jeudi 20 décembre 2018

Crise de régime


            Crise grave

 

Pas la peine de se voiler la face. Nous traversons une crise de régime. Nous ne sommes pas les seuls. La démocratie britannique est secouée. L’Italie, la Belgique, la Hongrie, l’Autriche, se disloquent. Tous les pays d’Europe, au lieu de s’unir pour affronter les puissances égoïstes  (Russie, Chine, Etats-Unis), se chamaillent.

 

            Le capitalisme est devenu fou, rendu tout puissant par les égoïsmes nationaux et par le recul des organisations  de défense des salariés. Les utopies expirent. Il reste des révoltes sporadiques, impuissantes, réduites à la négociation par l’émeute, c’est-à-dire un recul historique vers les origines du capitalisme. Entre les deux, une société intellectuelle, enseignante, soignante, réfléchissante, compétente, accueillante, qui permet à tous de tenir debout. Cette part intellectuelle et compétente de la société, qui invente, qui innove, qui assure l’interface entre les exclus, les malades, les galériens, les migrants et l’appareil d’état, je la voyais représentée par la République marchante. Elle allait être respectée, écoutée. Le capitalisme fou allait être bridé et ses ressources mises au service de l’intelligence. Les galériens allaient être pris en charge et remis à flot. Nous allions éviter les dérives qui ont mené Trump et Bolsonaro au pouvoir par l’effacement des catégories intermédiaires et le face à face terrifiant entre les puissants les plus conservateurs et les couches sociales mues par la peur et la haine de leur propre histoire.

 

            Nous pensions que la victoire d’Emmanuel Macron nous permettrait d’affronter cette période de tous les dangers. Nous sommes-nous trompés ?

 

            Il n’y eut guère de négociation avec le capitalisme financier. Plutôt une certaine prévenance, une satisfaction des demandes avant même qu’elles s’expriment. A l’égard des corps intermédiaires, syndicats, associations, ONG, chercheurs dans tous les domaines de la vie sociale, un désintérêt sinon un mépris. Les discours célébrant la richesse et la réussite étaient flamboyants. Les discours célébrant l’intelligence étaient pauvres et parfois franchement conservateurs. Les ministres de la culture, le ministre de l’éducation n’avaient que condescendance pour les recherches et les inventions dans ce domaine. Le patrimoine devint une valeur l’emportant sur l’invention. La dictée, la blouse, Stéphane Bern, Jean d’Ormesson et Johnny Halliday célébrés comme icônes.

 

            La réaction aux gilets jaunes s’inscrit dans cette régression. Elle exprime la fascination méprisante pour la partie du peuple qui répugne à se hisser aux compétences et aux énergies que nécessite l’accès au pouvoir. Je me répète : plutôt Gavroche sur une barricade qu’un syndicaliste à l’ENA.  

 

            Et maintenant le lancement d’une grande discussion pour obtenir des résultats qu’une lecture attentive des recherches et des réflexions nous aurait épargné. Une petite satisfaction : identité et migration ont été retirées des ordres du jour. Mais rien que de l’avoir proposé… On a oublié les débordements des débats lancés par Nicolas Sarkozy sur l’identité.

 

            Au lieu d’une remise à plat politique, on recourt à des gadgets. Le référendum comme outil démocratique. Je ne vais pas répéter ici toutes les critiques. Les maires célébrés comme responsables politiques modèles. On a oublié le nombre de maires (la majorité ?) qui ont supprimé la réforme des rythmes scolaires alors que les spécialistes, les chercheurs, les sociologues, les médecins, avaient tous célébré sa mise en place comme favorable aux élèves. On a oublié le nombre de maires (pas la majorité), qui préfèrent payer une indemnité plutôt que de construire des logements sociaux.

 

            Va-t-on s’en sortir par le haut ? Si l’échec s’approfondit, nous savons qui est à l’affût pour la relève.

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