jeudi 31 octobre 2019

vidas rotas


1 novembre 2019. Demain 2 novembre, nouvelle journée de Grande Lessive. Interdit de parole, j’irai distribuer à l’entrée de la teinturerie Bake Bidea et Artisans de la Paix des pages de cet énorme bouquin « Vidas Rotas » où sont recensées les vies massacrées par ETA. Une page par une page. Des photocopies. Plus j’y pense et plus j’y suis résolu. Je m’y vois déjà. Ce sont des petites actions symboliques dont l’effet est tonique. De même que mon message au consulat d’Espagne a été reçu avec « émotion » et les remerciements du consul sur l’amitié entre la France et l’Espagne ont confirmé la valeur de la démarche. Petites actions, grands résultats. Car il s’agit bien de cette question : il s’agit de la paix, de la coopération entre deux grandes démocraties notamment dans le domaine de la sécurité et de la lutte contre le populisme et le terrorisme. Les mêmes militants si actifs pour blanchir la terreur d’ETA s’attaquent au drapeau espagnol, le tout dans un même mouvement. Les mêmes militants qui ne supportaient pas que des grandes puissances se réunissent à Biarritz pour parler d’égalité, climat, sécurité. 


Je les vois et je les entends. Et  les victimes du GAL ! me crieront ils dans mon oreillette. Je leur dirai deux choses, simples à comprendre. Premièrement, rien ni personne ne les empêche de distribuer des listes de victimes du GAL. Ça ira plus vite, parce qu’il y en a moins. Moi, j’ai un bouquin de plus de mille pages. Et vous une petite brochure. Mais sur le principe, ce serait bien. Vidas Rotas, doit inclure les victimes du GAL. Moi, personnellement je distribue la liste des victimes de l’ETA.  Pourquoi est-ce que je suis plus concerné par ces victimes que par celles du GAL. Pourquoi est-ce je ne distribue jamais le nom des victimes du GAL ? Après tout, je pourrais. 


Mais je sais pourquoi. Parce que dans le petit bout de France où se termine mon parcours, pas de pot, je suis certain qu’il existe dans ce vaste monde des paradis politiques, l’équivalent intellectuel des paradis fiscaux, où l’on peut mettre ses convictions à l’abri, où rien ni personne ne vient solliciter les fibres nerveuses qui conduisent à l’indignation, mais ce n’est pas le cas dans ce petit bout de terre qu’on appelle Pays Basque. Et dans ce petit bout de terre, qui n’est pas un paradis politique, malgré les apparences, des milliers de gens se promènent le long des plages, surfent, se baignent, envahissent les terrasses, il a fallu que des nationalistes enragés tuent ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux, que des démocrates résolus mettent la terreur à bas, emprisonnent les enragés, combattent leurs complices. Et dans ce petit bout de territoire, des identitaires se mettent à célébrer le combat des enragés, à le justifier, à les faire défiler sur les estrades comme un défilé de mode funèbre. Avec, selon les saisons, des cagoules, des accessoires, pistolets ou dynamite. Voilà pourquoi je distribue des pages de Vidas Rotas. Il n’est pas impossible que si des identitaires célébraient les tueurs du GAL de la même manière, j’irai distribuer la liste des victimes des tueurs du GAL. Par exemple, en Allemagne, je sais avec qui j’irai manifester. A Berlin qui pas plus que le Pays Basque n’est un paradis politique.

mercredi 30 octobre 2019

calomnies et diffamation


J’avais inscrit l’Observatoire du Pays Basque à la réunion de réflexion du 2 novembre sur le processus de paix « réservée aux personnes de toutes sensibilités ». Je reçois en réponse ce courriel : « Nous n'accepterons pas votre présence… Vous êtes en permanence en train d'insulter et de diffamer ceux qui travaillent dans ce processus de paix ».



Afin que chacun puisse juger sur pièce, voici l’intervention que je comptais présenter à cette « réunion de réflexion ».





Pour Bake Bidea et les Artisans de la Paix, l’histoire du Pays Basque commence le 20 octobre 2011 quand ETA décide un cessez-le-feu unilatéral et définitif. en 2011. Ainsi se met en place un processus de paix basque unilatéral sans les états espagnol et français. Puis vint le désarmement d’ETA, toujours unilatéral. Puis la dissolution, toujours unilatérale. Et maintenant les prisonniers, puisque le conflit, comme vous dites, ne cessera qu’avec la libération du dernier prisonnier.



Tel est le récit accepté au Pays Basque français, accepté parce que notre territoire n’a guère subi la terreur. Mais ce récit n’est accepté qu’à un prix élevé. Au prix d’une rupture avec la société basque espagnole, sauf avec les héritiers et les soutiens politiques de la terreur. Tous les autres partis, associations, intellectuels, condamnent ce récit et le nomment opération de blanchissage. Malgré tous vos efforts, jamais les grands partis et les grands noms de la communauté du Pays Basque n’ont accepté de se joindre à vous. Quand ils s’expriment, vous les traitez de menteurs.



Cette position n’est tenable que si vous vous isolez du monde. Vous vous isolez du Pays Basque espagnol, de la grande majorité de ses forces politiques et intellectuelles. Vous vous isolez des états démocratiques que sont la France et l’Espagne.  Voyez tous ces élus qui vous soutiennent ici. Ils paradent sur vos tribunes, mais ils n’interviennent jamais sur les prisonniers, ni au Senat, ni à l’Assemblée nationale. En effet, pour poser une question au gouvernement, il faut l’accord de leur groupe et ni La République en Marche, ni LR, ni le PS, ni l’UDI, ne sont prêts à les suivre sur ce terrain.



Souffrez l’existence d’un autre récit. Dans le Pays Basque espagnol, la terreur d’ETA a rencontré des formes de résistance multiples. Politiques, manifestations massives Basta Ya, livres, articles, tribunes, se sont dressées contre toutes les tentatives de légitimer la terreur. Vous n’en étiez pas. La terreur a été vaincue aussi par la coopération policière entre état démocratiques. Coopération que vous avez toujours condamnée. Vous n’avez rien dit quand un terroriste assassinait, vous protestez quand il est arrêté.



Pour nos amis du sud, l’ETA a été vaincue et il n’y a jamais eu de décision unilatérale. Vous ne supportez pas le nom de défaite alors qu’elle est une exemplaire victoire de la démocratie contre la terreur. De ces efforts, vous étiez absents. Dans ces manifestations, vous n’étiez pas. Et après votre long sommeil, vous vous réveillez pour négocier avec ETA une sortie ce que vous appelez un « conflit ». Pas une agression contre la démocratie espagnole et contre le gouvernement autonome, mais un » conflit ».



Toutes les victimes dites-vous ? Vous n’avez pas trouvé le chemin d’un début de dialogue avec leurs associations.  Vous avez trouvé le chemin de l’intelligence, du cœur, des esprits, des terroristes emprisonnés, mais vous n’avez pas trouvé le chemin d’un dialogue avec ceux qui ont subi les meurtrissures. Vous avez essayé ? Mensonge. Quand la sœur d’une victime vient parler chez nous, pour porter la parole des victimes, elle est insultée par le président de l’agglo dans le silence de son conseil.



