Eugene
Green est écrivain et cinéaste. Il a réalisé un film en 2015 faire la parole, sur la recherche de la
langue basque par quatre jeunes bascophones qui se baladent au Pays Basque en
parlant basque.
Eugene
Green est attiré par le Pays Basque, par la langue basque, par la défense des
langues minoritaires. Il a essayé d’apprendre le basque, mais a abandonné. Trop
difficile, dit-il, dans cette salle du cinéma Atalante le samedi 13 janvier 18.
Je ne peux pas lui reprocher de faire un film sur la langue basque sans
apprendre la langue. Car le problème justement, c’est que l’apprentissage de la
langue basque n’est pas nécessaire pour parler de la langue puisque tous les
bascophones sont bilingues. Moi-même, j’ai travaillé et écrit sur l’Irlande et
sur la place du gaélique dans la société irlandaise sans avoir fait l’effort d’apprendre
le gaélique car tous les gaélophones irlandais sont bilingues. Si vous
travaillez sur le monde arabe, il est recommandé de parler l’arabe, sur le
monde anglophone, il vaut mieux parler anglais, sur le continent chinois, la
familiarité avec le mandarin et recommandé. Mais pour écrire, étudier, filmer,
le monde de la langue basque ou de la langue gaélique, il n’est pas nécessaire
de maîtriser la langue basque ou gaélique. C’est même la principale difficulté
dans la survie de ces langues, c’est qu’elles ne sont pas nécessaires. Alors
que la langue nationale des pays où ils vivent leur est indispensable dans leur
relation avec l’administration, les hôpitaux, les écoles, les entreprises.
Si
l’apprentissage d’une langue n’est pas indispensable ou utile ou agréable,
comment maintenir cette langue en vie ? Tous les jours des langues
disparaissent faute de locuteurs. C’est cette difficulté qu’affronte Eugene
Green et il s’en sort mal. Dans son film il enferme l’aspiration à une langue
dans une histoire politique dont le feu est désormais éteint et dans une
aventure folklorique.
L’histoire
politique. La langue basque a été opprimée par l’impérialisme français et
castillan. Interdite, pourchassée. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais les
militants linguistiques parlent toujours de la « violence jacobine »,
dans une œuvre entièrement financée par les subventions de la République
française, CNC, région, département…. Et toutes les écoles ou ces quatre jeunes
ont appris le basque ne survivent que sur fonds publics, certainement pas par
les contributions des familles.
Surmontant
les images, un poète en exil, Joseba Sarrionandia condamné
pour activités terroristes, parle d’un ton lugubre d’un petit enfant pour
lequel il est prêt à sacrifier sa vie pour qu’il apprenne le basque. Il a
surtout sacrifié la vie des autres, 830 victimes de l’ETA, (pour deux millions
d’habitants, soit l’équivalent pour la France vingt-cinq mille victimes. Il
pourrait revenir, demander pardon en basque, ça serait un encouragement
considérable à la langue. Il préfère rester en exil.
Le
film enferme la langue basque dans une communauté imaginée, sans contact avec
le monde extérieur. Le monde extérieur est hostile (ils ne nous connaissent
pas, ils ne connaissent pas notre histoire). Personne ne travaille, sauf une
journaliste bascophone dans un journal interdit qui a dû fermer. L’avenir, c’est
la construction d’un groupe de chanteurs.
La
langue peut survivre dans la mémoire d’une histoire héroïque ou guerrière, dans
la musique d’une communauté fermée, mais pour combien de temps ? Si elle
ne s’ouvre pas à d’autres horizons, son avenir est sombre.
Le
nombre de bascophones en France diminue régulièrement. Si vous voulez savoir
pourquoi, allez le film d’Eugene Green.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire