Voici
la chronologie de mes aversions :
Le nazisme, puis l’impérialisme américain, puis le
stalinisme, le terrorisme, le populisme nationaliste, l’intégrisme, le
terrorisme islamiste, la phrase révolutionnaire à gauche.
J’ai une douzaine d’amis. Ces amis sont mes amis
parce qu’ils partagent mes positions. J’ai peu d’amis qui pourraient avoir une
quelconque sympathie pour mes ennemis. Pratiquement pas. Même pas du tout.
J’avais quelques amis qui sympathisaient avec la
phrase révolutionnaire et avec les crispations ethniques, mais la discussion s’est
tendue, le ton a monté et ils ne sont plus mes amis. D’autres, que j’avais perdus
de vue, sont redevenus mes amis grâce à mes prises de position radicales.
Il ne suffit pas d’avoir des aversions. Il faut
aussi construire en permanence les fondations et l’architecture d’un monde
souhaitable. Un monde où la lutte contre les injustices et les inégalités sera
encouragée. Un monde de liberté où les intégrismes divers ne pourront pas
imposer leurs frontières. J’ai beaucoup de sympathie pour les réformistes de
gauche et du centre qui ont permis de construire les bases d’un tel monde
contre les privilèges égoïstes et les bruyants cauchemars utopistes. Partout où
ils sont au pouvoir, les sociétés se portent mieux, mais ils sont aujourd’hui à
la peine.
Le monde ne se termine pas parce que ma vie se
termine, mais je dois dire qu’il valait mieux être octogénaire dans les années
1980 qu’en ce début du 21ème siècle. Les dictatures s’effondraient,
les sociaux-démocrates gouvernaient, les lumières d’un ciel dégagé compensaient
la morosité d’un inéluctable déclin biologique. Aujourd’hui, les douleurs des
articulations ne sont adoucies en rien par les évolutions politiques. Poutine,
Erdogan et Trump apprécieraient la victoire de Fillon. Une internationale de la
réaction se met en place qui croit qu’on combat l’intégrisme par l’intégrisme. Les
femmes au foyer, la réglementation des amours, l’obligation du violeur d’épouser
la violée pour éviter l’avortement. Ils remontent le temps et dans leur
recherche éperdue d’une histoire nationale, Poutine demande une histoire de la
Russie d’où le goulag serait absent et Fillon va demander à trois académiciens
de montrer que le capitaine Dreyfus n’était pas aussi innocent que le
prétendent les historiens cosmopolites.
« Écrasons l’infâme » disait Voltaire et
Brecht dénonçait la renaissance de « la bête immonde ». Au travail.
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