mardi 7 juillet 2020

entre soi


Remaniement.  

Impression bizarre. Les enfants de la comtesse de Ségur jouent dans la cour du château avec les petits-enfants du comte Rostropovitch et ils échangent les rôles. Toi qui crie si fort pour défendre les puissants, on te verrait bien à la justice. Toi qui passe des soirées désopilantes avec des potes à faire de jeux de mots, on te verrait bien à la culture. Et ainsi de suite. À l’heure du goûter, les enfants des paysans et des ouvriers agricoles viennent apporter le chocolat fumant et ramassent les miettes.  

Je ne suis pas révolutionnaire. Je ne souhaite pas que par un coup de baguette tragique les entrepreneurs, les financiers disparaissent et soient remplacés par des gueux. Je sais ce que ça donne. Mais à ce point l’entre soi, c’est un peu exagéré. Pour se diriger vers l’égalité h/femmes, il vaut mieux donner des responsabilités à des femmes. Autant qu’à des hommes. Ça ne se discute plus. Pour se diriger vers plus de justice sociale, il vaudrait mieux que soient représentés dans les organismes de direction quelques ouvriers, quelques militants syndicaux, quelques militants associatifs. Or, ceux-là, on ne les voit qu’en face. En face dans les tables de négociations ou dans les manifestations. Et pourquoi pas Laurent Berger comme ministre du travail ? Pourquoi pas Bernard Gibault comme ministre de la formation ?  Personne ne s’étonne qu’un médecin devienne ministre de la santé. Une infirmière à ce poste serait surprenante. Les responsables du système éducatif sont très majoritairement passés par les filières les plus sélectives. Et si un prof de collège connu pour son succès dans la promotion des plus démunis devenait ministre de l’éducation ?

Entendez-moi bien. Je ne souhaite pas la disparition du paysage politique de tous ceux qui occupent actuellement le devant de la scène. Mais les cris d’étonnement qui accueillent l’intronisation d’un avocat à la justice, et d’une mélomane à la culture pouvaient s’accompagner de stupéfactions devant l’arrivée au plus haut sommet de gens qui ne sont pas du sérail, je suis persuadé que ça changerait la donne politique.

jeudi 2 juillet 2020

une haine chasse l'autre


Quand le suffrage était censitaire, le seigneur du village était élu député dès sa naissance.  Les élections se démocratisèrent, le suffrage devint universel, et le seigneur du village dut mener campagne, visiter les fermes, offrir l’apéritif aux ouvriers, embrasser le dernier-né.  Né au bon endroit, dans la bonne famille, il pouvait malgré tout être assuré de remplacer son père au Parlement.

Elle aussi. La famille Arosteguy a franchi un parcours sans faute. Un ancêtre, Felix Arosteguy actif dans les milieux du chant et de la danse basques, dirigeant d’Oldarra. Les descendants étaient Ours blancs, surfeurs, dirigeaient une épicerie fine de renommée internationale.

Maïder Arosteguy, héritière, chants basques, danses, surfs, ajouta le rugby à l’écusson familial. Elle croise sur son chemin la famille Gave, une famille tellement à droite que même Nicolas Dupont d’Aignan n’en voulut pas sur sa liste. Elle trouve les nouveaux propriétaires du club, effectivement un peu « rugueux », mais avec un sens aigu de la communication, elle déclare qu’ils n’ont quand même construit des camps de concentration nazis. Sa déclaration fait scandale. Elle présente ses excuses auprès d’une communauté juive. Elle explique qu’elle aime bien les Juifs. Ceux qu’elle n’aime pas ce sont les musulmans. Elle voit nos plages envahies par des surfeuses voilées. M. Pinatel, un soutien actif, demande au Biarrots d’aller voter pour nous protéger contre les « forces qui veulent nous imposer un régime dans lequel le Coran se le seule source du droit ».
Les choses sont ainsi claires : La preuve que notre nouvelle maire aime les Juifs c’est qu’elle déteste les Musulmans.

Elle a été largement élue. Les électeurs savaient tout ça. Elle est rugueuse, mais quand même elle n’a pas prévu d’interdire le voile dans l’espace public.

jeudi 25 juin 2020

malgré tout


Pas la peine de jouer les fiers à bras. L’âge, la maladie, la fatigue, les cures, les médicaments, gagnent du terrain et rognent mes espaces de liberté. Rester assis pour taper sur un clavier devient une épreuve. À la médiathèque, me sont désormais interdits les deux rayons inférieurs, les livres d’un poids supérieurs à un livre de poche m’arrachent les bras. Je dois recourir davantage aux services de ma compagne pour mettre le nez dehors. Donc pourquoi, à quoi bon ? Que reste-t-il qui vaille la peine ? La plus belle des compagnies dont je ne me lasse jamais et dont chaque instant de présence et d’échange suffit à répondre à la question. Puis des coups de fil, mais bon sang qu’ils sont lointains et comme ils s’éloignent. Une psychologue qui me demande comment je vais et que voulez-vous que je lui dise, elle sait mieux que moi comment je vais. Des amis des relations des contacts, des projets, des conversations, un virus qui va qui vient, des conversations de clubs. Ces dix lignes que j’envoie comme une lettre électronique à combien de personnes ? Les repas, un film à la télé, un verre de vin avec des amis et je me rends compte en faisant cette liste que chaque minutes qui passe est un délice renouvelé. Plus l’espace se restreint, plus il est précieux.

mardi 23 juin 2020

trois jours


24/06/2020

Le deuxième tour sera dimanche prochain. Quels gestes, quels paroles, pourront éviter à la ville de Biarritz de sombrer dans le cloaque d’extrême-droite ? Bon, son langage est un peu rude, mais elle n’a pas la construction de camps de rétention pour les femmes voilées et leurs enfants dans son programme municipal. Tous les jours la candidate LR répète qu’elle est au centre. D’ailleurs, le RN vote Maïder Arosteguy parce qu’il est au centre aussi. Et si vous aviez vu la candidate LR se démener dans les lieux d’accueil pour migrants à Hendaye et à Bayonne, distribuer des repas, chercher des abris… Vous ne l’avez pas vue ? Vous avez mal cherché.

Il reste mercredi  jeudi vendredi. J’ai épuisé tous mes arguments. Si vous en voyez d’autres, envoyez-les-moi et je les partagerai.

inquiétudes

Ils se sont préparés par de multiples exercices qui assouplissent l’échine. Le plus dur fut de faire taire J.B. Aldigé pendant aussi longtemps. Il a rongé son frein. Sois patient, les clés de la ville t‘attendent. L’hôtel du Palais donne une assez bonne image de ce que sera la ville de Biarritz après quelques années de pouvoir LR extrême droite. Un bâtiment prétentieux en chantier. Mgr Aillet a compris lui aussi la prudence. Il faut encore attendre pour demander l’interdiction des manifestations pour la PMA, l’IVG, l’égalité pour tous. Les entrepreneurs tracent leurs plans et surtout pas de logements sociaux. Toutes les forces réactionnaires, rétrogrades, qui ne veulent pas voir la misère, tous ceux qui n’en peuvent plus de subir une société ouverte, solidaire, tous ceux qui se cassent les dents sur les villes de la côte, ces villes qui ont en commun  de respirer ensemble l’air de la modernité et de la solidarité, vont enfin introduire leurs valeurs, s’inviteront entre Béziers, Fréjus, Hénin-Beaumont pour chanter ensemble les airs du folklore moisi, viens poupoule viens poupoule viens.