Toutes les victimes dites-vous ? Il y a eu peu de victimes au Pays Basque français. Mais quelques-unes. Celles qui ont survécu habitent vos communes, à Cambo, à Pau. Vous les croisez peut-être. Quel est l’élu parmi vos soutiens qui est allé leur porter une parole de réconfort ? Quel est l’élu parmi vos soutiens qui a demandé à leurs bourreaux de s’excuser, de demander pardon ? Quelle est la composante des Artisans de la Paix qui a demandé aux séparatistes basques de ne pas faire la fête publiquement quand il y a une sortie de prison ?



Vous nous reprochez d’avoir un discours de revanche. Notre discours est un discours de paix. Pas de paix sans vérité. Pas de  paix sans la demande de pardon. Pas de paix sans condamnation de la terreur. Nous souhaitons un débat collectif, une recherche sur l’histoire de notre territoire, sur la condition des prisonniers, avec les principaux intéressés qui actuellement en sont exclus.



Du Pays Basque espagnol, les associations de victimes, les intellectuels, nous remercient de notre action. Le gouvernement français, par l’intermédiaire de son préfet, nous remercie de notre action. Vous voulez enfermer le Pays Basque français, nous l’ouvrons au monde. Pour se calfeutrer, il faut être nombreux. Pour ouvrir une fenêtre, quelques bonnes volontés suffisent.





L’Observatoire du Pays Basque

mardi 29 octobre 2019

interdit


Je m’étais tranquillement inscrit à la « réunion de réflexion du 2 novembre ». Cette réunion de réflexion est réservée aux personnes de toutes sensibilités. Mais les organisateurs n’accepteront pas ma présence. Parce que « j’insulte et je diffame ceux qui travaillent à ce processus de paix ». Toutes les sensibilités sauf la mienne.



Sauf celles des associations de victimes du Pays Basque espagnol, qui considèrent que les Artisans de la Paix sont des blanchisseurs de la terreur d’ETA. Sauf celles d’intellectuels comme Fernando Savater et Fernando Aramburu. Sauf celles d’Edouard Philippe et d’Emmanuel Macron qui coopèrent avec Pedro Sanchez pour la punition des terroristes par un état de droit. Sauf celles des associations de victimes. Même le Lehendakari Inigo Urkullu n’a pas sa place. Maïté Pagazaurtundua qui a essayé de dialoguer avec les blanchisseurs a été remise à sa place. Elle ne fait pas partie de toutes les sensibilités. Elle insulte et elle diffame.



J’en conclus que pour les blanchisseurs, tous ces gens n’ont pas leur place dans la Grande Lessive. Parce que tous ces gens insultent et diffament les blanchisseurs. Ça fait beaucoup de monde.

Ma première réaction à cet ukase est qu’ils nous lisent, qu’ils se tiennent au courant et que de présenter une autre version de l’histoire que le récit abertzale les énerve furieusement. Nous allons donc continuer.


Nous avions pourtant enterré la hache de guerre qui pourrit dans un hangar à Bayonne.

interdit de parole


Les blanchisseurs dialoguent avec les etarras, les séparatistes, mais pas avec moi :



Cher Monsieur,

Vous vous êtes inscrit à la réunion de réflexion du 2 novembre au matin.
Cette réunion est réservée aux personnes de toutes sensibilités animées par un seul objectif: faire avancer le processus de paix et construire le vivre ensemble que le Pays Basque n'a pas connu depuis le coup d'Etat de Franco. Nous tenons à vous informer que nous n'accepterons pas votre présence.
Comme nous l'avons développé lors des conférences pour la paix que nous avons organisées régulièrement, la question de toutes les victimes et des prisonniers est au centre du processus.
Vous êtes opposé à toute perspective de ce type. Vous êtes en permanence en train d'insulter et de diffamer ceux qui travaillent dans ce processus de paix. Le 2, nous voulons continuer sereinement à construire. Nous voulons avancer avec détermination,  loin de tout esprit de haine, convaincus que le chemin difficile de la paix est toujours préférable au prolongement des souffrances.
Espérant que vous aurez compris, veuillez agréer nos salutations respectueuses.



lundi 28 octobre 2019

soyez courageux


Ce lundi 28 octobre 2019, un terroriste a tenté de mettre le feu à la mosquée de Bayonne et blessé grièvement deux personnes qui sont actuellement hospitalisées.



Les condamnations sont et vont être unanimes.



Pour vous rendre compte de l’effet que peut avoir au Pays Basque espagnol la campagne de blanchissage de Bake Bidea, des Artisans de la Paix, des élus qui sont salués par les séparatistes basques comme « engagés et responsables », reprenez pour l’attentat de Bayonne les éléments de langage des blanchisseurs.



L’agression contre une mosquée de Bayonne n’est pas une agression contre une société démocratique, mais un « conflit ». Un conflit où il y a des « victimes des deux côtés ».





Messieurs Vincent Bru, Max Brisson, Frédérique Espagnac, Jean-René Etchegaray, Michel Veunac, si vous allez au chevet des blessés, dites-leur ce que vous dites des terroristes basques : « il y a un conflit »,  et il y a des « victimes des deux côtés ».



Dites le leur et répétez le à leur famille.



Si l’auteur de l’attentat est emprisonné, n’oubliez pas de lui rendre visite en prison. S’il est libéré, ne demandez pas à ses amis de ne pas fêter  sa sortie. Ne demandez pas au terroriste de demander pardon à ses victimes. Ne demandez pas l’engagement de ne plus recourir à la violence armée. En revanche, demandez au gouvernement français de prendre des mesures pour qu’il soit rapproché de sa famille. Pour qu’il soit libéré pour son grand âge.



Allez dire tout ça, ce que vous dites tous les jours aux victimes d’ETA, allez dire tout ça au chevet des victimes et à leur famille.



Je suis certain que vous aurez le courage de vos opinions.

malaise vagal


Quand l’expérience confirme les hypothèses, quel pied. Laissez-moi vous raconter. Il m’arrive d’être fatigué. D’autres jours même, très fatigué. Quand je descends alors vers Hugo shop, librairie papèterie café journaux rencontres discussions, à pas lents, chaque levée de jambe me coûte. Puis je me repose en lisant les mauvaises nouvelles, en attendant le jour heureux où une manchette m’informera que le TGV Paris Biarritz est arrivé à l’heure. 


