Vous
croyez être en paix parce que l’ETA a cessé le feu ? Erreur. Pour les
abertzale, tant qu’il restera un seul prisonnier, la société basque ne sera pas
en paix. L’ETA a eu l’immense courage de cesser le feu sans avoir atteint ses
objectifs mais ne lui faites pas regretter cette action héroïque en n’acceptant
pas ses revendications. Le cessez-le-feu est un acte de bravoure
extraordinaire, mais ce n’est pas la paix. Il faut maintenant que les gouvernements
français et espagnols saluent l’héroïsme que représente une décision
unilatérale et mettent en place une réponse aux revendications des patriotes
démobilisés.
Désormais,
dans les discours des abertzale, des élus modérés et des faiseurs de paix se
répète en boucle l’argumentation nationaliste : l’ETA a cessé le feu et
les gouvernements espagnol et français n’ont pas bougé. Rien ne s’est passé
entre 2011 et 2017. Et Brisson, Etchegarray, Alaux répètent en boucle les
paroles de Mouesca et Otegi : il ne s’est rien passé depuis que l’ETA a
cessé le feu.
Rien ?
Vraiment rien ? L’impudeur de la société basque française est sans limite.
Ce « rien » abominable d’égoisme et de cruauté ne peut être utilisé
qu’au Pays Basque français. Au Pays Basque français, nous étions en paix depuis
longtemps. Iparretarrak s’était dissout sans théâtre, sans tambour ni trompette.
Mais au Pays Basque espagnol, que les familles puissent se promener en fin de
semaine sans garde du corps, qu’il n’y ait pas de peur au ventre chaque fois qu’un
élu, qu’une journaliste, un policier, avait cinq minutes de retard à un
rendez-vous, ce n’est rien. « Il ne s’est rien passé entre 2011 et 2017 ».
On ne peut prononcer ce mot « rien » que dans un pays où le sang avait
cessé de couler, où la terreur avait disparu. Ce mot « rien »
explique pourquoi les faiseurs de paix ont entraîné la société basque française
quasi unanime. Elle n’avait rien fait, cette société basque toute entière,
quand les morts s’accumulaient au sud, que les entreprises soumises à l’impôt
révolutionnaire faisaient faillite, que les universitaires s’exilaient, alors
qu’alors, on aurait eu besoin de faiseurs de paix, mais ils regardaient leurs
sandales. Alors on se rattrape en faisant semblant de mettre fin à une terreur
quand elle n’existe plus. On déterre des pétoires rouillées et on va manifester
pour l’amnistie des prisonniers parce que si on ne règle pas la question des prisonniers,
la guerre risque de repartir. Et on répète en boucle, il ne s’est rien passé
entre 2011 et 2017, simplement que les élus se promenaient le long de la mer
avec leurs enfants sans garde du corps. Courageusement, la société basque
française a transformé ce rien en quelque chose, en conflit terrifiant, d’autant
plus terrifiant qu’il était imaginaire.
La
société civile ayant désarmé ceux qui étaient désarmés, doit maintenant
contribuer à la réintégration des prisonniers qui pour ces braves gens sont des
prisonniers politiques qui ont mené un combat patriotique. Là aussi, il faut
accepter la thèse de l’ETA : que la mort de Franco n’avait rien changé à l’Espagne.
Les prisons étaient les mêmes, les tortures se poursuivaient et si des membres
du GAL et un ministre de l’intérieur était condamné et emprisonné, ça ne
prouvait rien puisqu’on vous dit que rien n’avait changé depuis la mort de Franco.
Cette
tactique menée de main de maître depuis le Pays Basque espagnol, par les abertzale
radicaux qui s’extasient devant l’engagement de la société civile frappée d’amnésie
sur leurs crimes, ne peut se mener à bien que si l’on oublie les victimes de l’ETA.
On peut parler des victimes de manière abstraite, mais dès qu’on donne un exemple
précis, on s’oppose au processus de paix. Pour les prisonniers, on n’arrête de
décrire la souffrance des prisonniers malades, les accidents de la route des
familles qui viennent les visites, tout cela est licite. Mais si l’on parle des
souffrances concrètes des victimes de l’ETA, on s’oppose au processus de paix. Yoyès
abattu dans un marché devant ses enfants, les entrepreneurs abattus, les cavernes
des séquestrés, chut, s’il vous plaît, vous allez déranger le processus de
paix. Seuls souffrent désormais ceux qui sont en prison, ne souffrent pas ceux
qui dorment aux cimetières, ni eux, ni
leur famille.
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