 

Bien sûr, nous serons partiellement protégés par la communauté d’agglo et par les représentants de l’Etat. Mais quand même, entre les bons Français qui n’ont pas construit les camps, l’interdiction aux femmes voilées d’accompagner les enfants en sortie scolaire et les plaisanteries sur l’homosexualité, conservez vos masques car l’air sera fétide.


jeudi 18 juin 2020

luttes


Soyons pompeux. Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent. J’ai lutté pendant la seconde guerre mondiale pour survivre. J’ai ensuite lutté pour un système de destruction des peuples qu’on appelait alors communisme. Je pourrais me justifier en disant que dans le même courant, je luttais contre l’intervention impérialiste au Vietnam, puis contre la guerre d’Algérie. Ne mégotons pas : il y avait beaucoup de militants contre l’impérialisme français et américain qui n’étaient pas communistes. Et qui luttaient aussi contre l’impérialisme russe. Puis j’ai lutté contre le dogmatisme du PCF et contribué ainsi à son affaiblissement. En conséquence, j’ai contribué à la victoire de François Mitterrand. Puis j’ai lutté au sein du PS contre la honte de tant de militants de ne pas être révolutionnaires, juste réformistes. Puis j’ai lutté contre d’avant-garde léniniste qui ont nourri les mouvements terroristes nord-irlandais et basques et contribué à leur défaite militaire, idéologique et politique. Je continue à lutter au Pays Basque français contre le joueur de flûte de Hamelin qui   confondait les rats et les enfants.

            Je constate avec le temps qui passe que les mouvements dans lesquels je m’inscris se rétrécissent et que les mouvements qui me sont étrangers occupent l’espace médiatique. Je m’étais inscrit dans La République en Marche  qui se révèle un salmigondis sans principe. Des élus font appel à des ministres du même gouvernement pour mener campagne dans des listes opposées. Il ne reste plus que des listes de droite, ou de centre droit, ou des alliances écolo plus insoumis plus abertzale. Cet éparpillement donne toute ses chances à une liste LR au garde à  vous devant les forces de l’argent et les idées RN. Nous ne sommes pas très nombreux à dénoncer ce danger mortel qui va transformer une ville ouverte et solidaire en ville fermée et égoïste.



            Faisons confiance malgré tout. Même si la famille Gave et J.B. Aldigé accèdent à la mairie par leur représentante Maïder Arosteguy, rien n’empêchera de lutte contre une dérive annoncée.

dimanche 14 juin 2020

harmonie


Pour une personne qui a passé sa vie à intervenir dans les débats publics par la parole et par l’écrit, par les usures des semelles plus rapides que le lustrage des pavés, par les montées des étages pour expliquer à ceux qui acceptaient d’ouvrir leur porte, par des réunions sans fin du temps où la cigarette était permise, par des articles et par des livres, par des soirées entre amis et en famille où mes convictions chassaient les opinions plus molles, pour cette personne-là, ce qui se rapprochait du bonheur était l’harmonie entre les aventures individuelles, familiales, enfants parents, clinique d’accouchement dont la douleur était réduite grâce aux méthodes importées du pays du socialisme réellement existant, vous vous rendez compte, le bonheur d’une naissance braillarde d’un petit être destiné à reprendre le flambeau des luttes qui prouvait par son arrivée que la mère poussait et soufflait et ne hurlait pas comme dans les temps anciens où le capitalisme torturait les parturientes.



            Le bonheur ou ce qui s’en rapprochait était donc l’harmonie entre votre histoire individuelle et la situation du monde. Donc, en ce moment précis où je vous parle, je constate cette harmonie et je suis heureux. Des aortes rétrécies et la victoire de Donald Trump, un cancer du poumon et le Brexit, une immense lassitude et le Brésil en décrépitude. Un monde malade et une évolution politique virale. Tout contribue à tracer un tableau harmonieux, à conduire à l’extase de l’homogène, au bonheur du même. Sans même parler du monde, parce que si l’on inclut dans cette réflexion la Chine et la Russie, l’Inde et le Moyen Orient, il me faudrait ajouter le diabète, le lupus, les plaquettes et la goutte.



            La même harmonie règne en France où chaque intervention du président que j’ai élu augmente les tourments médicaux, à moins que ce soit l’inverse, c’est pour se trouver en phase avec mon état général qu’il gazouille avec Philippe de Villiers, Bigard et Eric Zemmour,  qu’il accuse les universitaires  d’être des intellectuels et les intellectuels d’être des universitaires.



            Sans compter la situation à Biarritz où gauche, écolos, n’ont pas voulu fusionner avec le centre, ouvrant ainsi la mairie d’une ville plutôt centre gauche à une liste LR tendance droite de Wauquiez tellement droite que le RN renonce à se présenter, s’estimant autant représenté que par Rachida Dati à Paris.  



            Je suis donc heureux. Mon état de santé correspond à la situation politique, mondiale, nationale et locale.

vendredi 12 juin 2020

bilinguisme


Jean Esterle, nouveau conseiller municipal à Biarritz, est intervenu en basque lors du conseil du 11 juin. C’est bien. Dans les conseils du Pays Basque français, la langue basque est permise (il faut  traduire évidemment). Dans les municipalités où EH Baï (le parti de Jean Esterle), il arrive que le français ou l’espagnol soit interdits. Voici ce qui nous sépare. Sa présence dans la liste Baruch montre que son chef de file est prêt à surfer dans toutes les piscines.



En tout cas, à la fin d’une discussion, c’est en français qu’il m’a dit « « retourne à Paris connard ! J’oubliais : est-ce que je vous ai dit qu’il est dans la liste Baruch ?

lundi 1 juin 2020

petits marquis


À Biarritz, la bataille des municipales paraît pliée. Comme les candidats anti-Maider n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour le second tour, Maider Arosteguy, LR de droite, va se trouver à la tête d’une ville qui est plutôt centre gauche, par sa population, par ses convictions. On disait ça aussi de la population des États-Unis et ce n’était pas faux puisque Donald Trump a été élu avec trois millions de voix de moins qu’Hillary Clinton. J’avais l’impression aussi que le Royaume-Uni était terre de modération et puis voilà qu’il est gouverné à coups d’éructations d’un nouveau membre du club BJT. Si l’on ajoute Modi en Inde, Poutine en Russie, Orban pour la Hongrie, on a le droit d’être attiré par le destin de Walter Benjamin et de Stefan Zweig, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Consterné par le spectacle du monde, ils ont préféré disparaître. Si l’on ajoute à cette liste L’étrange défaite de March Bloch, il y a de quoi être attiré par des décisions irréversibles.



            Rassurez-vous. Je reste. D’abord parce que Zweig et Benjamin laissaient en héritage une œuvre durable. Soyons lucide. Ce n’est pas mon cas. Si je disparais, les quelques milliers de pages imprimées que j’ai pu signer disparaîtront avec moi. Une disparition volontaire ne les transformera pas en œuvre respectable. D’autre part, le calendrier et les aléas de santé remplacent de manière plus confortable une mort volontaire. De manière plus confortable et aussi plus modeste. L’euthanasie me semble un faire-part grandiloquent, l’annonce bruyante d’une fin universelle et annoncée alors que chacune de ses victimes ne joue qu’un rôle infime dans cet effacement.



            Je vais donc continuer à vivre, c'est à dire à lutter contre tout ce qui abîme les hommes. Les injustices, les inégalités, les racismes, les exclusions, les égoïsmes. La victoire électorale d’une droite extrême dans une ville paisible ne va pas supprimer les raisons de se battre,  bien au contraire. Au conseil municipal, dans les réunions de quartier, dans les rencontres mensuelles, il me suffira de me lever, sans dire un mot, et d’un seul coup, d’un seul, resurgiront les camps de Buchenwald et d’Auschwitz, les éructations d’Eric Zemmour, les asiles des pauvres, les interdictions de la mendicité, les exclusions des journalistes, 

J.B. Aldigé est un foutriquet dans la tradition des petits marquis qui irritaient tant  le Misanthrope. La soumission a un prix : Maïder Arosteguy va être contrainte de trouver ses poèmes exquis.

dimanche 31 mai 2020

il reste deux jours


Il reste deux jours.