Ce jour-là, un dimanche, ce fut hier, j’étais plus fatigué que d’ordinaire et en m’asseyant devant le journal Sud-Ouest, je constatais que la fatigue, une immense lassitude, m’immobilisait sur la chaise. Au point où je commençais à m’inquiéter. Une fatigue comme une vague qui vous submerge. Au point où j’ai d’abord téléphoné au numéro ICE (In case of emergency) et j’ai immédiatement reconnu la voix du numéro ICE. Depuis que nous parcourons ensemble le territoire de cette planète, c’était la première fois que j’appelais ICE. Donc forcément, ce fut un choc. Je me rappelle les temps lointains où le téléphone n’existait pas, où même une lettre inquiétait tant elles étaient rares. Un télégramme était un événement, et rarement une bonne nouvelle. Tout le village suivait le facteur qui marchait d’un pas plus rapide que d’ordinaire, le bras levé avec ce papier bleu, informant les habitants qu’il portait un télégramme et les fenêtres s’ouvraient, les portes s’entrebâillaient, les sourcils se levaient. Eh bien, un appel ICE qui n’a pas été utilisé pendant ces vingt-deux ans, provoque nécessairement un choc. Une grande inquiétude. Une angoisse folle.


ICE me répond j’arrive, mais en attendant il faut appeler les pompiers, le SAMU, SOS médecin. Ce fut miel d’entendre la gentillesse et la compétence avec lesquels mes appels furent accueillis. Avez-vous des douleurs ? Au bras, à la poitrine, aux jambes, au ventre ? Non. Pas de douleur. Je vais vous passer un médecin qui va vous interroger. On me conseille de rentrer chez moi, de m’allonger, les jambes sur un coussin et si les symptômes persistent, appelez SOS médecin. ICE me ramène chez moi, je m’allonge et elle appelle SOS médecin. Tous les spécialistes concluent à un malaise vagal. Un malaise vagal est un truc qui inquiète mais qui n’est pas grave et n’a aucune conséquence puisque je suis en train de vous raconter. Si, quand même, une conséquence. L’inquiétude, l’angoisse même, les larmes de soulagement, confirment la solidité du lien affectif qui relie le malaise vagal  et ICE. 


Cette expérience confirme mes hypothèses. La maladie provoque plus d’intérêt que toutes les autres formes d’expression ou d’engagement. Plus d’angoisse. Que des élus placent sur le même plan les victimes et les assassins, aucun SAMU ne sera appelé. Qu’un élu insulte une députée européenne sœur d’une victime et aucun téléphone ne se mettra à sonner. Qui appelle malaise vagal les ravages d’un AVC serait mal vu. Mais qu’un élu appelle « conflit » l’agression d’une organisation terroriste contre une société démocratique, personne n’appellera SOS médecin. 


Conclusion. Malaise vagal, SAMU, pompiers, SOS médecin. Blanchissage de la terreur d’ETA par Vincent Bru, Michel Veunac, Jean-René Etchegaray, Frédérique Espagnac, Max Brisson, n’angoisse pas grand monde.

dimanche 27 octobre 2019

Régis Debray


Régis Debray, le génie français, Gallimard, 2019



Court essai où Régis Debray imagine une recherche d’un écrivain qui pourrait symboliser le « génie français ». Il oppose, dans la dernière sélection, Stendhal et Victor Hugo. Stendhal est le prototype abhorré : ses héros, Fabrice, Julien Sorel, Lucien Leuwen, sont à la recherche de réussite individuelle, amour ou carrière. Les héros de Victor Hugo, Jean Valjean, Gavroche, les familles de marins, sont mus par des sentiments universels, la lutte pour la justice, la solidarité. On comprend vite que Stendhal ne fait pas le poids. D’autant qu’il hait la patrie, s’exile par haine du terroir tandis que Victor Hugo debout sur le rocher de Jersey s’enracine d’autant plus qu’il  est loin.  Le tout dans un style enlevé et fondé sur une érudition exemplaire. 


Cet essai n’est pas critique littéraire. Il est l’occasion pour l’auteur de renouveler une condamnation sans appel de toutes les adaptations au capitalisme et au marché qui ne sont pas étapes vers la révolution. Les Thénardiers sont au pouvoir. Emmanuel Macron est un héros stendhalien et les gilets jaunes sont les héritiers des Misérables et de Gavroche. 


Voici l’exemple de ce qui est acceptable dans notre monde. Surtout pas de rupture, de la fidélité, de la continuité. Rester dans la famille. Voici un homme qui a fait le tour du monde, géographiquement et intellectuellement. Les aventures du Che en Bolivie, les prisons, le conseil des politiques au Chili avec Allende, puis en France avec François Mitterrand. Maintenant, retour à la case départ, celle de la révolution. Gilets jaunes et le Che. Victor Hugo contre Stendhal. 


Rompre, c'est à dire extraire de telles expériences l’idée que les plus grands malheurs du monde se sont déployés dans les régimes fascistes et communistes. Et ainsi d’affronter les mouvements sociaux à partir de cette expérience. Voir dans les émeutiers de tous les pays non pas une masse informe, mais des personnes qui réfléchissent et qui parfois s’engouffrent dans les impasses de l’histoire, le populisme fascisant ou la radicalité meurtrière. Rompre, c’est refuser d’admirer l’émeute quand elle prend ce chemin. Mais pour rester dans la famille, il faut admirer l’émeute et pourfendre ceux qui tentent de réformer sans plonger dans l’horreur.


Dans les années 1980, Claude Allègre était ministre de l’éducation nationale. J’enseignais dans les classes préparatoires du Lycée Saint-Louis, Boulevard Saint-Michel. Entre les heures supplémentaires, les « colles », nous étions les mieux payés de tous les enseignants de France. Les cours s’arrêtaient au printemps, place aux concours. Mais les heures supplémentaires étaient payées toute l’année. Au ministère, ils eurent l’idée folle de ne payer que les heures supplémentaires faites et pas les autres. C’était un avantage acquis. Les enseignants des classes préparatoires, qui forment l’élite de la nation, se mirent en grève, manifestèrent. Place de la Sorbonne. Devant le Lycée Saint-Louis. En sortant de mes cours, je fais face à la manifestation et qui je vois au premier rang ? Régis Debray.  

Il y a plusieurs manières de rester dans la famille.

vendredi 25 octobre 2019

paix aux assassins, guerre à leurs victimes


Ils font la paix avec les terroristes et la guerre à leurs victimes.



Les Artisans de la Paix plus Bake Bidea (le chemin de la paix) plus Bizi plus députés Bru, Espagnac et sénateur Brisson plus maires Jean-René Etchegaray et Michel Veunac sont des faiseurs de paix comme d’autres chamans sont des faiseurs de pluie. Ils ont crié « paix ! » « paix ! » et la paix est venue. Nous étions en guerre et la paix fut rétablie.



Tous affirment la main sur le cœur qu’ils ne prennent pas partie, pour un camp pour l’autre, juste ils veulent faire la paix.



Du côté des terroristes, sûr qu’ils sont compréhensifs, aimables et oublieux de leurs crimes. Ils sont les voir en prison et devisent. Ils écrivent à l’organisation terroriste et négocient avec ses représentants la remise des armes, où vous voulez, quand vous voulez. Vous ne voulez pas de reddition, mais bien entendu, il n’y aura pas de vainqueurs ni de vaincus. Vous voulez une hache sur la place de Bayonne ? Il y aura une hache, sans problème. Nous oublierons vos crimes, nous effacerons le sang, nous fermerons les cimetières. Venez manifester avec nous devant la hache nettoyée de ses crimes, venez boire avec nous le verre de la paix. Fixez l’heure, le lieu, les paroles à dire, les taches qui restent à nettoyer, nous ferons le reste.



