Flammes, flammes, flammes.
Pour le moment, il y a des
images. Personne, aucun compteur, n’a osé nous dire combien de millions de
personnes ont regardé les flammes. Puis des commentateurs ont placé des paroles
sur le monument en flammes et certains ont publié des tribunes. Déjà les
premiers livres sont prêts, et Victor Hugo occupe la place en attendant des
études sociologiques et ethnologiques qui prouveront que la France est coupée
en quatre, en mille, en cent, que les banlieues de Seine-Saint-Denis ont moins pleuré que les habitants de l’île
Saint-Louis. Les flammes occupent le terrain. Si une pierre était tombée et
avait tué trois pèlerins et blessé six moines, sans images, sans feu, l’information
se serait éteinte.
Acceptons l’inévitable, le
mystère des émotions collectives. Ces moments si intenses que ceux qui ne les partagent
pas se sentent coupables, étrangers à la vie de la cité, et ceux qui les
partagent font de leurs larmes une carte d’identité plus fiable que tous les
documents administratifs. Si vous êtes à
l’extérieur du cercle, au point qu’il ne vous vient même pas à l’idée de recopier
les chiffres d’une carte bancaire, vous vous sentez étranger comme Vichy ne
vous a jamais autant exclu de la communauté nationale. En boucle, sur les
écrans, dans les manchettes et les photos pleine page, des hommes et des femmes
répètent que Notre Dame c’est la France et que la France c’est Notre Dame. Je
croyais que c’est la Tour Eiffel avec sa pointe qui monte au ciel. Paris ne
serait pas Paris sans elle. Les parents ne seraient pas des parents s’ils n’emmenaient
pas les enfants sur la Tour Eiffel. Les grands-parents sont déchus de leur grande-parenté
s’ils n’emmènent pas leurs petits-enfants grimper les marches. Je connais des
parents et des grands-parents qui n’ont jamais emmené leurs enfants et
petits-enfants visiter la cathédrale Notre Dame de Paris. Ils ont conservé leur
statut.
Un homme politique qui parle de l’incendie du 15 avril sans le menton
qui tremble, sans le sanglot étouffé, sans les yeux qui brillent, renonce à
toute carrière. Les femmes politiques, moins, parce qu’on leur reproche
tellement de pleurer pour un oui pour un non qu’elles se retiennent. Je n’invente
rien. Ce lundi 15 avril, les hommes politiques pleuraient, La maire de
Paris, Marine Le Pen, Valérie Paicresse,
n’ont pas pleuré.
La différence ce sont les
flammes. Depuis plusieurs semaines, une vingtaine de milliers de manifestants
ont rendez-vous avec les caméras. Sans les palettes, les barricades, les voitures
qui brûlent, les amateurs d’écrans auraient depuis longtemps viré vers d’autres
émotions.
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