Elle est proche d’Éric Zemmour et de sa peur du grand remplacement. Son mentor Max Brisson veut interdire aux femmes voilées d’accompagner les enfants pour les sorties scolaires. Elle va transformer la ville. Il y aura les étrangers, les pas d’ici, et les vrais, les authentiques Biarrots, ceux qui n’ont jamais construit de camps de concentrations, les journalistes vraiment Biarrots qui écriront sous la dictée de J.B. Aldigé. Pour la majorité de la population, rien ne changera. Sauf que ceux qui ne sont pas d’ici se sentiront encore moins d’ici.

En Italie, les démocrates furent incapables de s’unir et Mussolini marcha victorieusement vers Rome. En Espagne, les divisions entre les forces républicaines permirent la victoire de Franco. En France, un puissant mouvement fasciste fut stoppé par le rassemblement des radicaux, des socialistes et des communistes qui réussirent à surmonter leurs différences.

Le passé nous livre ainsi sa leçon.  Le fascisme ou l’extrême-droite l’emportent là où les démocrates sont divisés.

Maider Arosteguy n’est pas fasciste, elle est d’extrême-droite. Elle a introduit dans la vie politique biarrote les poisons du racisme, le révisionnisme sur les crimes nazis, l’encouragement au mépris des élus (qu’ils ferment leur gueule), de graves atteintes à la liberté de la presse.

L’extrême-droite est en ordre de marche. Soutenue par les puissances d’argent, elle marche d’un seul pas. En face, les démocrates pourraient obtenir la majorité s’ils s’unissaient. Mais ils trouvent plus important de se disputer les places plutôt que de sauver le cœur de leur ville.

Demain, la famille Gave pourra diriger l’urbanisme de Biarritz avec l’aide soumise d’une majorité conservatrice. Elle pourra interdire la mendicité, repousser les points d’accueil de la misère loin de la vue des touristes. Les immeubles de rapport passeront avant les logements sociaux qui sont souvent occupés par des gens pas d’ici.

Guillaume Baruch a d’autres priorités que l’avenir démocratique de la ville. Il est préoccupé par la place qu’occuperont ses amis dans l’opposition. Les abertzale semblent préférer une ville d’extrême droite plutôt qu’une entente républicaine. Les élus de la majorité sortante pourraient dire un mot pour éviter la droite extrême. Ils se taisent.
 Tant que la bataille n’est pas terminée, elle n’est pas perdue. Il reste encore deux jours.

vendredi 29 mai 2020

une vraie basque


Je reprochais à la candidate LR sa soumission au désidérata  de JB Aldigé. . Elle me répond : « Cher Maurice s’il est un homme auquel j’ai pu me soumettre, il s’appelle papa. C’est méconnaître le caractère des femmes basques ». Et elle ajoute : le « temps n’est-il pas à l’apaisement et au dialogue ?



Chère Maïder, si vous souhaitez revenir à l’apaisement et au dialogue, il faudrait vous demander qui a déchaîné l’orage. Vous avez oublié, « ils sont rugueux, mais ils n’ont quand même construit Buchenwald et Auschwitz » ? Cette phrase est inscrite sur votre campagne électorale et je sais comme il est douloureux d’effacer un tatouage. Mais c’est à vous de le faire. Autrement qu’en déposant une main courante au commissariat contre un citoyen juif de Biarritz qui s’était senti profondément blessé. Est-ce votre manière d’apaiser et de dialoguer ?

Après avoir introduit des virus identitaires dans une ville paisible, vous continuez. Vous parlez du « caractère des femmes basques » qui ne se soumettent qu’à leur papa. Ainsi les conseillères qui ont voté contre un blanc-seing à JB. Aldigé ne sont pas vraiment basques, parce qu’elles ont refusé de se soumettre à leur papa du BO. Extraordinaire. Encore une fois, cette confusion mortelle entre identité et politique. Yoyès, vous connaissez ? Elle a refusé d’obéir à papa et a été mortellement punie, après une campagne où à l’accusait de pas être une vraie basque. Vous vous vous êtes prêtée à la même campagne contre Nathalie Motsch, une campagne honteuse : « elle n’est pas vraiment d’ici ». Vous, vous êtes une vraie basque. Quand Aldigé traite les journalistes de policiers Stasi, une  vraie basque ne réagit pas, ou si peu. Quand il choisit les journalistes, une vraie basque ne réagit pas. Puisque papa l’a décidé. Vous vous rappelez sans doute la répugnante campagne de Trump mettant en doute la nationalité de Barak Obama ? Je n’aurais pas cru que cette horreur aurait débordé jusqu’ici.

Je ne connais pas « les femmes basques ». Je connais des femmes qui vivent au Pays Basque dans une grande diversité d’opinion. Je ne savais pas  qu’une femme basque est une femme qui obéit à son papa. On dit ça des femmes musulmanes (une vraie musulmane ne met jamais en question l’autorité paternelle. Pas plus qu’une vraie Juive. Vous reprenez ces vieilles lunes et du coup, on comprend mieux tous vos dérapages. Une basque voilée n’est pas une vraie  basque avez-vous déclaré dans un souci d’apaisement et de dialogue.
Il voudra beaucoup d’effort pour retrouver apaisement et dialogue. Je ne suis  pas certain que vous voyez sur la bonne piste.

je ne veux pas les voir


Richard Tardits, candidat sur la liste  de Maïder Arosteguy,  se plaint du nombre de sans-abris qui font la manche dans les rues de Biarritz. Ces complaintes sont dans la droite ligne des réactions conservatrices face à la pauvreté. On ne peut pas exterminer les pauvres, mais Richard Tardits et Maïder Arosteguy veulent les rendre invisibles. Surtout qu’une partie ne sont même pas français.

Pour aider nos candidats cetnristes dans leur recherche d’extinction du paupérisme, voici quelques suggestions. En Angleterre industrielle, les vagabonds étaient enfermés dans des asiles de pauvres et utilisés comme main-d’œuvre bon marché.

Pour repousser ces vagabonds, éloigner le plus possible les lieux où ils peuvent être accueillis. Les renvoyer là où ils sont nés.

Regrouper les pauvres qui vivent en ghetto (Irlandais, Juifs, Tsiganes ; Ouigours…) dans des camps de concentration.

Recouvrir de matière fécale les serrures de ces lieux d’accueil.

L’Abbé Pierre, Sœur Theresa, des milliers de bénévoles cherchent à aider les accidentés de la vie. Richard Tardits veut les rendre invisibles. Maider Arosteguy qui est centriste parmi les centristes  l’a intégré dans son équipe.

mercredi 27 mai 2020

dolo thérapie


Tant que la passion politique l’emporte sur les métastases, la vie vaut la peine d’être vécue. La maladie l’emporte quand elle efface les indignations, les colères. De tous mes poumons, de tout mon cœur, de toute ma colonne vertébrale, je remercie Maïder Arosteguy d’avoir introduit dans la campagne municipale de Biarritz des fureurs bienfaisantes. Plus que l’immunothérapie, ce projet de non-construction de Buchenwald et d’Auschwitz à Aguilera chasse l’intolérable douleur vertébrale. Plus que les bétabloquants, la reprise des thèses du RN sur la menace du grand remplacement quand elle a repéré dans un village basque des voiles qui n’étaient pas des bérets basques a provoqué une furie qui valait trois boîtes de doliprane. La comparaison de journalistes qui faisaient leur métier à des agents de la Stasi par J.B. Aldigé vaut plusieurs grammes de morphine. Les remarques homophobes de son agent électoral – le même Aldigé- ont apaisé les intolérables frissons.

