J’avais inscrit l’Observatoire
du Pays Basque à la réunion de réflexion du 2 novembre sur le processus de paix « réservée
aux personnes de toutes sensibilités ». Je reçois en réponse ce courriel :
« Nous n'accepterons pas votre présence… Vous êtes en permanence en train
d'insulter et de diffamer ceux qui travaillent dans ce processus de paix ».
Afin que chacun
puisse juger sur pièce, voici l’intervention que je comptais présenter à cette « réunion
de réflexion ».
Pour
Bake Bidea et les Artisans de la Paix, l’histoire du Pays Basque commence le 20
octobre 2011 quand ETA décide un cessez-le-feu unilatéral et définitif. en
2011. Ainsi se met en place un processus de paix basque unilatéral sans les
états espagnol et français. Puis vint le désarmement d’ETA, toujours
unilatéral. Puis la dissolution, toujours unilatérale. Et maintenant les
prisonniers, puisque le conflit, comme vous dites, ne cessera qu’avec la
libération du dernier prisonnier.
Tel
est le récit accepté au Pays Basque français, accepté parce que notre
territoire n’a guère subi la terreur. Mais ce récit n’est accepté qu’à un prix
élevé. Au prix d’une rupture avec la société basque espagnole, sauf avec les
héritiers et les soutiens politiques de la terreur. Tous les autres partis,
associations, intellectuels, condamnent ce récit et le nomment opération de
blanchissage. Malgré tous vos efforts, jamais les grands partis et les grands
noms de la communauté du Pays Basque n’ont accepté de se joindre à vous. Quand
ils s’expriment, vous les traitez de menteurs.
Cette
position n’est tenable que si vous vous isolez du monde. Vous vous isolez du Pays
Basque espagnol, de la grande majorité de ses forces politiques et intellectuelles.
Vous vous isolez des états démocratiques que sont la France et l’Espagne. Voyez tous ces élus qui vous soutiennent ici. Ils
paradent sur vos tribunes, mais ils n’interviennent jamais sur les prisonniers,
ni au Senat, ni à l’Assemblée nationale. En effet, pour poser une question au gouvernement,
il faut l’accord de leur groupe et ni La République en Marche, ni LR, ni le PS,
ni l’UDI, ne sont prêts à les suivre sur ce terrain.
Souffrez
l’existence d’un autre récit. Dans le Pays Basque espagnol, la terreur d’ETA a
rencontré des formes de résistance multiples. Politiques, manifestations
massives Basta Ya, livres, articles, tribunes, se sont dressées contre toutes
les tentatives de légitimer la terreur. Vous n’en étiez pas. La terreur a été
vaincue aussi par la coopération policière entre état démocratiques. Coopération
que vous avez toujours condamnée. Vous n’avez rien dit quand un terroriste
assassinait, vous protestez quand il est arrêté.
Pour
nos amis du sud, l’ETA a été vaincue et il n’y a jamais eu de décision
unilatérale. Vous ne supportez pas le nom de défaite alors qu’elle est une exemplaire
victoire de la démocratie contre la terreur. De ces efforts, vous étiez absents.
Dans ces manifestations, vous n’étiez pas. Et après votre long sommeil, vous
vous réveillez pour négocier avec ETA une sortie ce que vous appelez un « conflit ».
Pas une agression contre la démocratie espagnole et contre le gouvernement autonome,
mais un » conflit ».
Toutes
les victimes dites-vous ? Vous n’avez pas trouvé le chemin d’un début de dialogue
avec leurs associations. Vous avez
trouvé le chemin de l’intelligence, du cœur, des esprits, des terroristes emprisonnés,
mais vous n’avez pas trouvé le chemin d’un dialogue avec ceux qui ont subi les meurtrissures.
Vous avez essayé ? Mensonge. Quand la sœur d’une victime vient parler chez
nous, pour porter la parole des victimes, elle est insultée par le président de
l’agglo dans le silence de son conseil.
Toutes
les victimes dites-vous ? Il y a eu peu de victimes au Pays Basque français.
Mais quelques-unes. Celles qui ont survécu habitent vos communes, à Cambo, à Pau.
Vous les croisez peut-être. Quel est l’élu parmi vos soutiens qui est allé leur
porter une parole de réconfort ? Quel est l’élu parmi vos soutiens qui a
demandé à leurs bourreaux de s’excuser, de demander pardon ? Quelle est la
composante des Artisans de la Paix qui a demandé aux séparatistes basques de ne
pas faire la fête publiquement quand il y a une sortie de prison ?
Vous
nous reprochez d’avoir un discours de revanche. Notre discours est un discours
de paix. Pas de paix sans vérité. Pas de
paix sans la demande de pardon. Pas de paix sans condamnation de la
terreur. Nous souhaitons un débat collectif, une recherche sur l’histoire de
notre territoire, sur la condition des prisonniers, avec les principaux
intéressés qui actuellement en sont exclus.
Du Pays
Basque espagnol, les associations de victimes, les intellectuels, nous
remercient de notre action. Le gouvernement français, par l’intermédiaire de
son préfet, nous remercie de notre action. Vous voulez enfermer le Pays Basque français,
nous l’ouvrons au monde. Pour se calfeutrer, il faut être nombreux. Pour ouvrir
une fenêtre, quelques bonnes volontés suffisent.
L’Observatoire
du Pays Basque
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