Du côté de ceux qui ont subi la terreur, ils sont moins compréhensifs. Ils savent où rencontrer l’organisation terroriste, ils connaissent les adresses des prisons. Mais jamais, jamais, ils ne vont rendre visite aux victimes d’ETA. Vous savez qu’il y a des grands blessés, des traumatisés, qui ont été victimes d’ETA. En France, dans leur ville, dans leur commune. Jamais ils ne sont allés les voir, parler avec eux, leur apporter un peu de réconfort. Ils n’ont pas leur adresse ? Ils trouvent l’adresse d’une organisation clandestine et pas celle des victimes françaises des terroristes qu’ils défendent si bien ? Quand ils vont discuter avec le gouvernement basque autonome, ils appellent « négociations » l’imposition d’un plan de route négociée avec les assassins. Quand Maïté Pagazaurtundua, dont le frère a été assassiné par ETA,  vient rendre visite au Pays Basque français, ils la traitent de tous les noms, « cette personne » disent-ils, vient nous faire la leçon. C’est une commissaire politique qui veut nous faire taire. Vous vous rendez compte, elle parle des victimes. Quand le gouvernement basque autonome publie le récit des rencontres avec les blanchisseurs, ils sont traités de menteurs, de manipulateurs, leur histoire est un tissu de contre-vérités.



Pour les blanchisseurs, faire la paix, c’est éteindre les flammes du souvenir, araser la liste des victimes, fermer les cimetières, interdire les manifestations du souvenir.


            Vous reprendrez bien un verre de patxaran, monsieur Otegi ? Une goutte de manzana, monsieur Josu Ternera ?

lundi 21 octobre 2019

l'histoire les rattrape


La fin du consensus (La semaine du Pays Basque. vendredi 18 octobre 2019).


Maïté Pagazaurtundua, députée européenne, a rencontré Jean-René Etchegaray le 11 octobre 2019. Elle a dénoncé la campagne des « artisans de la paix » qui contredit la ligne défendue par le parlement européen ». En effet, la commission des libertés civiles, dont elle est vice-présidente, demande la protection des victimes du terrorisme contre les agressions et les humiliations qu’elles subissent de la part des soutiens des criminels. Maïté Pagazaurtundua fait ici allusion aux insultes et aux menaces qui l’accompagnent quand elle défend le droit des victimes. Elle s’oppose à ce qu’on nomme « conflit » l’agression du terrorisme contre un état démocratique, elle critique qu’on place sur le même plan ceux ont tué et leurs victimes. Les victimes du terrorisme et leurs familles ont droit à la justice et aux réparations. Ceux qui se proclament pour la justice devraient exiger des enquêtes pour les quatre cents meurtres de l’ETA non résolus.

Toutes ces failles ont en commun de reprendre les thèses des séparatistes qui justifient le terrorisme, qui justifient les meurtres. La vérité est que l’ETA s’est attaquée à un état démocratique, qu’elle a été battue par un état de droit et par la démocratie. L’important est la condamnation du terrorisme afin que la réconciliation repose sur des bases saines.

Les prisonniers sont-ils soumis à un régime d’exception ? Non. En Espagne, les prisonniers qui le souhaitaient ont été réintégrés dans la société. En demandant pardon aux victimes, en renonçant à la lutte armée, des centaines de prisonniers ont été libérés. Pendant des décennies, l’ETA les a condamnés et considérés comme des traîtres. 

Il n’est pas difficile de comprendre qu’un condamné qui refuse de demander pardon à ses victimes, qui persiste à penser qu’il a eu raison de les massacrer, qui attend la libération pour faire la fête et célébrer son « héroïsme » rend les mesures de clémence difficiles.

En mettant ainsi la question des victimes au cœur des débats, la rencontre du 11 octobre rompt avec le consensus local sur le « processus de paix ».

            C’est cette rupture qui est pointée par La semaine du Pays Basque dans les éditoriaux d’Edmond Dantès et de Stéphane Micoud . « Maïté Pagazaurtundua est venue à Bayonne et a brisé son consensus ».

Les réactions :

Pako Arizmendi, président régional  EAJ-PNB (parti nationaliste basque en France) reconnaît que le discours de Jean-René Etchegaray sur les victimes du terrorisme est contraire à la ligne du parlement européen. Jean-René Etchegaray a « souvent montré une forme de compréhension envers certains membres de l’ETA ». C’est que les élus du Nord n’ont pas vécu la souffrance dans leur chair. Pour eux, c’était un conflit « étranger » dont il ne fallait pas se mêler. Mais « l’histoire nous a rattrapés ».

Pako Arizmendi comprend la colère de Maïté Pagazaurtundua. Elle a souffert de la violence etarra. Elle est venue rappeler au maire de Bayonne que ses positions heurtent une partie de la société basque au sud. Mais il comprend aussi la main tendue par Jean-René Etchegaray. Justement parce qu’ils n’ont pas souffert, ils peuvent œuvrer pour trouver une solution. La méconnaissance de ce qui s’est passé au sud est une chance pour l’ensemble du Pays Basque. Elle a permis à l’ETA de déposer les armes. Cette méconnaissance a permis  de construire un Pays Basque en paix. Il est temps aujourd’hui de s’ouvrir à la connaissance de notre passé. C’est que Maïté Pagazaurtundua a voulu rappeler au maire de Bayonne et Pako Arizmendi peut la comprendre.

Dans le même dossier, Gaby Mouesca donne un exemple de cette « méconnaissance ». Jugé et condamné pour activités terroristes en bande armée (il a été « impliqué avec Iparretarrak »),  il n’a jamais demandé pardon, jamais regretté. Aujourd’hui, la nouvelle étape « est bien évidemment la libération des personnes en détention ». Dans son interview il affirme que l’essentiel pour lui est de ne jamais attenter à la dignité de la personne humaine. Attenter n’est pas un mot qu’il devrait utiliser. Pour lui, un attentat n’attente pas à la dignité de l’homme.

La réaction de Jean-René Etchegaray est une explosion de colère. Alors que Pako Arizmendi et Anaiz Funosa gardent un ton mesuré, le maire de Bayonne est furieux de cette atteinte argumentée au consensus local. Tout un monde qui s’écroule.

Il n’imaginait pas que la rencontre avec « cette personne » était destinée à l’exposer à une condamnation sur la place publique. Heureusement que « cette députée européenne » n’exerce aucun pouvoir de police ou de justice ». « Cette personne » n’a aucune légitimité pour juger mes  positions sur le processus de paix. Elle l’a taxé de négationniste. L’accusation est grave. Cette personne lui fait un procès en hérésie au Moyen-Age. Il ne conteste pas les souffrances issues du « conflit » mais sa lecture passionnelle du passé n’aide pas à préparer l’avenir. « Cette personne » est députée européenne.