L’avenir s’éclaire. Si elle devient maire, une nouvelle activité s’ouvrira à Biarritz : un centre de dolo thérapie pour militants à la recherche de cures d’indignations.

la honte


Quand Le Pen est arrivé second aux élections présidentielles de 1995, j’étais universitaire, je me déplaçais à l’étranger et chaque fois on m’interrogeait. Comment était-ce possible ? C’était possible. J’avais honte. La France des droits de l’homme… Et puis il y eut l’Autriche, la Ligue du Nord en Italie, des néo-nazis en Allemagne. Et puis Donald Trump aux États-Unis, Bolsonaro au Brésil, Boris Johnson et le Brexit et Salvini, sans oublier Poutine et Orban. Fier de la victoire d’Emmanuel Macron, j’écoutais avec un regrettable esprit de revanche mes amis d’antan avoir honte à leur tour.

Politiquement, j’étais assez fier de raconter à ces mêmes amis l’alliance républicaine à Biarritz, une alliance entre gauche réformiste, droite républicaine, patriotes modérés. Pas beaucoup de villes où un rassemblent nécessaire, urgent, se mettait en place de cette manière. Pour des raisons qui ne sont pas politiques, cette alliance s’est disloquée et au premier tour des élections municipales se retrouve en tête une candidate extrême droite, qui parle comme Salvini, agit comme Donald Trump, regrette telle ou telle déclaration tant qu’elle n’est pas encore au pouvoir et insultera les valeurs républicaines si elle gagne les élections. Ce sera à mon tour d’avoir honte.

Dans une société démocratique, les responsables sont élus. Ni Trump, ni Bolsonaro, ni Johnson ne sont arrivés au pouvoir par un coup d’état, mais par des élections. Si demain, Maïder Arosteguy devient maire de Biarritz, ce ne sera pas un coup d’état, mais la décision des électeurs : leur vote, leur abstention, leurs paroles ou leurs silences. Si demain, Maïder Arosteguy gouverne grâce à une alliance entre J.B. Aldigé, plus celui qui n’accorde la citoyenneté qu’aux « gens d’ici », plus l’appui silencieux du RN, ce ne sera pas un coup d’état, ce sera le résultat d’élections.

Encore une fois, j’aurais honte. Les journalistes traités de flics, un terrain de sport associé à un camp de concentration, des plaisanteries homophobes.

J’aurais honte. Mais un moment de honte est vite passé. Il risque de durer six ans. Pas plus.

mardi 26 mai 2020

mieux avant


Vélo le long de la Marne jusqu’à Champigny, puis descente vers les guinguettes.

Des tables rondes, une bouteille de vin blanc, l’orchestre de trois ou quatre musiciens, accordéon, violon, batterie, piano. Ça commence par un paso, puis une valse, puis un tango, puis des rumbas. Encore une bouteille de vin blanc, on remonte vers la piste cyclable jusqu’à la Seine et parfois ça se termine au restaurant. Cela se pratiquait vers la quarantaine. En hiver, il y avait le bal à Jo dans une atmosphère plus feutrée. Rue de Lappe, près de la Place de la Bastille.



            Vas-tu remonter vers ton adolescence, vers les boums du lycée, vers les premiers baisers derrière un buisson ? Pour se plaindre d’une descente aux enfers ? C’était mieux avant ? Bien sûr c’était mieux avant. Quarante ans de moins…



            C’était mieux avant. Nous avions des certitudes, nous avions raison et dans les discussions politiques à table, au café, à l’université, nous étions tellement certains d’avoir raison que nous parlions doucement, le zéphyr des arguments gonflait les voiles de nos passions. Nous marchions dans les rues en regardant de haut ceux qui ne partageaient pas encore nos convictions, mais il suffisait d’attendre, les faits, l’histoire, nous donneraient raison.



            C’était mieux avant, il suffit d’oublier et d’effacer ce qui n’allait pas très bien, les ambitions déçues, les rendez-vous ratés, les coups de fouet du destin.



            Nous imaginions la vie comme un mince filet d’eau qui prenant son élan, s’enflait en descendant la pente, et il n’y avait aucune raison pour que la pente se redresse, la source devenait ru, le ru rivière, la rivière affluent, l’affluent une cascade et chaque fois plus violent, plus houleux. Nous étions irrésistibles. Nous allions vers le bonheur comme l’eau va vers la mer. Ami si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place.



Rien ne ralentissait nos ardeurs, quand le flot se tarissait, des escouades contournaient le lac et préparaient l’avenir. La mort n’était jamais mortelle. Comme les croyants avec qui nous avions tant en commun, un avenir radieux nous était promis.



            La vie s’est chargée de redresser la pente. Les torrents sont devenus des tornades. Et d’autres courants, des tièdes, des faibles, des irrésolus, construisaient des digues, des brise-lames, des écluses, tout ce qui pouvait prévenir la tempête.



            Aujourd’hui, les croyants croient moins, les lendemains chantent faux, et la mort qui vient a les couleurs d’un ciel d’orage.



            Il faut jeter aux orties nos mensonges et nos illusions et célébrer tous les jours, du lever au coucher du soleil les actions humaines qui rendent la vie plus facile, sans prétendre les imprimer dans des prophéties.

dimanche 24 mai 2020

carpette


Quand comprendrons-nous que les « écarts de langage » de JB Aldigé ne sont pas des accidents, mais une politique ? Suivant les exemples de Trump, de Bolsonaro, de Boris Johnson, de Salvini, de Laurent Wauquiez, mensonges, insultes (Stasi, milices, menaces physiques à l’égard des élus), l’objectif est chaque fois le même : jusqu’où peut-on faire reculer la frontière de la démocratie, du débat politique légitime. Jusqu’où ? Par exemple comment peut-on déclarer « tant qu’on n’aura pas fermé la gueule de Nathalie Motsch et François Amigorena, rien n’avancera » sans qu’il y ait une immense réaction générale, J.B. Aldigé avait liberté de construire son dépôt d’ordures, d’insulter la presse et les élus. À l’époque, l’élue qui l’avait le plus encouragé à déverser ses immondices était Maïder Arosteguy : (il est rugueux, mais il n’a quand même pas construit des camps nazis…).



            Ça continue. Tout le monde condamne des propos insupportables, indigne d’un président de club, Sauf Maïder Arosteguy. Elle désapprouve. Elle ne condamne pas, elle désapprouve. Et elle a appelé J.B. Aldigé à ce sujet.



Permettez un souvenir politique. Quand L’URSS a envahi la Tchécoslovaquie en 1968, la classe politique française unanime a « condamné » cette invasion. Sauf Georges Marchais, secrétaire du PCF, qui l’a « désapprouvée ». Et comme Maïder Arosteguy aujourd’hui, il a appelé Leonid Brejnev « à ce sujet ». À l’intérieur du PCF, de nombreux militants ont demandé la « condamnation » et pas la « désapprobation ». En vain.


De tous de tous les dirigeants politiques en France, seul Georges Marchais était la carpette de Brejnev. De tous les candidats aux élections de Biarritz, la seule carpette de J.B. Aldigé est Maïder Arosteguy.

samedi 23 mai 2020

deux Biarritz


Fin juin deuxième tour des élections municipales. Le choix est entre deux Biarritz. Celui de Maïder Arosteguy qui a déjà donné les clés de la ville à J.B. Aldigé, à la famille Gave et aux actionnaires de l’hôtel du Palais. Quand J.B. Aldigé exhale son opinion droite extrême, Maïder Arosteguy commente : « il n’a quand même pas construit Buchenwald et Auschwitz. Quand des journalistes de Mediabask font leur travail de journalistes, ils sont traités d’agents de la Stasi, la police politique de la RDA, et le sourire de la candidate s’élargit. Quand la candidate LR traverse un village où vivent quelques femmes voilées, elle reprend les peurs de Zemmour sur le grand remplacement. Quand son protégé Aldigé lance des plaisanteries homophobes, elle garde un grand sourire de connivence.



Voici ce que la candidate LR a apporté avec elle dans une ville propre, solidaire, tolérante. De la boue, du racisme, de l’homophobie, des condamnations par la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme, des mis à l’encan du principal syndicat des Journalistes (le SNJ) et des Bascos qui luttent contre l’homophobie au Pays Basque. Ses prises de position ont découragé les militants lepénistes de se  présenter aux élections tant ils se sentent dépassés.



Ajoutons qu’elle porte plainte au commissariat quand un citoyen la traite d’extrême-droite.



Tout ce qui est écrit ici peut être vérifié. Rien n’est inventé.



Ses partisans minimisent, ce n’est pas grave, c’est un détail. Ils ont le droit de refuser de voir. Toutes les périodes sombres ont été précédées d’acceptations et d’aveuglement.



Permettez-moi d’être inquiet. Je ne connais aucune autre ville en France qui a importé de l’extrême-droite les thèmes les plus nauséeux. Aucune.



Cette candidate est largement en tête au premier tour. Elle est bien placée pour devenir la première magistrate de Biarritz qui a banalisé la Shoah, accueilli l’homophobie avec bienveillance, insulté les journalistes, permis en souriant qu’on insulte les élus de la République.



Il est possible d’empêcher l’irréparable, cette soirée de cauchemar où les partisans de Maïder Arosteguy se moqueront derrière les rideaux opaques d’un bistrot, des femmes voilées, de la LICRA, du SNJ, des Bascos, du Grand Rabbinat de France…



C’est possible si tous ses adversaires se rassemblent. Guillaume Barucq, Nathalie Motsch et d’autres forces peuvent, en s’unissant, conserver à Biarritz ses traditions d’ouverture, sa tolérances, ses solidarités. Le Biarritz  que nous aimons.



Chacun d’entre vous peut contribuer à cette autre voie. D’abord en reproduisant sur la toile, sur papier, dans les conversations, le portrait grandeur nature de la candidate LR. Ceux qui ne veulent pas voir resteront aveugles. Mais beaucoup ignorent l’ignominie qui peut accéder à la mairie. Faites-la connaitre.



Ensuite que chacun d’entre vous qui veut barrer la route à l’innommable fasse pression sur les  candidats en leur disant simplement : vous serez battus si vous restez divisés, mais rassemblés, vous pouvez l’emporter. Vous êtes les porteurs du deuxième Biarritz.

mercredi 20 mai 2020

une ville confinée


Vous voulez savoir de quoi Biarritz aura l’air si Maïder Arosteguy (candidate LR tendance Wauquiez) est élue maire ? Regardez autour de vous. Une ville confinée. Une maire tellement à droite qu’elle avait supprimé le clignotant gauche de sa voiture pour être certaine de ne tourner que dans la bonne direction. Une ville qui aura donné les clés aux forces de l’argent, qui confiera l’exclusivité des compte-rendus de match aux journalistes Une ville où les propriétaires du club auront le droit d’insulter les élus, « qu’ils ferment sa gueule, sinon…) de pratiquer le chantage et le racket (donnez-nous les subventions, sinon...) Une ville où l’engagement démocratique d’une entreprise se mesurera par l’assurance de ne pas avoir construit de de camps de concentrations. Une ville où les femmes voilées n’auront pas le droit d’accompagner les enfants des écoles pour les sorties scolaires. Une ville qui sonnera le tocsin si une femme voilée se promène sur la plage. Une ville où Mgr Aillet bénira des réunions pour l’interdiction de l’IVG qu’il compare à un génocide et Maïder Arosteguy dira que quand même, il n’a pas demandé la fermeture des centres de planning familial.



Une ville où les citoyens qui protesteront publiquement contre ces dérives, ces soumissions, ces banalisations du génocide, seront convoqués au commissariat pour qu’on leur demande des comptes. Une ville où les partisans de la maire pourront exprimer des opinions racistes, antisémites et xénophobes, sans provoquer de réactions.



Candidate, elle se déclare politiquement au centre et elle poursuivra en justice ceux qui la déclarent d’extrême-droite. Logiquement, le RN ne présente pas de candidats contre une personne qui a repris toute son idéologie avec enthousiasme.





Les prochaines élections à Biarritz verront s’affronter deux conceptions de la ville. Une ville ouverte sur le monde, tolérante aux différences, inventive et solidaire. La ville où nous vivons en bonne entente.



Et une ville confinée dans des prises de position conservatrices, des opinions rances, des replis d’avant-hier.



Le choix vous appartient.

lundi 18 mai 2020

les trois réveils


Certains réveils sont lourds, d’autres légers, d’autres indifférents. Si les réveils sont lourds, les mots pour les décrire seront pesants. S’ils sont légers, les mots pour les saluer seront zéphyrs. S’ils sont indifférents, les mots seront ennuyeux comme une pluie bretonne sur des lauzes endormies.



            Ce matin, je ne vais pas vous dire dans quelle catégorie fut mon réveil. Ça ne vous regarde pas. Est-ce qu’une seule personne au monde se demande le matin comment fut mon réveil ? Vous pensez vraiment qu’une seule personne, déjà préoccupée par son réveil individuel, se pose la question « comment est mon réveil ? ». Lourd, léger, indifférent ? Si personne ne se demande comment fut mon réveil, il n’en reste qu’une seule qui se pose la question parce que selon la nature du réveil, l’atmosphère du logis change, l’électricité se déplace dans l’air différemment.



            Vous pourrez objecter que si ne vivez pas seul, la nature du réveil va forcément influer sur les relations plus ou moins proches. Avec votre partenaire, naturellement « dis-donc, tu t’es réveillé léger ce matin », ou bien « tu t’es réveillé lourd ? ». Ou bien « tu n’es pas bien réveillé ». Pour votre partenaire, c’est important la nature du réveil parce qu’elle décide la qualité des relations dans l’intervalle de temps qui sépare le réveil de l’un du réveil de l’autre et en cas de confinement, cet intervalle de temps dure toute la journée. Pour les enfants, la qualité du réveil des parents est primordiale car elle déterminera la différence entre une scène de petit déjeuner d’une famille américaine habitant un bungalow dans une résidence du New Jersey où toutes les relations humaines sont lumineuses, ou bien l’horreur des relations humaines dans une banlieue de Memphis sur le modèle d’une chatte sur un toit brûlant. Le pire se trouvant dans le théâtre d’Eugene O’Neill, notamment dans long days’ journey into night.



            Je m’égare. Que vous viviez seul ou en famille, ou en couple, ou en colocation, en prison, en pensionnat, en maison de retraite, il y a un moment plus ou moins long où vous êtes seul face à votre réveil, l’estomac lourd ou le cœur léger, et ce moment-là n’est pas le même selon des ondes dont la plupart vous échappent.

dimanche 17 mai 2020

heure zero


Certains responsables politiques ou autres virologues ont furtivement envisagé de confiner une partie de la population française en fonction de l’âge. Comme les plus âgés sont les plus accueillants au virus, on ne devrait confiner qu’à partir de…Mais de quel âge ? 60 ? 70 ? 80 ? 90 ? La demande a été rapidement retirée car la population française vieillit rapidement justement parce que qu’on s’occupe peut-être un peu trop de la santé des seniors et que si l’on s’en occupait moins, il y en aurait moins. D’un autre côté, la tendance est à mesurer l’état sanitaire d’un pays à la longévité de ses citoyens. Bref, on fait le maximum pour qu’on puisse confiner le plus grand nombre  de seniors tout en regrettant leur nombre excessif. Un joli pataquès. Il y a bien sûr une solution à laquelle tout le monde pense mais personne n’ose exprimer. Livrer au Minotaure les séniors qui entrent dans la dernière année de leur vie. Très bien. Comment calculer l’année finale de la vie d’un homme ?



