Je suis juste un petit peu juif.
J’ai été juif pendant
la guerre. J’avais huit ans et je portais une étoile jaune. J’avais contre moi
l’armée allemande, l’état vichyste, les dénonciateurs, les partis antisémites,
les journalistes de la collaboration, les expositions, les sociétés, les intellectuels.
Là, en ce temps-là, pour ne pas être juif, il fallait vraiment le vouloir.
Aujourd’hui, je ne
porte pas de kippa, ni d’étoile. Quand j’entends des remarques racistes, contre
les Arabes ou contre les Juifs, je réagis, toujours, vivement, avec des
arguments et des colères. Mais je peux porter plainte, je suis protégé, par l’armée,
la police, la justice, l’état républicain, les partis politiques, les
intellectuels.
Je sais que des Juifs
qui portent leur religion comme d’autres portent la croix ou le voile sont l’objet
d’insultes, parfois d’attaques. D’autres, qui n’ont de juif qu’une histoire, un
nom, un accent, se font attaquer, et parfois pire. Ils ont toute la société
française derrière eux pour les défendre, en justice, en paroles, en actions.
Il y a des antisémites.
Il y a eu des meurtres clairement antisémites. Une partie des musulmans porte
en eux de l’antisémitisme comme la nuée porte l’orage. Toute la société française,
dont la majorité des musulmans, est dressée contre eux. À juste titre.
Il y a un domaine où je
me sens un petit peu juif. Je ne peux pas me défendre d’une certaine fierté de
porter un nom qui provoque des haines emblématiques, des haines qui sont le
critère absolu du sous-développement, de la débilité politique, de pathologie
collective, d’ignorance meurtrière. Ainsi, beaucoup d’observateurs considèrent
que la marque principale du sous-développement, de la distance vis-à-vis des
grandes valeurs de notre temps, la crétinerie politique absolue, dans les pays
arabes est l’acceptation ou le partage de sentiments antisémites.
C’est ainsi. Cela a une histoire. Mais c’est ainsi. La Pologne
est stigmatisée surtout pour des opinions et des actions antisémites. En
Russie, tous les Noirs qui sont allés étudier dans les universités à Moscou ou
Leningrad savaient que le racisme anti noirs était universel et violent. Les
Noirs savent qu’il ne fait pas très bon d’être noir dans les pays arabes. Pourtant
c’est l’antisémitisme qui permet d’abord de stigmatiser ces sociétés. Et même chez
nous en France, ou le racisme anti-arabe est non seulement le plus répandu, mais le
plus nocif pour les populations cibles, ce qui fait réagir le plus c’est l’antisémitisme.
C’est pourquoi je me
sens un peu juif, un peu fier d’être juif. Un peu fier d’appartenir à une population qui est depuis
des siècles et des siècles fournit aux barbares le symbole suprême de leur barbarie.
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