Quand l’expérience
confirme les hypothèses, quel pied. Laissez-moi vous raconter. Il m’arrive d’être
fatigué. D’autres jours même, très fatigué. Quand je descends alors vers Hugo
shop, librairie papèterie café journaux rencontres discussions, à pas lents, chaque
levée de jambe me coûte. Puis je me repose en lisant les mauvaises nouvelles,
en attendant le jour heureux où une manchette m’informera que le TGV Paris Biarritz
est arrivé à l’heure.
Ce jour-là,
un dimanche, ce fut hier, j’étais plus fatigué que d’ordinaire et en m’asseyant
devant le journal Sud-Ouest, je
constatais que la fatigue, une immense lassitude, m’immobilisait sur la chaise.
Au point où je commençais à m’inquiéter. Une fatigue comme une vague qui vous
submerge. Au point où j’ai d’abord téléphoné au numéro ICE (In case of emergency)
et j’ai immédiatement reconnu la voix du numéro ICE. Depuis que nous parcourons
ensemble le territoire de cette planète, c’était la première fois que j’appelais
ICE. Donc forcément, ce fut un choc. Je me rappelle les temps lointains où le
téléphone n’existait pas, où même une lettre inquiétait tant elles étaient
rares. Un télégramme était un événement, et rarement une bonne nouvelle. Tout
le village suivait le facteur qui marchait d’un pas plus rapide que d’ordinaire,
le bras levé avec ce papier bleu, informant les habitants qu’il portait un
télégramme et les fenêtres s’ouvraient, les portes s’entrebâillaient, les sourcils
se levaient. Eh bien, un appel ICE qui n’a pas été utilisé pendant ces
vingt-deux ans, provoque nécessairement un choc. Une grande inquiétude. Une
angoisse folle.
ICE me
répond j’arrive, mais en attendant il faut appeler les pompiers, le SAMU, SOS
médecin. Ce fut miel d’entendre la gentillesse et la compétence avec lesquels
mes appels furent accueillis. Avez-vous des douleurs ? Au bras, à la
poitrine, aux jambes, au ventre ? Non. Pas de douleur. Je vais vous passer
un médecin qui va vous interroger. On me conseille de rentrer chez moi, de m’allonger,
les jambes sur un coussin et si les symptômes persistent, appelez SOS médecin. ICE
me ramène chez moi, je m’allonge et elle appelle SOS médecin. Tous les spécialistes
concluent à un malaise vagal. Un malaise vagal est un truc qui inquiète mais
qui n’est pas grave et n’a aucune conséquence puisque je suis en train de vous
raconter. Si, quand même, une conséquence. L’inquiétude, l’angoisse même, les
larmes de soulagement, confirment la solidité du lien affectif qui relie le
malaise vagal et ICE.
Cette
expérience confirme mes hypothèses. La maladie provoque plus d’intérêt que
toutes les autres formes d’expression ou d’engagement. Plus d’angoisse. Que des
élus placent sur le même plan les victimes et les assassins, aucun SAMU ne sera
appelé. Qu’un élu insulte une députée européenne sœur d’une victime et aucun
téléphone ne se mettra à sonner. Qui appelle malaise vagal les ravages d’un AVC
serait mal vu. Mais qu’un élu appelle « conflit » l’agression d’une organisation
terroriste contre une société démocratique, personne n’appellera SOS médecin.
Conclusion. Malaise
vagal, SAMU, pompiers, SOS médecin. Blanchissage de la terreur d’ETA par Vincent
Bru, Michel Veunac, Jean-René Etchegaray, Frédérique Espagnac, Max Brisson, n’angoisse
pas grand monde.
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