            La solution à cet imbroglio se trouve peut-être de l’autre côté de la chaîne. Pour que les actifs puissent aller produire, il faut que d’autres actifs prennent soin des bébés de zéro à un an. À peine ai-je écrit ces mots que je me rends compte de leur absurdité.  Un enfant de zéro an ça n’existe pas, ça ne peut pas exister. Une ceinture de zéro centimètre n’est pas une ceinture. C’est un rêve de ceinture. Vous ne pouvez pas donner zéro sou à un une personne qui fait la manche.  Avez-vous déjà entendu des parents répondre à la question « quel âge a-t-il ? « il a zéro an ». Ils s’en sortent en se réfugiant dans les mois (il a six mois), ou les semaines (il a cinq semaines), ou dans les jours (il a huit jours). Mais jamais au grand jamais vous n’entendrez des parents dire leur nouveau-né, il a zéro jour.



            Admettons que nous sautions un jour, le numéro zéro, et il vous reste sur les bras des millions marmots d’un jour à un an qui ont besoin d’attention. Ils ont besoin de nounous, de nurses. Pourquoi ne pas utiliser les seniors comme garde-bébés. Ils ne sentiraient pas relégués par leur âge alors qu’ils disposent de toutes les facultés requises pour s’occuper d’un enfant d’un jour à un an.


            La difficulté insoluble est de déterminer d’une manière qui soit tolérable par la société toute entière un bébé âgé de zéro an et de calculer d’une manière moralement  convenable la dernière année de la vie d’un homme, qu’on appellerait année terminale.

samedi 16 mai 2020

sables mouvants


Ma vie publique m’attire plus que ma vie privée. Quand se présente le choix entre la déclamation sur une estrade d’un poème engagé, sur Paris soi-même libéré, et un rendez-vous galant avec une jeune camarade de classe, j’ai toujours choisi Paris soi-même libéré dans la salle du théâtre municipal devant les élèves du lycée tous réunis, plus les élus, plus la famille. Choix s’imposant d’autant plus que la déclamation de poésies patriotiques dans les années de la libération attirait les jeunes filles comme la flamme d’une bougie les papillons de nuit. J’écrivais des poèmes dans mon cahier d’écolier mais aucun n’a provoqué des rencontres amoureuses. Il parait que des poètes se jettent sur leur plume en attendant le son du timbre à la porte d’entrée. Le taptap des talons désirés sur les pavés du jardin résonnait dans ma poitrine, mais les pages écrites finissaient dans la corbeille à papier. Il est peu probable que la recherche de l’âme sœur sculpte des chefs-d’œuvre.



            Le résultat fut un désastre. Mes recherches de liaisons amoureuses avec une âme sœur se distinguaient mal des pulsions publiques. Elles étaient guidées par des  émotions d’une grande banalité. Pour un jeune révolutionnaire, la beauté d’une star allongée sur le capot d’une Cadillac était la pire des aliénations et pourtant ne me laissait jamais indifférent.



Peu importe où vous mène le radeau,  l’essentiel du rafting est la somme des émotions que vous procurent les remous, les chutes et les cascades. Certainement pas l’aboutissement, une petite plage sans intérêt où les rafteurs déposent leur sac sans se mouiller les pieds.



            Actuellement, ma vie privée est bordée par un confinement en voie de déconfinement, par des soins médicaux et une atmosphère affective d’une douceur matelassée. Mais les excitations publiques s’enfoncent dans les marais mouvants. Il suffit de bouger un peu pour que disparaissent les grandes questions habituelles. Pour survivre, suivez les conseils de ceux qui vivent dans des régions à lises : débarrassez-vous de tous les poids inutiles, sac à dos, chaussures, mettez-vous sur le dos sans vous débattre, rapprochez-vous de la zone solide par petits mouvements. Oubliez les grandes solutions, révolutions, alliances contre nature, réformes et état-providence. Si vous rencontrez un autre promeneur, appelez-le à voix douce, ne donnez pas de signes de panique. Promettez-lui un repas au restaurant s’il part chercher une corde assez longue pour vous atteindre. Si la personne est faible, demandez-lui d’attacher la corde à un arbre ou à une souche d’arbre, ce qui vous permettra de tous tirer tout doucement hors de la lise. Si vous entendez un avion, n’agitez pas les bras pour attirer l’attention du pilote, il  ne vous verra pas et les mouvements des bras vous enfonceront davantage.

mercredi 13 mai 2020

deux biarritz.


Résumé de la situation politique à Biarritz.



Depuis les mandats de Didier Borotra, Biarritz avait pris l’heureuse habitude d’être dirigée par une coalition entre gauche réformiste, centre républicain et abertzales modérés. Cette coalition a explosé dans la mandature de Michel Veunac. Ainsi s’ouvre un boulevard pour le retour au pouvoir d’une droite extrême, soumise aux puissants, insultante aux minorités.



Ce n’est pas là procès d’intention. Maider Arosteguy, dans le sillage d’Eric Zemmour, voit quelques femmes voilées dans un village du Pays Basque et elle crie à l’invasion.  Elle accepte l’exclusion des journalistes locaux par le potentat Aldigé et banalise ses propos les plus indignes. Il veut « fermer la gueule » aux journalistes et elle se tait. Son soutien Max Brisson souhaite l’exclusion des mères d’élèves portant le voile dans les sorties scolaires. Ses déclarations lui valent condamnation de la LICRA, du Grand Rabbinat de France. Sur les grandes questions économiques, elle se range du côté des actionnaires du BO et de l’hôtel du Palais. Elle laisse ses partisans lancer d’infâmes déclarations antisémites sans réagir elle va pleurnicher au commissariat pour demander qu’on fasse taire les défenseurs des valeurs républicaines. On comprend pourquoi le RN ne présente pas de candidats contre elle. Le RN a appelé à la soutenir aux dernières élections législatives et n’a pas besoin de présenter de candidats contre elle : tous ses préjugés, ses haines et ses exclusions sont là.



Biarritz ouverte, tolérante, risque ainsi d’être abîmée pour longtemps.



En face de cette vague brune locale, les réponses sont faibles, inaudibles. Il y a une majorité possible et souhaitable pour une ville modérée, solidaire, ouverte au monde. On aimerait qu’elle rende l’alternative claire. Qu’elle rappelle les souillures qu’il faut déjà nettoyer. Qu’elle surmonte ses divisions à partir d’une conception de la ville où il y a place pour le tourisme haut de gamme et pour les aides aux plus dépourvus notamment dans le domaine du logement.  



La réponse des héritiers de Biarritz doit s’enraciner dans une conception de la ville fondée sur des valeurs républicaines, sur la tolérance, les libertés d’expression, l’acceptation des différences. Et chaque jour, tous les jours, manifester haut et fort cette vision de la ville sans se perdre dans des querelles d’épiciers.

mardi 12 mai 2020

tout ça pour moi


Bonjour les amis. Vous connaissez la nouvelle. Le confinement commence à se déconfiner. Comme un tricot que vous avez tricoté pendant des jours et des jours et tout ce travail pour le détricoter. C’est un grand jour. Pour une partie importante de la population. Les enseignants vont recommencer à enseigner, les écoliers vont recommencer à apprendre. Des adultes reprennent le chemin du bureau ou de l’atelier. Les voyageurs reprennent leur voyage. Des exilés retrouvent le chemin de leur logis dans la grande ville. Ce n’est pas rien. Des millions de remises en mouvement pour ceux qui s’étaient arrêtés. Pour tous ceux-là, le 11 mai est une date importante.



            Mais pour moi, personnellement, qu’est-ce qui change ? Les terrasses des cafés restent fermées. Les voyages familiaux resteront non pas interdits, mais exclus par la prudence plus que par les décrets. Les librairies seront ouvertes et la médiathèque juste entrouverte. Et demain, la cour de récréation retrouvera ses décibels.



            J’ai  pu me rendre dans un magasin FNAC en voiture privée. Devant la pharmacie, pas d’attente sous la pluie battante. Les rumeurs sur les élections municipales vont bon train. Juin ? Septembre ? Je ne sais pas quels sujets importants sont discutés. Ils n’apparaissent pas. Il semble qu’une conseillère municipale responsable des écoles a explosé de colère parce qu’une autre conseillère a distribué des masques alors qu’elle était candidate masquée. Je ne devrais pas me moquer ainsi. La fonction politique est une fonction noble, doublement compliquée avec le confinement qui prend fin. J’aimerais bien vous y voir, vous, sous la pluie battante.



            Parmi les sujets discutés : faut-il ouvrir les plages aux bronzeux ? Il y a accord semble-t-il pour ouvrir les plages aux sportifs : surfeux, marcheux, joggeux. Mais il faudrait les interdire aux bronzeux. Parce que les bronzeux attirent les bronzeux, qui sortent une bouteille, on se rapproche et en un instant, se crée un foyer.



            Vous rendez-vous compte que toute cette fiévreuse discussion n’a qu’un but unique ? Me protéger. Au lieu de dire merci, je me moque. Ce n’est pas bien. En effet, je fais partie de la population la plus fragilisée face au coronavirus. L’âge : bien au-delà de la soixantaine. Avec l’âge,  une bonne partie des maladies qui accompagnent le vieillissement : artères, métastases, poumons. Le tout réuni me transforme en paravirus. Heureusement, la société me protège, vous, toi, ils, nous : et ils discutent tous passionnément pour savoir comment protéger un octogénaire dont les artères se bouchent, les cellules s’enflamment,  le sang se coagule. Pour protéger ce monsieur, faut-il fermer les cinémas, interdire les plages, dissoudre les foyers sur la plage, imposer un masque, se laver les mains dix fois, vingt fois ? Et en plus, je me moquerais des discussions sans fin pour mieux me protéger ? Donc j’arrête. Je ne me moquerai plus.



Merci à vous tous de votre volonté de prolonger une vie déjà si pleine.

dimanche 10 mai 2020

mon objectif


Être en vie c’est mobiliser toutes vos facultés pour atteindre un objectif  que vous pouvez atteindre et vous seul. Si vous n’avez pas d’objectif, être en vie, c’est être mort, puisque sans objectif, la mobilisation de toutes vos facultés pour rien, est l’une des définitions de la mort.



            Personne ne dispose du droit d’introduire une hiérarchie dans ces objectifs. Ce peut-être un objectif professionnel, artistique, affectif, politique, élever des enfants ou découvrir la loi de la pesanteur. Mais objectif il faut, sans les classer en ordre d’importance, car c’est au porteur de l’objectif de déterminer son importance.



            Élever un être humain, c’est lui apprendre à distinguer parmi les myriades d’objectifs qui s’offrent à lui celui qui lui sera propre. L’objectif de l’éducation est d’apprendre à distinguer l’objectif qui sera l’objectif central. Qu’est-ce que tu fais dans vie ? Je poursuis mon objectif. Vous avez le droit de ne pas apprécier l’objectif choisi, mais si c’est son objectif, il doit le poursuivre sans dévier.



            Passons aux travaux pratiques. J’ai su très vite que je ne serai pas marathonien, ni prix Nobel de chimie. Je vous épargne la liste, sans fin, de ce que chacun d’entre nous apprend assez vite à ne pas se fixer comme objectif. Je me suis fixé un double objectif. J’ai appris assez vite que les mots pouvaient détruire ou construire, tuer ou faire naître. D’autre part, j’ai très vite été attiré par des théories qui visaient à transformer le monde. Ces théories étaient tissées de mots, d’actions spectaculaires, de sacrifices, de séductions, de renonciations. À force de chercher, à préciser mon objectif, à le peaufiner, à en nourrir mes rêves et mes cauchemars, j’ai trouvé : mon objectif est de mourir sur une barricade ou équivalent en prononçant des paroles historiques. Par exemple, « nous sommes ici par la volonté du peuple, nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes », ou bien « je suis tombé par terre, c’est la faute  à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau ».



            Se fixer un objectif ne signifie par l’atteindre. Il faut le poursuivre. Entre les mots et les actions, les rencontres sont rares. J’ai crié « tous au Palais d’Hiver », mais c’était l’été. Je détruisais les barricades quand d’autres en construisaient. J’ai enterré Staline et Maurice Thorez, usé mes semelles entre Bastille et Nation. J’ai écrit des articles et des livres qui disaient une chose et son contraire. J’ai failli me faire lyncher parce que trouvais que Margaret Thatcher avait raison de ne pas céder aux grévistes de la faim. Enfin, je me trouve confiné dans une ville touristique de 25 000 habitants où les objectifs des uns et des autres semblent engloutis dans le bal des égos.



            Est-ce que je vais renoncer pour autant à mes objectifs ? Sans objectif je suis mort. Je dois adapter mes objectifs à la dure réalité. Biarritz est une ville assez bourgeoise qui a su résister, jusqu’ici, aux pressions identitaires si fortes au Pays Basque, et aux courants extrémistes de droite qui ont un temps gouverné la ville. Et voici qu’une liste LR est conduite par une candidate plus à droite que Wauquiez, plus extrême que Ciotti, une candidate qui flirte ouvertement avec les thèses du RN. Je me suis à plusieurs reprises attaqué à cette candidate (Maïder Arosteguy), qui s’est sentie offensée et a déposé main courante au commissariat. Si vous avez retenu mes principaux objectifs, vous aurez compris que plus elle me menaçait, plus je m’approchais des objectifs que je m’étais peu à peu construit.



            Donc, mon objectif actuel est simple : empêcher Biarritz de basculer à droite extrême, à rejoindre la liste des Béziers, Fréjus et compagnie. Que la gauche réformiste et la droite républicaine modérée sachent s’unir pour éviter que soit hissée l’oriflamme patriote sur la mairie de la ville. Cette alliance républicaine ne se construit pas au dernier moment. Elle se construit aujourd’hui.



            Il n’est pas trop tard. Il n’est jamais trop tard. Ce que je n’ai jamais réussi à obtenir pendant ma vie militante, active et intellectuelle, je ne vais peut-être l’obtenir dans mon combat contre une droite extrême dont la tête de liste se congratule parce que des amis entrepreneurs n’ont pas construit des camps de concentration.









Je suis tombé par terre

C’est la faute à Maider.


vendredi 8 mai 2020

Une plaque que Biarritz ne mérite pas


Maider Arosteguy a publié un communiqué où elle célèbre la victoire sur le nazisme, après avoir félicité la famille Gave de ne pas avoir construit de camps de concentration. Pour rendre hommage aux victimes ?



Elle a le droit d’essayer de se rattraper.



Nous n’oublions pas.





Tous les maires de la ville ont droit à une plaque. Voici celle que les électeurs de Biarritz décideront d’accrocher ou pas.









Maïder Arosteguy
Maire de Biarritz

(condamnée par La LICRA et le Grand Rabbinat de France pour banalisation de la Shoah).

agenda


Jeudi 07/05/2020



Nouvelle séance. Aucune douleur, une grande tranquillité. Une tasse de café, une discussion avec l’infirmière qui m’introduit l’aiguille, je sens à peine la piqure, car un patch opiacé a supprimé toute sensibilité. Ensuite, l’infirmière ouvre un petit robinet qui laisse passer goutte à goutte un produit chasseur dont je serais bien incapable de décrire la composition. Pendant une demi-heure, le liquide goutte à goutte. Au bout d’une demi-heure, la machine thérapeutique clignote. Son travail est terminé. À mon tour d’appuyer sur une sonnette qui prévient l’infirmière. Une dame en blanc vient me retirer l’aiguille verseuse. Un médecin vient m’expliquer tout ce que je ne comprends pas. Encore trois semaines, puis encore trois semaines et au bout de trois mois, d’autres machines viendront mesurer les effets et selon les résultats, les médecins adapteront le liquide goutte à goutte. La veille de la prochaine, cure, d’autres infirmières me feront une prise de sang et trois feuillets n/g sur x/mil diront si les choses vont mieux. Je vous tiendrai au courant.



Je me refuse à communiquer sur d’autres catastrophes sanitaires qui sont le lot commun de ma génération car à force on en oublierait l’essentiel, c'est à dire le coronavirus. La psy qui est passée aussi m’a demandé comment j’allais. Je lui ai répondu qu’en fin de compte, par rapport, il y a tellement de gens qui vont plus mal. En fait la seule question de la psy qui importe : est-ce que tous ces soins en valent la peine ? Elle m’a répondu que moi seul connait la réponse à cette question.



Je fais le tour de 360° et décide que la réponse est oui.







Vendredi 8 mai 2020



Grosse fatigue. Des individus veulent me persuader que le problème principal du programme de mathématique est celui-ci : étant donnée une salle de classe de huit mètres sur dix mètres, que chaque élève dispose de quatre mètres carrés, que l’institutrice compte pour un élève, que le bus scolaire démarre à huit heures pile, à quelle heure le ministre de l’EN aura-t-it fait le tour du bâtiment ?



Autre problème de physique : étant donné que la terre est peuplée de 6,5 milliards d’êtres humains, que chacun de ces habitants doit porter un masque règlementaire ; quel est le volume du mongolfière qui pourra transporter en un seul voyage tous les masques ?



Question d’histoire : étant donné que chaque pays a subi plusieurs épidémies mortelles, serait-il possible de tracer le modèle étalon d’une épidémie qui pourrait être apprise par chaque écolier afin que l’apprentissage de ce modèle puis servir dans toutes les écoles du monde ?



Question de géographie : la démographie d’un pays serait-elle affectée par le coronavirus au point où l’épidémie pourrait remplacer le réchauffement climatique par la pandémie pour engloutir une île ?



Question de philosophie : classer les conséquences durables d’une pandémie, leur durée, leurs effets, leur rôle dans l’apparition de nouveaux concepts.


mercredi 6 mai 2020

le feuilleton


Une planète lointaine habitée par des êtres intelligents vient de découvrir que la terre est attaquée par un coronavirus qui met en danger sa survie. Depuis des dizaines de milliers d’années, ils nous suivent dans un feuilleton hebdomadaire qui  a énormément de succès, depuis le néolithique jusqu’au pithécanthrope, les guerres de religion et la grippe espagnole, Hiroshima et Nagasaki et puis ce putain de merde de coronavirus comme si c’était la fin du monde.



Dans ce feuilleton, certains épisodes étaient plus réjouissants. La Renaissance, la Réforme, les Lumières, la bataille d’Hernani et la Flûte enchantée, les films de Frank Capra, Hamlet et le Misanthrope, la pénicilline et l’état providence, les Beatles, la Pyramide du Louvre, la Joconde et le Front populaire.



Nos amis de cette lointaine planète observèrent un phénomène nouveau et inquiétant. Dans toutes les catastrophes qui frappaient la planète terre, guerres et maladies, une petite musique, plus ou moins déterminée, chantait « ça ira mieux demain ». Or, depuis l’offensive du coronavirus, cette musique était en train de disparaître. Ils avaient l’impression que pour l’humanité qui portait la planète terre, ça n’irait pas mieux demain. Pendant toute son histoire, l’humanité avait été portée par l’idée que ça irait mieux demain et que si ce refrain disparaissait, l’humanité jusque-là portée par l’espoir de lendemains qui chantent sombrerait dans la désespérance. Son avenir même était en jeu. Car si ça n’irait pas mieux demain, pourquoi se battre pour demain ?



Dans cette planète lointaine, cette idée était insupportable. Le feuilleton terre tenait leur société debout et si l’humanité disparaissait, ils risquaient de la suivre dans la submersion. Ils se réunirent fiévreusement et finirent par trouver une solution. Chaque habitant de la planète lointaine enverrait un message chaque habitant de la planète terre lui expliquant qu’il ne faut jamais baisser les bras, que rien ne vaut la vie, qu’il ne faut jamais désespérer. Ils lui envoyèrent même un hologramme de Jésus et de Marx qui eut quelque succès.



Les Terriens appréciaient modérément les messages lointains. L’espoir était dans les messages, mais eux vivaient avec le coronavirus. Ils répondirent par dizaines de millions par un message qui disaient en substance : s’ils voulaient la poursuite du feuilleton, ils n’avaient qu’à nous envoyer un vaccin contre le virus. Les habitants lointains se frappèrent le front. Mais nous avons sûrement ça dans nos dossiers. Et effectivement, ils trouvèrent dans une éprouvette une molécule tueuse de coronavirus.



Depuis, le feuilleton a repris.

mardi 5 mai 2020

mardi 5 mai


Ma vie est vide, je la plains, ma vie est pleine, je la vide.





            Quelle différence entre une vie confinée et une vie sans coronavirus ? Je ne peux pas répondre pour tous ceux que je connais. Mes enfants poursuivent leur travail de peintre, de vidéaste, de graphiste. Mes petits-enfants créent des films dans des écoles de cinéma et se préparent à des études de droit. Ma compagne, conseillère municipale et responsable d’un lieu d’accueil pour personnes sans abri et sans revenu, cherche et trouve des lieux de protection pour les galériens. Les médecins me soignent, les infirmiers me pansent, les brancardiers me promènent de cliniques en hôpitaux, une psychologue m’assure que ça en vaut la peine, à moi tout seul, je donne du travail à des dizaines de soignants.



            Je porte un masque, je me place dans la queue devant la boulangerie en respectant la distance recommandée.  Ensuite, je vais chez mon marchand de journaux et la grande différence est que je ne peux pas lire les articles répétitifs à la terrasse d’un café car il est fermé, peut-être va-t-il ouvrir vers la fin du mois  de mai. Je lirai sur ma terrasse sans voir les passants qui passent et c’est dans cette période de pénurie de passants qu’on se rend compte à quel point les passants sont importants. Je rentre chez moi et j’enlève mon masque pour lire les journaux. Je dis bonjour de loin.



            Naturellement, il y a le téléphone, whatsap et skype, mais c’est un peu compliqué de raconter une vie rabougrie. Comme décrire une course de voiliers quand le vent s’est figé. La maladie bien sûr est source inépuisable de conversations, car il faut chaque jour conter les douleurs. Parfois, mes interlocuteurs ont l’impression que j’ai été contaminé par le coronavirus tant les ambulanciers, les infirmiers et les kinés franchissent le seuil de ma porte. Je les détrompe. Il n’y a pas que le coronavirus dans la vie.



            Ensuite la sieste, une causerie à plusieurs avec skype et on se rend compte que le plus important dans une conversation ce ne sont pas les paroles, mais les yeux, les formes, les odeurs, les bruits des pieds. L’idéal serait peut-être de filmer cette causerie en supprimant le son et se rendre compte que l’important est le brouhaha, les couleurs, le cuir ciré, les huissiers qui viennent porter des papiers, mais de moins en moins puisque désormais les SMS suppriment la fonction.



            Regardez les images collectées par les caméras des grands congrès des partis communistes chinois, ou réunions au Kremlin. On n’a nul besoin de comprendre ce que disent les délégués. Ils se lèvent, ils applaudissent, ils se rassoient, puis le grand timonier prend la parole et cette parole est inutile. Donald Trump pointe du doigt une journaliste qui a posé une question inaudible, supprimez le son, il reste ce qui est important, le doigt de Trump, la journaliste qui repose la question. D’une certaine manière, il est possible de décrire des grandes assemblées politiques et parlementaires comme si le coronavirus avait imposé un masque virtuel aux discours et aux déclarations. D’ailleurs, si les représentants ou conseillers disent vraiment quelque chose, ils se retrouvent rapidement en salle de réanimation, entubés, entourés par des dizaines de blouses blanches. Un journaliste s’est ainsi retrouvé découpé en mille morceaux dans un ascenseur. Savez-vous les mots qu’il a prononcés ? Non. Mais tout le monde sait qu’il a été dépecé.