En
haut de l’échelle, les héritiers à qui des parents prudents ont transmis un
patrimoine immobilier et mobilier, un capital culturel, qui sont passés par les
meilleurs écoles et ont tissé chez eux et à l’étranger des réseaux serrés. En
bas de l’échelle, le peuple qui travaille ou qui chôme, dont l’ambition est
réduite comme peau de chagrin par l’adresse, l’établissement scolaire, les
familles et les amis. Parfois même par la langue et la religion.
Les
élites considèrent qu’elles sont en haut de l’échelle par leur travail et leurs
mérites. Jamais elles ne se considèrent comme des héritiers. Si c’est le
travail et le mérite qui les a portées au sommet, tous les autres peuvent
accéder aux mêmes sommets à force de travail et de mérite. Ce n’est pas le
hasard de la naissance qui fait l’élite, c’est le travail. Ceux qui n’accèdent
pas au sommet ne travaillent pas assez et n’ont pas assez de mérite. C’est normal. Je n’entends personne déclarer
que sa naissance avenue Foch, le père
ingénieur, la mère enseignante, ont joué un rôle plus important que son travail
acharné pour intégrer l’École polytechnique, que le réseau des amis de son père
lui ont permis de trouver des stages dans de bonnes entreprises plus que la
qualité de ses résultats académiques. Alors que moi qui vous parle, fils de
marchands forains, sans relations, sans réseau, j’ai pu accéder au grade de
professeur d’université première classe par je ne sais quel miracle. Oui, je ne
parlerai pas de mes mérites, ni de mon travail acharné, parce que je n’ai
jamais beaucoup travaillé, je parlerai tout simplement d’un miracle. Je demande
ici sans attendre la réponse combien de profs de facs sont des enfants de marchands
forains ? Vous en avez un devant vous, ce n’est pas dû à son travail ni à
ses mérites. C’est un miracle et je suis un miraculé. Il y a autant de chances
qu’un fils de marchands forains accède à ce poste qu’un paralysé retrouve l’usage
de ses jambes dans la grotte de Lourdes.
Tu
trouves donc ce système injuste ? Profondément. Surtout depuis que j’ai lu
Marx et Bourdieu. Ce système est injuste et il est un système. Pour le
réformer, il faut une révolution. Le système de sélection des élites en France
est irréformable. Personne, aucun parti, aucun mouvement, ne tente même de le
réformer. Un homme politique qui proposerait la réforme de Normale ou de l’X
signerait son arrêt de mort de manière plus certaine qu’en demandant la
légalisation des produits addictifs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire