Au
Mans, les forains mécontents du déplacement de leur fête, ont manifesté,
saccagé le mobilier urbain et envahi la mairie. Le maire, Stéphane Le Foll
dénonce cette violence. Le responsable de ces forains déclare que la violence
est la seule manière « de se faire entendre ». S’il n’y a pas
violence, les pouvoirs publics n’écoutent pas, n’entendent pas. Il donne en
exemple les gilets jaunes. Des élus par les citoyens du Mans ont décidé qu’il
était raisonnable d’installer la fête foraine à la périphérie plutôt qu’au
centre et ils vont casser et incendier jusqu’à ce qu’on les écoute.
Il
ne faut pas trop le dire, dans aucune réunion, parce que dire ces choses, c’est
attaquer les gilets jaunes qui sont intouchables. Mais quand même, en
chuchotant, entre amis, autour d’une table de café, est-ce qu’on peut dire que si
les gilets jaunes n’avaient pas cassé, ils n’auraient jamais obtenu ce chèque
de dix milliards ?
D’autres
oreilles ont entendu le message. Les forains de la ville du Mans par exemple.
Quand
la violence va jusqu’à la lutte armée, les mêmes arguments s’avancent. Des nationalistes
modérés en Irlande du Nord ou au Pays Basque, en Corse ou en Bretagne, n’ont
pas approuvé le terrorisme nationaliste. Mais nombre d’entre eux sont
convaincus, malgré tout, que leurs revendications n’auraient pas avancé sans le
recours à la lutte armée. Voyez, disent-ils, en citant l’Ecosse, le Québec et
la Catalogne. Dans ces trois régions, le mouvement indépendantiste a épuisé
tout l’éventail des actions pacifiques et leurs revendications patinent. Quant
aux éléments les plus radicaux, ils rêvent toujours Grand soir, où des groupes
d’hommes déterminés, au Vietnam, à Cuba, en Algérie, en Chine et en Russie ont
pu changer le cours du monde.
Au
Pays Basque, nous avons l’habitude de ces manifestations violentes à basse
intensité. Une agence immobilière incendiée, ou une résidence secondaire, des
manifestations jamais déclarées et la dénonciation de l’état policier dès qu’un
militant est pris la main avec un cocktail Molotov.
Dans l’Irlande
rurale du 19ème siècle, quand le loyer des fermes devenait
insupportable, des groupes d’hommes au visage noircis incendiaient les meules,
mutilaient le bétail, dans les cas extrêmes assassinaient l’intendant. Quand le
niveau des exactions montait trop haut, les loyers baissaient. C’est ce que l’historien
Eric Hobsbawm nommait « négociations
collectives par l’émeute ».
Il
se passa du temps avant que s’installent des structures de négociations et de
compromis. Syndicats, coopératives, associations culturelles, partis
travaillistes. Sous nos yeux inquiets, il semble que l’histoire remonte le temps,
que revient l’époque de la négociation collective par l’émeute. Des syndicats
puissants obtenaient le droit de vote, la limitation du temps de travail, les
congés payés, la sécurité sociale. Ils furent capables de créer un terrain
commun, un intérêt partagé.
Il
nous faudra reconstruire ces structures de négociations. Il faudra nous
souvenir que les gens de pouvoir préfèrent les briseurs de machines et les
colères sans issue que des salariés intelligents, éduqués, capables de parler d’égal
à égal avec leurs patrons.
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