Les sociétés dites totalitaires sont des sociétés en
guerre. Dans le roman d’Orwell, 1984 se
mène en permanence une guerre contre l’étranger et contre les ennemis de l’intérieur.
Kim Jong-Un le dictateur de la Corée du Nord se maintient au pouvoir comme chef
de guerre. Regardez-le, je ne le connais pas, mais qui imaginerait Kim Jong-Un
dérouler des arguments dans une réunion électorale, affronter un adversaire
dans un débat télévisé ? Si son pays n’était pas en guerre, réelle ou
jouée, il ne tiendrait pas cinq minutes au pouvoir. Peut-être encore moins. À
la guerre, des millions de gens sans avenir peuvent obtenir des galons, des
récompenses, des voitures de fonction, des appartements confisqués. Remplacer
des ingénieurs et des directeurs d’usine. Dans une société de guerre civile, un
fusil remplace les diplômes, les compétences. Une lettre de dénonciation permet
d’obtenir un logement, un poste. Une action d’éclat vous réserve une place au
paradis.
Le terrorisme vise à construire une
société totalitaire sans passer par une révolution. Il transforme un territoire
paisible en camp retranché. Les tribunaux de paix deviennent des cours martiales.
Les grandes questions politiques sont guerrières : que fait-on des prisonniers
arrêtés, libérés, amnistiés, glorifiés ou vilipendés ? Où voit-on se
précipiter des milliers d’hommes et de femmes, derrière des élus, en un
gigantesque jeu de pistes pour trouver des caches d’armes et ensuite les
déterrer ? Dans des sociétés marquées par le terrorisme. Faut-il amnistier
ou prolonger la détention ? Faut-il construire des monuments aux soldats
tombés ou à leurs victimes ? Faut-il commémorer ou oublier ?
Dans une société tétanisée par la peur,
les gens se partagent en patriotes et en traîtres. Tout le monde a peur, d’être
arrêté, d’être dénoncé, d’être abattu. Des combattants qui ont quitté le combat
mercredi sont la cible de ceux qui le quitteront vendredi. Faut-il un procès ou
faut-il oublier la terreur ? Longtemps après le silence des armes, les
gens continuent d’avoir peur. Peur de dénoncer des héros qui se sont sacrifiés.
Peur de n’avoir rien dit, d’avoir détourné les yeux. Surtout que le silence
règne. Il faut déterrer les armes mais pas les charniers.
Sous nos yeux, la vie politique se
partage en deux immenses options. Entre ceux qui considèrent que les
adversaires doivent être éliminés pour qu’émerge une solution, et ceux qui
considèrent que les adversaires font partie de la solution. Pour les etarras et
les nationalistes corses, la réponse était au bout du fusil. Au Venezuela,
Chavez et son successeur Maduro ont plongé leur société dans une guerre civile
larvée. Une guerre civile froide. Qui n’est pas avec nous est contre nous. Le
contraire d’une société apaisée où qui n’est pas contre nous est avec nous. Voyez
Mélenchon et ses mots d’ordre militaires « dégagez ! Place ! Nous
ne voulons plus de vous ! ». Il entasse des dictionnaires pour
construire des barricades. Tout en haut des millions de mots accumulés, il est
à l’aise parce que sur une barricade, il n’y a que deux côtés. Dans une chambre
qui s’étale en arc de cercle, il semble embarrassé car il devient compliqué de
tracer des frontières.
La
droite extrême partage la France entre des Français dignes de l’être et des
Français indignes à qui il faut ôter le droit de voter. Et les nationalistes corses
et basques aspirent à créer un statut de « résident », avatar des Français
de souche, ceux qui s’inclinent devant les monuments aux morts des terroristes
dont le sang a fertilisé des vignes amères.
Je
n’arrêterai jamais de lutter pour une société démocratique. Contre Mugabe, je
choisis Mandela. Contre Maduro, je choisis Luisa Ortega. Gorbatchev a cru
pouvoir réformer la société russe comme si c’était une société civile. Hélas, elle était encore en guerre et c’est un
ancien du KGB qui est au pouvoir. Jamais les criminels n’ont été jugés. Contre
les terroristes ou contre les demi-soldes du terrorisme, tous les jours, partout,
il faut choisir.
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