1 novembre
2019. Demain 2 novembre, nouvelle journée de Grande Lessive. Interdit de
parole, j’irai distribuer à l’entrée de la teinturerie Bake Bidea et Artisans
de la Paix des pages de cet énorme bouquin « Vidas
Rotas » où sont recensées les vies massacrées par ETA. Une page par
une page. Des photocopies. Plus j’y pense et plus j’y suis résolu. Je m’y vois
déjà. Ce sont des petites actions symboliques dont l’effet est tonique. De même
que mon message au consulat d’Espagne a été reçu avec « émotion » et
les remerciements du consul sur l’amitié entre la France et l’Espagne ont
confirmé la valeur de la démarche. Petites actions, grands résultats. Car il
s’agit bien de cette question : il s’agit de la paix, de la coopération
entre deux grandes démocraties notamment dans le domaine de la sécurité et de
la lutte contre le populisme et le terrorisme. Les mêmes militants si actifs
pour blanchir la terreur d’ETA s’attaquent au drapeau espagnol, le tout dans un
même mouvement. Les mêmes militants qui ne supportaient pas que des grandes
puissances se réunissent à Biarritz pour parler d’égalité, climat, sécurité.
Je les vois
et je les entends. Et les victimes du GAL !
me crieront ils dans mon oreillette. Je leur dirai deux choses, simples à
comprendre. Premièrement, rien ni personne ne les empêche de distribuer des
listes de victimes du GAL. Ça ira plus vite, parce qu’il y en a moins. Moi, j’ai
un bouquin de plus de mille pages. Et vous une petite brochure. Mais sur le
principe, ce serait bien. Vidas Rotas,
doit inclure les victimes du GAL. Moi, personnellement je distribue la liste
des victimes de l’ETA. Pourquoi est-ce
que je suis plus concerné par ces victimes que par celles du GAL. Pourquoi
est-ce je ne distribue jamais le nom des victimes du GAL ? Après tout, je
pourrais.
Mais je sais
pourquoi. Parce que dans le petit bout de France où se termine mon parcours,
pas de pot, je suis certain qu’il existe dans ce vaste monde des paradis
politiques, l’équivalent intellectuel des paradis fiscaux, où l’on peut mettre
ses convictions à l’abri, où rien ni personne ne vient solliciter les fibres
nerveuses qui conduisent à l’indignation, mais ce n’est pas le cas dans ce
petit bout de terre qu’on appelle Pays Basque. Et dans ce petit bout de terre,
qui n’est pas un paradis politique, malgré les apparences, des milliers de gens
se promènent le long des plages, surfent, se baignent, envahissent les
terrasses, il a fallu que des nationalistes enragés tuent ceux qui n’étaient
pas d’accord avec eux, que des démocrates résolus mettent la terreur à bas,
emprisonnent les enragés, combattent leurs complices. Et dans ce petit bout de
territoire, des identitaires se mettent à célébrer le combat des enragés, à le
justifier, à les faire défiler sur les estrades comme un défilé de mode funèbre.
Avec, selon les saisons, des cagoules, des accessoires, pistolets ou dynamite. Voilà
pourquoi je distribue des pages de Vidas Rotas.
Il n’est pas impossible que si des identitaires célébraient les tueurs du GAL
de la même manière, j’irai distribuer la liste des victimes des tueurs du GAL. Par
exemple, en Allemagne, je sais avec qui j’irai manifester. A Berlin qui pas
plus que le Pays Basque n’est un paradis politique.
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