qu’elles étaient seules, que personne ne les
écoutait, qu’il fallait laisser passer la vague.
Puis
cette horreur sculptée qui fit hurler. D’abord les associations de victimes,
puis des citoyens du Pays Basque français. Et désormais, les grands
falsificateurs doivent se justifier. Ils déterrent, ils enterrent la hache. Ils
essaient de faire venir du Pays Basque espagnol d’autres personnes que les amis
de l’ETA. Rien ne vient. Ceux qui ont connu la vraie guerre n’apprécient guère
qu’on danse dans les cimetières.
Il
y a des impostures qui durent, d’autres qui sombrent. Cette imposture-là est en
train de se fracasser.
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