Lettre envoyée à la semaine du pays Basque vendredi
18 novembre 2016 après la parution du dossier sur les prisonniers basques.
Un prisonnier politique est une personne emprisonnée
pour ses opinions, pour des activités politiques. Pour avoir écrit un article,
collé une affiche, manifesté sans violence. Vous pensiez qu’il n’y avait pas de
prisonniers politiques en France ? Erreur.
Au pays Basque, il y a des prisonniers politiques.
Plus exactement, en France, il y a des prisonniers basques qui sont des
prisonniers politiques. Ces prisonniers sont-ils emprisonnés parce qu’ils ont
écrit un article, collé une affiche, manifesté une opinion ? Non, ils sont
emprisonnés pour avoir tué des gendarmes, ou kidnappé un patron d’entreprise,
abattu un conseiller municipal, plastiqué une sous-préfecture. Ils nient ces
actions et se déclarent innocents. Ils sont en prison parce qu’ils ont été
condamnés pour ces actions. Injustement ? Je ne sais pas. Je sais que les
actions de l’organisation à laquelle appartiennent ces prisonniers politiques
ont causé près de mille morts au pays Basque et si tous les prisonniers basques
sont innocents, alors il y a eu au pays Basque une épidémie de voitures
piégées, de balles dans la tête, d’explosions mortelles qui s’est arrêtée quand
les etarras cessé leurs actions dites politiques.
Depuis cinq ans, les responsables politiques du pays
Basque espagnol ont licencié les gardes du corps. Depuis cinq ans, les etarras
ont remisé leurs explosifs et leurs armes politiques dans des caves, des
appartements, et quand la police trouve ces armes, ils protestent
vigoureusement, avec autant de véhémence que si on leur avait confisqués des
tracts ou détruit une imprimerie. Ils disent que ces explosifs étaient
politiques et pas des armes de destruction des biens et des personnes. Ils
continuent à tenir des conférences de presse en cagoule.
Les patriotes ont imposé leurs mots et leurs idées
au pays Basque français, pourtant épargné désormais par la violence armée. En première page de la semaine, une photo de manifestation, une grande banderole
« droits de l’homme » en français, euskal presoak en basque. Prisonniers
basques. Droits de l’homme se traduit Euskal presoak en basque Et derrière la
banderole, des élus de la République, Colette Capdevielle, Michel Veunac aux
côtés de l’ancien prisonnier politique, Gaby Mouesca, condamné à vingt de
prison pour distribution de tracts sur la voie publique. Les élus de la
République ne portent pas leur écharpe tricolore d’élus républicains parce que
les anciens prisonniers politiques n’aiment pas les écharpes tricolores de la
République et leur ont demandé poliment de ne pas porter leur écharpe d’élus de
la République qui leur aurait valu cinq années plus tôt d’être considérés comme
cibles légitimes par les anciens prisonniers politiques. Et tous ces gens sont
côté à côte, souriant, eux qui ont accepté pendant des dizaines d’années que
leurs collègues de l’autre côté de la frontière soient abattus par de futurs
prisonniers politiques sans jamais manifester contre la terreur dans les rues
de Bilbao, de San Sebastian ou de Vittoria. Max Brisson, élu LR, déclare que si
les prisonniers basques ne sont pas traités comme des prisonniers politiques,
la violence pourra revenir et ce sera la faute des gouvernements français et
espagnols. Ne pas traiter la question des prisonniers, c’est laisser au pays
Basque une « bombe à retardement ». C’est un argument éminemment
républicain : si ne vous cédez pas à mes revendications, je tire. Ce n’est
pas un chef de l’ETA qui parle. C’est Max Brisson.
Tant que ces prisonniers politiques ne sont pas
libérés, « le pays Basque souffre et attend » dit l’éditorial de la semaine du pays Basque. Pourquoi
oublier qu’Aurore Martin et d’autres ont été libérés parce qu’ils regrettaient les assassinats de l’ETA,
condamnaient la violence armée, qu’ils s’engageaient à ne plus recourir à la
lutte armée ? Ces prisonniers, pour lesquels il a pourtant manifesté,
comme Aurore Martin, ne l’intéressent plus. Max Brisson est sur la ligne la
plus dure des anciens etarras.
Si tous ces élus sans écharpe veulent réellement
libérer les « prisonniers politiques », qu’ils demandent à l’ETA de livrer
ses armes et de se dissoudre. En Irlande du Nord, il n’y a plus d’IRA, les
armes ont été détruites, il n’y a plus de prisonniers politiques.
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