Le projet de Jean-René Etchegaray est de construire la paix et la réconciliation au Pays Basque. Le fait de demander le rapprochement des prisonniers ne signifie pas indifférence aux souffrances de victimes et de leur famille. Il tente d’initier la réconciliation  de « toutes les composantes » en les invitant à participer aux temps des récits, celui des victimes comme celui des prisonniers. C’est ce qui s’appelle la justice transitionnelle.

Jean-René Etchegaray estime que la sculpture de la hache est « une œuvre d’art léguée par un grand sculpteur Koldobika Jauregui ». Pourquoi cette œuvre d’art pourrit-elle dans un hangar de Bayonne ? Pourquoi le maire de Bayonne ne l’installe-t-il pas dans le hall de sa mairie ? Il ne le dit pas.

Pour Anaiz Funosas présidente de Bake Bidea, il faut rapprocher, libérer, aménager. Avancer sur ces questions, ce n’est pas humilier certaines victimes, c’est une démarche importante dans cet exercice qui est à construire. Car tous ces prisonniers sont sous une procédure d’exception. Aujourd’hui il faut passer à la « justice transitionnelle » avec les « experts internationaux ». C’est le contraire de la vengeance.

Les personnes comme Maïté Pagazaurtundua qui accusent les artisans de la paix de porter le discours d’ETA n’acceptent pas ce chemin. Elles estiment que la seule solution est la répression et la prison.

                         

Quand la terreur faisait rage, les Artisans de la paix ne sont pas intervenus. Quand l’ETA n’était pas encore défaite, jamais les Artisans de la Paix ne lui ont demandé de se dissoudre. En fait, les  Artisans de la Paix et Jean-René Etchegaray demandent tout aux gouvernements français et espagnol, rien aux anciens terroristes. Ils ne demandent pas la cessation des libations et des liesses qui insultent les victimes. Ils ne demandent rien. Ils ne vont pas les voir. Ils trouvent le chemin des prisons, le chemin des clandestins. Le chemin des victimes leur est inconnu. Il se confirme que les Artisans de la Paix reprennent le vocabulaire de la guerre menée par ETA. Jean-René Etchegaray est furieux : il est accusé par Maïté Pagazaurtundua d’être complice des etarras. Il a raison. Le blanchisseur qui efface les taches de sang n’est pas complice des assassins.

Les Artisans de la Paix, Bake Bidea et Jean-René Etchegaray parlent de « justice transitionnelle. Ils ne savent pas ou ne veulent pas savoir que dans tous les cas, Afrique du Sud, Irlande du Nord, Colombie, les terroristes et les bourreaux doivent demander pardon pour que la discussion s’engage.

            Grâce à Maïté Pagazaurtundua et à l’Observatoire du Pays Basque, le consensus est brisé. Il a été brisé quand la sculpture de la hache fut envoyée au rebut. Brisé quand l’Observatoire a été reçu par le Préfet. Brisée quand les Artisans de la Paix et Jean-René Etchegaray protestaient contre l’arrestation de Josu Ternera et qu’une tribune de Libération apportait le soutien à ses victimes. La réflexion a commencé. Elle se poursuivra. Elle ne sera pas tranquille, mais elle est nécessaire.   Comme dit Pako Arizmendi, « l’histoire les a rattrapés ».

mardi 15 octobre 2019

ils ont peur du soleil


Dans le Monde daté mardi 15 octobre 2019, un long article sur Bizi « Bizi, basque mais pas seulement » signé Remi Barboux.

Les différentes activités et actions de Bizi dans le domaine local et environnemental sont présentées fidèlement mais au terme de l’article se révèle une troublante omission. Pas un mot sur l’activité pourtant centrale de Bizi aux côtés des « Artisans de la Paix ». Pas un mot de la négociation avec une organisation terroriste, pas un mot sur l’érection d’une hache symbole de cette même organisation. Le journaliste a longuement interviewé les responsables de Bizi. Ils n’ont rien dit sur ce sujet.

Ce silence est-il singulier ? Non. Constatons avec stupéfaction que les sénateurs Max Brisson et Frédérique Espagnac, le député Vincent Bru, pourtant actifs au sein du collectif des blanchisseurs tels que les nomment les associations de victimes, n’interviennent jamais dans un débat public au Sénat ou à l’Assemblée nationale sur la question des prisonniers basques. Jamais ils ne posent de questions publiques au gouvernement sur cette question. Ils vont négocier furtivement dans les couloirs du ministère, mais ne parlent et ne communiquent que dans la presse locale. Jamais un mot au parlement. La vérification est facile. Le site du parlement est fort bien fait et rend compte avec précision de toutes leurs interventions.

Essayons de comprendre ce silence. Dans tout l’hémicycle, sénat ou assemblée, ce sont les seuls parlementaires qui ont négocié avec une organisation terroriste, qui ont détruit des preuves de crimes, qui ont insulté des associations de victimes, qui ont glorifié avec une sculpture des activités terroristes. Cherchez bien, il n’y en a pas d’autres. Deux sénateurs et un député. Tous les trois du Pays Basque. Pour intervenir, poser une question orale ou écrite, ils doivent passer par leur groupe. Ni LR, ni La République en Marche, ni PS, ni personne ne va leur donner permission de soutenir les anciens terroristes condamnés. Alors ils se taisent, ils se terrent, ils rasent les huisseries. Ils parlent aux ministres dans le silence des cabinets, dans les couloirs, dans des salons matelassés. Quand ils sortent de ces étouffoirs, ils ne communiquent pas. Ils attendent d’être au Pays Basque français pour expliquer à leurs alliés blanchisseurs comment ils se démènent pour les prisonniers condamnés.

Ce silence glacé nous indique les actions à mener. Il ne faut pas se lasser de dénoncer à l’extérieur du Pays Basque français l’indignité de ces comportements. Quand Maïté Pagazaurtundua vient expliquer à Jean-René Etchegaray les conséquences désastreuses de son ralliement aux séparatistes basques, cet élu courageux mais pas téméraire refuse de lui répondre. Il prend exemple sur ses compères, sénateurs, députée, qui se réfugient dans les tranchées, tous éloquents quand un bureau de poste ferme, mais qui abandonnent leurs prisonniers dès qu’ils voient l’ombre d’un huissier au Palais Bourbon.

Il ne faut pas se lasser. Décrire, parler, faire connaître. Montrer les tombes qu’ils piétinent, la fange du renoncement, le révisionnisme de la terreur. Leur soumission n’est bonne qu’au Pays Basque. Ils se pavanent à Bayonne avec les anciens etarras et à partir de Tarnos, dénoncent la terreur des autres. Il n’y a pas que les vampires qui ont peur du soleil.  

deux événements


Voici deux événements importants d’une vie. Premier événement : ce manuscrit d’un essai que je traîne depuis plus de deux ans et que j’ai envoyé à plusieurs éditeurs vient enfin d’être accepté. Il doit normalement paraître au printemps prochain. Ça fait maintenant trois ans que je n’ai rien publié d’autre que deux ou trois articles. Et donc je suis ravi. Heureux. Je montre le courriel à ma douce qui partage mon bonheur. Il est venu le moment de rappeler que de la trentaine de livres que j’ai publiés, la plupart l’ont été parce que je connaissais quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui connaissait mon travail. Je n’ai jusqu’ici pas eu ce succès littéraire qui permet de se remettre au travail sans se soucier de savoir si es lignes vont se transformer en livre. Il a fallu chaque fois s’installer au bureau sans savoir. Certains écrivains, j’en connais, écrivent pour le plaisir d’écrire et ne se soucient pas d’être publiés. Pourquoi pas ? Certains écrivent comme d’autres font du jogging le matin ou du vélo le dimanche, sans se demander s’ils vont participer aux prochaines Jeux olympiques ou au Tour de France. Moi, personnellement, j’écris dans un but extérieur à l’écriture. Je n’ai pas le plaisir de l’écriture pour elle-même. Comme si je rédigeais une phrase et je me dis elle est très belle cette phrase, je vais la ranger dans un classeur de belles phrases, un classeur qui finira un jour à la poubelle. Non, je me dis que la phrase que je trouve belle, qui provoque à la lecture un plaisir particulier qui n’est pas d’ordre hormonal, sensoriel, social, politique, festif, addictif, mais d’un ordre que je ne saurai qualifier autrement que littéraire, un mot qui est d’une grande pauvreté, que cette phrase me provoque un plaisir multiplié par la perspective d’être sculptée en bas de casse, imbibée d’encre d’imprimerie, enfermée dans du vélin, comprimée entre deux feuilles cartonnées. Avant l’invention de l’informatique, il me fallait attendre longtemps avant cette transformation. Aujourd’hui, je peux écrire et être publié en temps réel, la distance entre l’écriture et la publication se mesure à la vitesse de la lumière. Bon, d’accord, ce n’est pas la même chose qu’un livre, mais quand même il m’est arrivé d’être laillequé  par plusieurs dizaines de personnes alors que certains articles que j’ai écrit dans des revues universitaires n’ont été cités que deux fois, et encore parfois parce que l’auteur de la citation était en train de soutenir une thèse de doctorat avec moi et il pensait ainsi sécuriser mon indulgence.



Le deuxième événement est moins plaisant mais son importance n’est pas moins grande. Je veux le raconter comme base d’une leçon de morale. J’aime bien conseiller les gens. Ils ne m’écoutent pas, mais ce n’est pas l’efficacité du conseil qui me plaît, c’est le conseil en lui-même. Un peu l’inverse de l’écriture. Le plaisir du conseil est dans le conseil, pas de savoir s’il est suivi ou pas. J’ai passé toute une vie à conseiller et à ne pas payer. Je continue à conseiller et à payer de moins en moins.



Le conseil que je livre aujourd’hui, conséquence inévitable de ce deuxième événement est simple : « Lavez-vous les dents régulièrement, après chaque repas, au lever, au coucher et allez consulter votre dentiste au moins deux fois par an.». Ou alors, faites des études supérieures qui vous permettront de remplacer une dent défaillante par un implant grâce à un revenu confortable. Le lecteur complètera de lui-même : je ne me suis pas lavé les dents régulièrement, je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche, et mes études m’ont conduit à un revenu confortable, mais pas suffisant pour des implants. Résultat, je pourrais raconter ma vie en la découpant au rythme des dents abîmés, , plombées d’abord, puis extraites, puis remplacées par des prothèses de plus en plus intrusives jusqu’à me trouver dans la situation qui suit Troyes en Champagne et deux testaments : il n’y a plus qu’une dent dans la mâchoire à Jean.



A la place de ces chères disparues, des prothèses. Et alors ? Avec le temps qui passe, les prothèses fleurissent. Les yeux faiblissent, on achète des lunettes. Le tympan s’épaissit ? On installe des micros. La hanche s’arthrose ? On installe un clou de titane. C’est la vie.



Les prothèses partagent avec le corps biologique des phénomènes de vieillissement. Fait-il vous faire un dessin ? La totale dentaire s’use, bascule et parfois, il suffit d’une simple tartine grillée pour qu’elle se brise. A l’inverse de la prothèse de la hanche ou une paire de lunettes, cet accident vous plonge dans un abattement profond. Une paire de lunettes passe sous les roues d’une voiture, ça vous énerve, mais pas au point de prendre des antidépresseurs par poignées. La totale dentaire possède à la différence d’autres prothèses la faculté de vous rappeler l’âge que vous avez avec une cruauté inégalée. Bien sûr, votre dentiste vous a fabriqué une prothèse de secours. En fait, c’est la seule prothèse qui dispose d’un double de secours. Ni la hanche, ni les écouteurs, n’ont ce privilège. D’accord. Mais le double est resté pendant des années dans une boîte de plastique blanc, immobile, éternel. Alors que votre palais votre voute plantaire, vos gencives, ont bougé, comme bouge tout ce qui vit. La prothèse de secours est très inconfortable et vous imaginez l’avenir à aspirer des soupes avec une paille. Le jour même, mon dentiste et son prothésiste m’ont sauvé la vie et la tartine de pain avec le bâté basque m’ont réconcilié avec le monde.



Je signale quand même à ceux qui pourraient se plaindre que la prothèse n’est pas liée à l’âge. Elle s’installe dès la première année quand on remplace le sein maternel par des tétines en caoutchouc.

samedi 12 octobre 2019

aux valeurs!


Aux valeurs ! Aux valeurs !



La campagne des élections municipales a commencé. Comment choisir ? Le bon critère, peut-être est de partir de la ville dont on rêve et de confronter ensuite les différents candidats à ce rêve.



Une ville accueillante socialement, attachée au tourisme d’excellence et au tourisme de masse, aux villas d’exception et aux logements sociaux.



Une ville accueillante culturellement et politiquement. Vibrante contre les discriminations d’ethnie, de sexe… Qui renvoie Mgr Aillet dans les cordes quand il prétend interdire une « Gay Pride » dans les rues de la ville.



Une ville qui refuse les replis identitaires, qui soutient les festivals, la langue basque et qui a voté majoritairement contre une communauté d’agglo dont la seule épine dorsale est l’identité et qui du coup, selon même ses partisans les plus militants, fonctionne de moins en moins bien.



Une ville qui refuse d’être associée à des opérations de blanchissage de la terreur comme les « Artisans de la Paix », félicités par les séparatistes, condamnés par les associations de victimes.



Chacun peut compléter à sa façon.



Parmi les actes politiques qui portent ces valeurs, notons que le directeur de campagne de Maïté Arosteguy, Thomas Habas, est signataire d’une tribune intitulée « en soutien aux victimes de Josu Ternera. Egalement signataire, Brigitte Pradier, membre du comité de soutien à Nathalie Motsch. Le maire sortant, Michel Veunac, a réitéré sa position : il y a des victimes des deux côtés, du côté de Yoyès et de son assassin, de Blanco et de son assassin, comme en Corse, il y a Colonna et la veuve du préfet Erignac.



