Pour aider à comprendre ce qu’il se passe au Pays
Basque, la lecture du livre de Jean-Pierre Martin, Eloge de l’apostasie peut être
utile. (En complément de mon livre Eloge
de l’infidélité.)
La fidélité est une valeur importante. Les
militants qui conservent une foi inébranlable deviennent des « gueules
cassées » de leur engagement. Ils sont admirables. « Que des affiliés
à vie persistent dans leur fidélité à leur propre bêtise, cela ne semble gêner
personne ». Le vieux Mao (comme Alain Badiou) continue d’attirer les
sympathies. Alain Badiou, celui qui désigne le critique implacable et érudit du
maoïsme, Simon Leys comme «un renégat du maoïsme ».
Les
fidèles persistent dans leur attachement, c’est bien. S’ils rompent, on leur en
veut. On déteste le reniement, le curé défroqué. Celui qui découvre la barbarie
quand le monde voyait une utopie généreuse. Celui-là dérange. Salman Rushdie devient
un ennemi de l’islam. Paul Nizan est dénoncé comme traître. Arthur Koestler
passe à l’ennemi. Georges Bernanos est devenu renégat parce qu’il dénonce les massacres
franquistes, George Orwell parce qu’il dénonce les massacres staliniens. Albert
Camus est mis en quarantaine. David Rousset est un apostat. Ceux qui dénoncent
les crimes de l’ETA sont des traîtres au Pays Basque.
Il
y a peu d’apostats au Pays Basque. Peu de renégats. Peu d’anciens terroristes
repentis ou d’intellectuels patriotes qui rompent avec la foi nationaliste. Il
faut que règne partout une acceptation paresseuse, mais confortable, sur la
nécessité de l’amour du territoire et du respect pour l’héroïsme des combattants
de l’ETA.
Devant
la barbarie, si on se tait, on peut conserver de bonnes relations avec le
groupe. Si on parle on trahit. Comme la famille admet les meurtrissures
internes en silence, mais se rebiffe contre la plainte déposée.
Les
associations de victimes rendent plus difficile les mémoires militantes, les
acceptations paresseuses. Les victimes qui parlent rendent la complicité
honteuse. C’est pourquoi l’activité
principale des négationnistes de la terreur est de bâillonner et de blanchir. Il
faut oublier les actes barbares, recouvrir les victimes d’un manteau de plomb. Les criminels se congratulent, on les applaudit.
Leurs victimes doivent se taire.
C’est
pourquoi l’activité principale de Mémoire et Vigilance est de rendre la parole
aux victimes.
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