Conseil
municipal 10 avril 2019. Madame Pradier demande la parole. Il s’agit des
subventions versées à l’association AEK dont l’objectif est l’enseignement de
la langue basque. La mairie de Biarritz verse une subvention, prête des locaux,
finance des professeurs et des activités culturelles. Madame Pradier déclare
qu’elle va voter ces subventions, qu’elle est d’accord pour que l’enseignement
de la langue basque soit financé par la ville. Jusqu’ici tout va bien. Pourquoi
faire une déclaration de soutien, il suffit de voter. Mais elle ajoute une
phrase qui va déclencher une discussion tendue. Elle dit, Madame Pradier, que le
Pays Basque français fait partie de la République et qu’elle est gênée que les
cartes accrochées au mur des classes d’AEK ne tracent aucune frontière entre le
Pays Basque espagnol et le Pays Basque français. Les subventions sont accordées
par la République française et elle dit, Madame Pradier, qu’il est gênant que
les demandeurs de subvention corrigent les frontières de la République.
Aussitôt,
les patriotes réagissent. Piqués au vif. Ils disent, les patriotes, qu’AEK fait
un très bon travail. Qui doit être soutenu. Le maire de Biarritz déclare qu’il
est très fier que sa ville soit parmi les meilleurs soutiens de la langue
basque. Il ne dit pas qu’il parle basque, qu’il a appris ou qu’il va apprendre,
il dit qu’il est fier de subventionner AEK. Roulements de tambour, déclarations
altières. De la part de gens qui n’utilisent jamais la langue basque dans la
vie courante, qui n’empruntent jamais un livre en basque à la médiathèque, qui
pourtant est l’une des plus fournies en livres bascophones du territoire, mais
la liste des ouvrages empruntés dans cette langue est l’une des plus courtes.
Personne
ne parle de cette frontière. Madame Pradier n’a pas refusé les subventions.
Elle a dit qu’elle était gênée par l’absence de frontière entre le nord et le
sud du Pays Basque. Dans les écoles publiques, tout le monde sait, mais ne le
dit pas, que de telles cartes sont interdites. Quand les inspecteurs voient une
carte de la République amputée, ils interviennent tout de suite pour la faire remplacer
par une carte entière de la République.
Personne
ne répond sur cette frontière. Tous ceux qui vivent au Pays Basque savent qu’elle
est une question politique, pas linguistique. Les patriotes disent Pays Basque sud
et Pays Basque nord, les républicains disent Pays Basque français, Pays Basque espagnol.
Les patriotes qui veulent réunifier les sept provinces commencent par effacer
la frontière. Ceux qui veulent que le Pays Basque français reste dans la
République tiennent à cette frontière. On ne sait pas de quoi l’avenir sera
fait, mais en attendant, tant que la majorité des citoyens du Pays Basque français
tiennent à rester dans la République, la frontière leur tient à cœur.
En
réagissant ainsi, les conseillers rendent un mauvais service à la langue basque.
Ils la transforment en outil politique. Pas une ouverture au monde. Ils
pourraient par exemple créer un cercle de lecture des conseillers municipaux en
langue basque. Monter une pièce de théâtre en langue basque jouée par les
conseillers municipaux. Ils pourraient dire qu’ils parlent basque avec leurs
enfants et leurs petits-enfants. Non, ils font des déclarations de principe.
Avec de telles déclarations de principe, le gaélique perd régulièrement des
locuteurs dans la République d’Irlande.
Ce
soir-là, il y avait une seule amie de la langue basque. Pas plus. Celle qui par
sa question voulait dépolitiser la langue et en faire un outil culturel, pas un
instrument d’enfermement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire