Timothy Snyder, de la tyrannie. 2017 Gallimard. Vingt conseils pour résister ;
Qui ne
cherche pas des conseils ? Des conseils pour mieux vivre, tout seul, en couple,
en famille, dans le quartier, dans la ville, dans la région, dans le pays, dans
le monde.
J’ai compris
depuis longtemps, enfin pas trop longtemps, mais j’ai fini par comprendre deux
règles importantes. La première, ne pas donner de conseils. La seconde, ne pas
écouter les conseils. Surtout en ce qui concerne la personne, le couple, la
famille. Mais pour la suite, je continue d’être avide de conseils. De recettes.
C’est une faiblesse. Car non seulement je suis avide de conseils, mais j’utilise
ma science accumulée, mes lectures, mes engagements, mes égarements, pour
donner des conseils.
Dans cet
état d’esprit, quand j’ai lu la recension d’un livre de Timothy Snyder, De la Tyrannie, un recueil de conseils
pour résister à la tyrannie, un petit bouquin de la taille de Indignez-vous, de Stéphane Hessel, je me
suis dit, pourquoi pas. Je n’avais pas été échaudé par l’indigence
intellectuelle et politique du petit bréviaire de Stéphane Hessel. J’étais prêt
à nouveau à butiner l’impossible car j’avais un préjugé favorable envers l’auteur
de Terres de sang, ce magnifique
historien qui a étudié avec minutie et passion l’impitoyable concurrence entre nazisme
et stalinisme pour savoir quel système tuerait le plus de millions d’hommes en Europe
centrale. Et que je vous conseille de lire.
J’ai été
déçu et pas déçu. La plupart de ses conseils concernent les citoyens
nord-américains après l’élection de Donald Trump. Ici et là, on picorera des
recettes utiles, comme les gestes ressassées pour éviter la grippe.
Par exemple :
le pouvoir autoritaire est librement consenti. Les individus anticipent sur
sans qu’on leur demande rien. Ainsi, on peut brûler une maison au Pays Basque
sans protester. Les symboles d’aujourd’hui permettent la réalité de demain.
Repérez les signes de haine. Ne détournez pas le regard, ne vous y habituez
pas. Retirez-les vous-même et donnez ainsi l’exemple aux autres. Je pense à
Brigitte Pradier qui du haut de son mètre soixante, dans une assemblée de
chrétiens présidée par Mgr Aillet, intégriste devant l’éternel, la salle occupée
pour moitié par des curés et des bonnes sœurs, qui se lève et déclare « Vous
vous êtes battus contre le divorce, contre la contraception et vos idées ont plongé
des millions de femmes dans le malheur. Je suis chrétienne et je déclare que le
divorce, la pilule et la contraception m’ont permis de m’épanouir plus que tous vos sermons ». Plus tard,
la même Brigitte Pradier a débranché une vidéo haineuse contre l’IVG dans la
cathédrale de Bayonne. Sans le savoir, elle suivait les conseils de Timothy Snyder.
Snyder dit : il est aisé de suivre le mouvement, et il peut sembler
étrange de faire ou de dire autre chose que tout le monde. Mais sans cette gêne, il
n’est pas de liberté. Il faut bien que quelqu’un, quelque part, le fasse. Comme
l’enfant qui dit que le roi est nu.
Il faut lutter
contre ce que Snyder appelle la pensée magique, fondée sur l’incantation et la
répétition. Par exemple, dire que le Pays Basque est en guerre est du domaine
de la pensée magique. Il serait en guerre parce qu’il y a des prisonniers. Mais
c’est très exactement le contraire. Le Pays Basque est en paix parce qu’il y a
des prisonniers. En temps de paix, une personne qui tue, qui rackette, qui
détruit, est punie et emprisonnée. En temps de guerre, cette personne est un
soldat.
La plus
grande menace pour la pensée magique est la recherche de la vérité. Or, nous dit
Snyder, à l
l’âge de l’internet, nous sommes tous devenus des journalistes et des
chercheurs. Chacun a sa part de
responsabilité dans le sentiment de vérité de l’opinion. Chacun de nous peut
contribuer à la vérification et au sérieux des informations. Ne faites pas
circuler n’importe quoi. Transmettez les informations des journalistes et des
chercheurs à qui vous faites confiance. Tenez un blog.
Et
quand vous éternuez, pliez le bras devant votre bouche.
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