Nouvelles du front
Je
n’ai pas souvenir d’une crise de la gauche aussi profonde. J’ai été témoin
actif d’autres naufrages. Le PCF, avec Georges Marchais, l’ancêtre de
Mélenchon, s’enfonçait doucement et
régulièrement vers des résultats électoraux à un chiffre, et encore, au début
de la liste. Mais ce fut en bon ordre, un comité central unanime, un bureau
politique comme un bloc. Ce ne fut jamais un sauve qui peut. J’ai lu dans les
livres, j’ai vu dans des documentaires, le naufrage des partis politiques en
1940, mais c’était en situation de guerre et de défaite militaire.
Le spectacle aujourd’hui est ahurissant. Mon parti,
le PS, est au gouvernement, il est majoritaire à l’Assemblée nationale, il
dirige des grandes villes, quelques régions. Et le voilà qui explose en vol. Les
adhérents désadhèrent, les responsables nationaux se déchirent et les militants
apprennent les nouvelles dans les journaux. Chaque jour, une nouvelle
candidature aux primaires se déclare. La députée socialiste sortante déclare
qu’elle n’est pour rien dans une politique qu’elle condamne, elle a voté la dernière
motion de censure et se réfugie dans sa paroisse, intervient pour les
prisonniers basques, pour un territoire ethnique, pour préserver les campagnes
d’un TGV. Les adhérents de Biarritz ne l’ont jamais rencontrée pour discuter de
ce repli sur les frontières. Elle ne s’adresse à eux que par l’intermédiaire de
Sud-Ouest. Elle se représente aux
élections sans solliciter leur avis sur une telle orientation. Elle demandera
demain qu’ils distribuent des tracts.
La droite profite de son mieux d’une telle
confusion. Elle se mobilise comme si elle n’avait plus d’adversaire à gauche.
Que son seul adversaire est le FN.
Il ne s’agit pas de défendre « la grande maison ».
Tout le monde est concerné. Quand la droite est menacée d’une alternance à
gauche, elle se freine. Elle ne tombe pas dans la régression sociale, les
conservatismes d’antan. Si elle n’a plus d’adversaire à gauche, si son seul
adversaire est l’extrême-droite, alors le jeu politique consiste mobiliser les
peurs, à flatter les conservatismes, à souffler sur les braises du passé.
Reconstruire la gauche n’est pas une affaire égoïste :
il s’agit de ne pas cadenasser l’avenir.
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