Parmi les principes démocratiques à défendre, la liberté de la presse. Que les propriétaires actuels du B.O s’expriment publiquement en soutien à Eric Zemmour devraient provoquer des réactions indignées. Michel Veunac a reçu les responsables et les a tancés vigoureusement. Au cours du premier débat, Nathalie Motsch a vigoureusement condamné ces propos. Le représentant de Maité Arosteguy a été moins vigoureux, mais il a condamné et Guillaume Baruch a demandé aux journalistes d’être plus prudents. Recommandation qu’il aurait pu adresser aux à Gorka Landaburu, journaliste basque qui a perdu sa main, et aux journalistes de Charlie Hebdo. Parce  que la logique de cette « prudence », c’est qu’il faut demander aux victimes d’être prudents.



Je ne sais pas encore pour qui je vais voter au printemps prochain. Mon vote sera fonction de mon rêve de Biarritz.




jeudi 10 octobre 2019

des élus de la république qui blanchissent la terreur


Un communiqué des blanchisseurs du Pays Basque français (10 octobre 2019) proteste contre le refus de mise en liberté de Frédéric Haramboure, condamné pour activités terroristes en bande armée. Le prisonnier est malade, il a droit à une libération (trente ans de prison). Nos élus sont mécontents, ce refus crée « frustration et colère ». Tous leurs efforts depuis dix ans pour construire une société pacifiée « sont remis en cause par un désir de vengeance ».



Ce texte est signé par Jean-René Etchegaray, Max Brisson, Michel Veunac, Vincent Bru, Frédérique Espagnac… LR, Modem, PS, EELV. Vos maires, vos élus.



La position de l’Observatoire du Pays Basque n’a pas changé : nous demandons pour les prisonniers condamnés le respect des règles que l’ETA a refusé à ses victimes.



Ce communiqué appelle plusieurs remarques. Il rappelle les efforts pour une société pacifiée depuis dix ans. Dix ans ? Les efforts de ces blanchisseurs ont commencé quand l’ETA a été vaincue par les manifestations de la société civile au Pays Basque espagnol, par la coopération entre les états français et espagnols. Quand la société basque espagnole était frappée par la terreur, les assassinats, les rackets, les menaces, nos élus ne sont jamais intervenus. Ils n’ont jamais manifesté aux côtés de Basta Ya ! Quand les Basques espagnols en avaient tant besoin.



Quand l’ETA était en activité, nos élus n’ont jamais demandé qu’elle cesse ses meurtres. Ils n’ont jamais demandé sa dissolution. Ils se sont réveillés quand l’ETA a disparu pour dénoncer l’immobilité des Etats qui l’ont vaincue.



Aujourd’hui encore, ils se préoccupent des prisonniers dans le mépris total de leurs victimes. Quand les prisonniers sont libérés, les séparatistes organisent des manifestations de liesse qui sont des insultes aux familles des victimes. Nos élus se taisent.







Nos élus vont voir les prisonniers dans leur cellule. Ils recueillent leurs demandes, ils négocient avec ETA pour la remise des armes. Ils n’ont jamais eu le temps ou la volonté d’aller dialoguer les associations de victimes outre Bidassoa. Ils n’ont jamais eu le temps ou la volonté d’aller saluer les quelques victimes qui vivent au Pays Basque français, dans leur commune, mutilés, abîmés, silencieuses. Elles n’ont jamais reçu la visite de nos élus blanchisseurs. Pour les prisons, ils trouvent le temps, la volonté, ils discutent, ils s’entretiennent. Ils blanchissent jour après jour.



Ces élus républicains évoquent « frustration et colère ». Se préparent ainsi à justifier la violence séparatiste.  ?



J’ai demandé à intervenir à une « journée de réflexion » sur les prisonniers organisé par les blanchisseurs pour  présenter ces quelques idées. Je vous tiendrai au courant.


dimanche 6 octobre 2019

la violence, on n'imagine pas la violence...


La violence, on n’imagine pas la violence.



Le Royaume-Uni moderne s’est constitué au 16ème siècle en rupture avec Rome. Le chef de l’église établie (anglicane) était désormais le monarque. Un pays protestant pour les protestants. Les non-protestants maintenus, catholiques, protestants dissidents, Juifs, Quakers… devenaient des étrangers. Les conflits extérieurs se menaient entre pays protestants, l’Angleterre, les Pays-Bas, et les nations catholiques, France, Espagne. La révolution de 1640 mit aux prises des protestants contre une monarchie papiste. Guillaume d’Orange vint rétablir l’ordre protestant.



Les catholiques furent exclus de la citoyenneté. Ni le droit de vote, ni le droit de se présenter aux élections. Ni d’accéder à des fonctions d’état.



Les pamphlets, les discours, les sermons anticatholiques se multipliaient. Ils appartiennent à une religion qui ne reconnait pas le système politique du pays. Une religion qui leur interdit toute assimilation, toute appartenance à la citoyenneté. Ils apportent leur allégeance à des autorités étrangères et en cas de conflit, ils seraient une cinquième colonne. Leur religion leur interdit toute limitation des naissances et les familles nombreuses vont bientôt submerger les familles de souche. Ils massacrent ceux qui n’appartiennent pas à leur religion là où ils sont au pouvoir.  L’Inquisition et la Saint-Barthélemy étaient invoquées comme preuves.



La religion les rendait étrangers dans les pays où ils étaient nés. Pour l’éternité.



            Ainsi les protestants des Îles Britanniques au 18ème et 19ème siècle parlaient des catholiques, étrangers par leur religion. Ils ne pouvaient s’assimiler que s’ils renonçaient à leur religion, s’ils renonçaient à considérer le pape comme l’autorité suprême. Ils devaient accepter que le protestantisme était religion d’état et le monarque chef de l’église établie.



            Beaucoup se convertirent, mais on leur rappelait leur origine. Comme les marranes. Juif un jour juif toujours. Catholique un jour, catholique toujours. Musulman un jour, musulman toujours.



C’était un vocabulaire de guerre civile.  Les guerres civiles suivaient les discours et les discours suivaient les guerres civiles.



Il a fallu beaucoup de morts pour que le Royaume-Uni devienne pluriel, accepte et intègre les citoyens de toutes religions. Pour que la République d’Irlande devienne un pays laïc où protestants et catholiques vivent paisiblement côte à côte.



            Il fallut du sang et des morts.



            Les sergents-recruteurs de ces guerres se nomment Sabino Arana, Edouard Drumont, Ian Paisley, Eric Zemmour.

silence de cimetière


Si des élus La République en Marche, LR, UDI, Modem, disaient ceci : « du conflit avec Daech, il ne reste plus que les djihadistes emprisonnés ». Sans un mot pour leurs victimes.



Les réactions de l’opinion seraient explosives.





Si des élus LR, UDI, Modem, La République en Marche, disaient ceci : du conflit nord-irlandais, il ne reste plus que des terroristes emprisonnés. Sans un mot pour les 3500 morts.



Ça ferait du foin en Irlande.



Si des élus LR, UDI, Modem, disaient ceci : du conflit corse, il ne reste plus que Colonna emprisonné, sans un mot pour la veuve du Préfet Erignac,



Ça gronderait dans les couloirs de l’Assemblée.







