dimanche 21 avril 2019

flammes, flammes, flammes


Flammes, flammes, flammes.



Pour le moment, il y a des images. Personne, aucun compteur, n’a osé nous dire combien de millions de personnes ont regardé les flammes. Puis des commentateurs ont placé des paroles sur le monument en flammes et certains ont publié des tribunes. Déjà les premiers livres sont prêts, et Victor Hugo occupe la place en attendant des études sociologiques et ethnologiques qui prouveront que la France est coupée en quatre, en mille, en cent, que les banlieues de Seine-Saint-Denis  ont moins pleuré que les habitants de l’île Saint-Louis. Les flammes occupent le terrain. Si une pierre était tombée et avait tué trois pèlerins et blessé six moines, sans images, sans feu, l’information se serait éteinte. 


Acceptons l’inévitable, le mystère des émotions collectives. Ces moments si intenses que ceux qui ne les partagent pas se sentent coupables,  étrangers à la vie de la cité, et ceux qui les partagent font de leurs larmes une carte d’identité plus fiable que tous les documents administratifs.  Si vous êtes à l’extérieur du cercle, au point qu’il ne vous vient même pas à l’idée de recopier les chiffres d’une carte bancaire, vous vous sentez étranger comme Vichy ne vous a jamais autant exclu de la communauté nationale. En boucle, sur les écrans, dans les manchettes et les photos pleine page, des hommes et des femmes répètent que Notre Dame c’est la France et que la France c’est Notre Dame. Je croyais que c’est la Tour Eiffel avec sa pointe qui monte au ciel. Paris ne serait pas Paris sans elle. Les parents ne seraient pas des parents s’ils n’emmenaient pas les enfants sur la Tour Eiffel. Les grands-parents sont déchus de leur grande-parenté s’ils n’emmènent pas leurs petits-enfants grimper les marches. Je connais des parents et des grands-parents qui n’ont jamais emmené leurs enfants et petits-enfants visiter la cathédrale Notre Dame de Paris. Ils ont conservé leur statut. 

Un homme politique qui parle de l’incendie du 15 avril sans le menton qui tremble, sans le sanglot étouffé, sans les yeux qui brillent, renonce à toute carrière. Les femmes politiques, moins, parce qu’on leur reproche tellement de pleurer pour un oui pour un non qu’elles se retiennent. Je n’invente rien. Ce lundi 15 avril, les hommes politiques pleuraient,  La maire de Paris, Marine Le  Pen, Valérie Paicresse, n’ont pas pleuré. 


La différence ce sont les flammes. Depuis plusieurs semaines, une vingtaine de milliers de manifestants ont rendez-vous avec les caméras. Sans les palettes, les barricades, les voitures qui brûlent, les amateurs d’écrans auraient depuis longtemps viré vers d’autres émotions.

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