Ne rien
regretter, ne rien déplorer.
Quand l’opération
des artisans de la paix s’est mise en marche, le Pays Basque français était
unanime. Unanime par ses représentants, conseillers municipaux, maires, députés
et sénateurs. On peut imaginer que certains n’étaient pas d’accord. Ils ne l’exprimaient
pas publiquement. Le blanchiment de la terreur de l’ETA ne tolérait aucune tâche,
les banderoles étaient immaculées.
Cette unanimité
avait deux conséquences. En France, les pouvoirs publics qui menaient le combat
contre le terrorisme en coopération avec l’Espagne, qui tentaient de maintenir
un semblant de raison républicaine, refusaient de traiter les prisonniers
basques emprisonnés comme des prisonniers politiques. Ils rencontraient des
délégations de citoyens exaltés, d’élus ivres de ce mouvement collectif sans
faille. Ces délégations demandaient d’aider l’organisation terroriste à se
désarmer dans l’honneur du sang versé, à rapprocher les prisonniers de leur
famille en outrepassant les règles du droit. Que dans ces conditions, l’état français
ait tenu bon est tout à son crédit.
La deuxième
conséquence portait sur le Pays Basque espagnol. Les abertzale radicaux battus
militairement souhaitent une revanche politique. Ils manifestent à la sortie
des assassins de l’ETA, changent et dansent. Là-bas, ces liesses sont très mal
ressenties par les associations de victimes. Comme sont très mal ressenties les
opérations de blanchiment de la terreur, car les morts sont de leur côté. Alors
les EH Bai ou Sortu crient leur déploration : pourquoi ne peut-on pas mettre
en scène au Pays Basque espagnol une grande opération de nettoyage comme celle de
la Grande Teinturerie du Pays Basque français ?
C’est pourquoi
l’action de notre groupe a été accueillie avec enthousiasme par ces deux
institutions. Par les représentants de l’état français au Pays Basque et par
les associations de victimes. Pour les mêmes raisons : enfin les
préoccupations des associations de victimes étaient prises en compte. Enfin les
représentants de l’ETA français pouvaient dialoguer avec des opposants au
blanchiment de la terreur. Un grand coup d’air frais. Le Pays Basque français n’était
plus unanime, le pluralisme souterrain et silencieux se faisait entendre.
Les
teinturiers étaient furieux. Ils se demandaient comment un groupe si restreint
avait pu abattre une sculpture de trois tonnes et de huit mètres de haut.
Comment une poignée d’hommes et de femmes avaient pu accéder à la préfecture, à
la chancellerie, dégonfler la baudruche, révéler la supercherie ? Nous
pouvons leur révéler le secret de ces succès : convictions, ténacité,
courage, obstination. Nous avons appris ensemble à ne pas accepter l’inacceptable.
Nous avons appris ensemble qu’il est toujours possible d’entreprendre et d’imaginer
des actions contre les dérives les plus puissantes. Que chacun peut faire quelque
chose. Il a fallu du courage pour affronter les insultes, pour affronter le
pire ennemi de toute entreprise : l’indifférence, la résignation, la
passivité.
Le groupe a su
se hisser à la hauteur des difficultés. Il n’a pas su se hisser à la hauteur de
ses succès. Au lieu de poursuivre, on se dispute l’héritage. C’est la preuve de
la richesse des acquis. Mais nous ne savons plus gérer la suite. Trop
difficile, hors de portée. Il faudrait devenir un mouvement organisé, un parti,
intervenir dans la vie publique. Nous n’avons ni les moyens ni la volonté de se
transformer ainsi. Chacun va retourner à son chemin ou à son jardin. Nous
allons écrire, discuter, rencontrer, inventer d’autres formes d’action. Ou ne
rien faire. Je demande ici qu’on ne déplore rien, qu’on ne regrette rien. Nous
avons accompli beaucoup.
Rappelons-nous
en permanence les condamnations des nationalistes, leurs moqueries sur notre petit nombre. La
sculpture de la hache devait être la clé de voûte de leur entreprise. Sans
cette clé de voûte, l’édifice s’écroule. Si vous doutez, allez sur le site des
artisans de la paix. Vous constaterez que depuis le 8 avril, ils sont muets.
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