Au Pays Basque français, Vincent Bru (MODEM), Max Brisson (LR), Jean-René Etchegaray (UDI), déclarent que les seules conséquences qui restent du « conflit basque » sont les prisonniers condamnés pour terrorisme,  sans un mot pour leurs victimes.



Un silence de cimetière accueille ces déclarations.





Vous pouvez contribuer à effacer cette honte. Partagez cette information. Cliquez sur ce texte. Exprimez-vous. Commentez. Le Pays Basque français ne peut pas rester le seul endroit de France où l’on demande la libération de terroristes sans un mot de compassion pour leurs victimes.

samedi 5 octobre 2019

idiots inutiles


Un groupe de blanchisseurs (Anaiz Funosas, de Bake Bidea, Jean-René Etchegaray, (UDI), Michel Berhocoirigoin,  (artisans de la paix), Michel Tubiana, Serge Porteli, Vincent Bru ( député Modem) et Max Brisson (sénateur LR) cherchent des solutions pour « que la prison ne soit plus une réalité en temps de paix et que s’ouvrent de nouvelles perspectives de sorties, dans un cadre juridique nouveau ». Il faut « résoudre les conséquences du conflit basque ». (Media bask 5/10/2019).



Si les mots ont un sens, ce groupe de blanchisseurs demande la libération des prisonniers. (« Que la prison ne soit plus une réalité en temps de paix).



Des victimes d’ETA, pas un mot. Les victimes ne font pas partie des « conséquences du conflit basque ». Les morts sont dans les cimetières, les familles pleurent. Les blanchisseurs leur demandent de pleurer moins fort.



Alors, puisque ce puissant collectif réfléchit à la libération des prisonniers basques, voici quelques pistes.



Que ce groupe s’adresse aux prisonniers pour leur demander de se repentir,  de s’engager à ne plus recourir à la violence armée. C’est ainsi que des centaines de prisonniers basques ont été amnistiés et libérés.



Que ce groupe demande aux séparatistes basques de ne plus organiser de fêtes à la sortie de prison des terroristes. Des familles de victimes se sont senties insultées par ces agapes.



Que ce groupe rencontre les associations de victimes du terrorisme pour leur discuter avec elles les conditions pour amnistier, rapprocher, libérer.



Autrement, je ne vois pas bien à quoi sert cette délégation. Leurs interventions, leurs manifestations, n’ont servi jusqu’ici qu’à prolonger les détentions.



Les patriotes séparatistes ont besoin des blanchisseurs pour maintenir en prison des prisonniers, parce que ces prisonniers sont le seul succès de leur combat. Ils n’ont rien obtenu d’autre que de massacrer 859 Basques et de saccager la vie de milliers de jeunes Basques. La prison est leur seul succès d’autant plus précieux qu’il est unique.



Dans cette opération d’une grande cruauté à l’égard des prisonniers,  les députés du Pays Basque français jouent le rôle d’idiots utiles. Ça ne veut pas dire qu’ils sont idiots, ou qu’ils sont utiles, parce qu’ils ne sont pas idiots et qu’ils sont parfaitement inutiles. C’est une expression politique qui caractérise des sympathies ou des soutiens à l’égard de mouvements radicaux ou révolutionnaires.

vendredi 4 octobre 2019

un jour je me tairai


4 oct. 2019



A la sortie d’un film présenté dans le cadre du festival latino, sur le parvis de la Gare du Midi, une vingtaine de patriotes ensanglantés portent des banderoles réclamant la libération de « prisonniers politiques ». Ces prisonniers politiques sont des assassins de l’ETA condamnés pour activités terroristes en bande armée. Et cette vingtaine de militants éclaboussés du sang de leurs amis les nomment prisonniers politiques.



Grâce aux documents fournis par Edouard Philippe,  d’autres assassins de l’ETA ont été ou seront arrêtés et punis. Nous vivons dans un état de droit où tuer un conseiller municipal ou abattre un responsable politique n’est pas « un acte politique » mais un assassinat. Nous vivons dans un état de droit où des militants, dont la moitié vient d’Espagne, ont le droit de nommer des assassins emprisonnés « prisonniers politiques ». Ces assassins, quand on n’était pas d’accord avec eux, vous tiraient une balle dans la nuque. Une balle politique.



Comme nous vivons dans un état de droit, c’est sans aucune appréhension que je laisse libre cours à ma colère. Je me dirige vers ces militants dégoulinant du sang de Yoyès et de Blanco, du sang des enfants assassinés à Saragosse, et je leur crie : ce ne sont pas prisonniers politiques, ce sont des assassins.



Et je répète « ce ne sont pas des prisonniers politiques, ce sont des assassins ». Et je le crie, à ces manifestants rouges du sang des morts victimes de l’ETA. Une pancarte porte l’inscription « trente ans ». Et je demande, combien de temps les victimes vont-elles passer dans les cimetières ?



Ils m’insultent, ils chantent des chants  patriotiques pour couvrir ma voix, des chants de guerre, des chants de massacres, des hymnes à la mort et je crie « ce ne sont pas des prisonniers politiques ce sont des assassins ».



Vous voudrez bien m’excuser, mes amis, pourquoi te mets-tu dans cet état-là ? Tu vas avoir une crise cardiaque. Vous me demandez de me calmer. Je ne peux pas. J’ai connu dans ma longue vie militante de vrais prisonniers politiques, des historiens tchèques, des poètes russes, des chanteurs lituaniens, des écrivains algériens. Ils étaient en prison pour des mots, des chants, des poèmes, des livres. Et voilà que de misérables blanchisseurs trouvent le même nom de « prisonniers politiques » des tueurs de pensée, des tueurs de chanteurs, des tueurs d’écrivains. Alors chaque fois, je m’approche et je crie « ce ne sont pas des prisonniers politqiues, ce sont des assassins ».



Un jour, je suis certain, je verrai ces manifestations et je ne m’approcherai pas pour protester. Un jour je me tairai. Un jour très éloigné.

jeudi 3 octobre 2019

coopération


Sud-Ouest 03/10/2019



En octobre 2000, un fonctionnaire espagnol est assassiné par l’explosion d’une voiture piégée. 19 ans plus tard, les auteurs de cet assassinat ont été condamnés à 33 ans de prison, grâce aux documents remis par Edouard Philippe à Pedro Sanchez en février 2018.



            Pendant que les Artisans de la Paix négociaient avec ETA la dissimulation des preuves de ses crimes, la police française découvrait d’autres armes et des tonnes de documents qui vont permettre d’élucider une partie des meurtres non punis.



Jean-René Etchegaray se prépare à déclarer que ce jugement est un coup porté au processus de paix. Vincent Bru va trouver l’assassin « korrect » après une visite dans sa cellule. Michel Veunac pense qu’il y a des victimes des deux côtés. Guy Lafite et Loïc Corrégé sont restés prudemment silencieux.



L’Observatoire du Pays Basque salue l’efficacité de la coopération entre police française et police espagnole dans la lutte contre le terrorisme.