vendredi 4 octobre 2019

un jour je me tairai


4 oct. 2019



A la sortie d’un film présenté dans le cadre du festival latino, sur le parvis de la Gare du Midi, une vingtaine de patriotes ensanglantés portent des banderoles réclamant la libération de « prisonniers politiques ». Ces prisonniers politiques sont des assassins de l’ETA condamnés pour activités terroristes en bande armée. Et cette vingtaine de militants éclaboussés du sang de leurs amis les nomment prisonniers politiques.



Grâce aux documents fournis par Edouard Philippe,  d’autres assassins de l’ETA ont été ou seront arrêtés et punis. Nous vivons dans un état de droit où tuer un conseiller municipal ou abattre un responsable politique n’est pas « un acte politique » mais un assassinat. Nous vivons dans un état de droit où des militants, dont la moitié vient d’Espagne, ont le droit de nommer des assassins emprisonnés « prisonniers politiques ». Ces assassins, quand on n’était pas d’accord avec eux, vous tiraient une balle dans la nuque. Une balle politique.



Comme nous vivons dans un état de droit, c’est sans aucune appréhension que je laisse libre cours à ma colère. Je me dirige vers ces militants dégoulinant du sang de Yoyès et de Blanco, du sang des enfants assassinés à Saragosse, et je leur crie : ce ne sont pas prisonniers politiques, ce sont des assassins.



Et je répète « ce ne sont pas des prisonniers politiques, ce sont des assassins ». Et je le crie, à ces manifestants rouges du sang des morts victimes de l’ETA. Une pancarte porte l’inscription « trente ans ». Et je demande, combien de temps les victimes vont-elles passer dans les cimetières ?



Ils m’insultent, ils chantent des chants  patriotiques pour couvrir ma voix, des chants de guerre, des chants de massacres, des hymnes à la mort et je crie « ce ne sont pas des prisonniers politiques ce sont des assassins ».



Vous voudrez bien m’excuser, mes amis, pourquoi te mets-tu dans cet état-là ? Tu vas avoir une crise cardiaque. Vous me demandez de me calmer. Je ne peux pas. J’ai connu dans ma longue vie militante de vrais prisonniers politiques, des historiens tchèques, des poètes russes, des chanteurs lituaniens, des écrivains algériens. Ils étaient en prison pour des mots, des chants, des poèmes, des livres. Et voilà que de misérables blanchisseurs trouvent le même nom de « prisonniers politiques » des tueurs de pensée, des tueurs de chanteurs, des tueurs d’écrivains. Alors chaque fois, je m’approche et je crie « ce ne sont pas des prisonniers politqiues, ce sont des assassins ».



Un jour, je suis certain, je verrai ces manifestations et je ne m’approcherai pas pour protester. Un jour je me tairai. Un jour très éloigné.

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