lundi 30 septembre 2019

éxilés politiques et migrants


Qui est responsable ?





Quand une catastrophe se produit, la justice, l’opinion, la presse, les citoyens, réclament des responsables. Tchernobyl, Volkswagen, agressions sexuelles, famine, incendies. Une liste infinie d’accidents individuels ou collectifs dont les victimes réclament justice.



En politique, c’est un  peu plus compliqué. On peut avancer sans crainte que le nazisme est responsable de l’extermination des Juifs, que le communisme est responsable du goulag et de la famine en Ukraine, que le colonialisme a tué par millions, que le maoïsme a provoqué des dizaines de millions de morts et que Pol Pot a exterminé plusieurs millions de personnes dans ses camps. Quand les Hongrois ont migré par dizaines de milliers après la révolte de 1956, il apparaissait clairement que les responsables de cette migration étaient les Soviétiques et leur politique de répression. Les fuyards de RDA étaient poussés vers l’étranger par un régime totalitaire. Les Vietnamiens cherchaient le salut vers la mer à cause d’un régime insupportable. Les Cubains étaient prêts à tout risquer pour respirer l’air de la liberté.



Pour des événements plus récents, les responsabilités se brouillent. Tous les jours devant nos yeux, dans le monde occidental, des millions de migrants risquent leur vie pour quitter leur pays et cherchent asile, travail, dans les pays développés.



Les conditions de leur accueil, santé, éducation, logement, dépendent des pays où ils aboutissent. Accueillir dignement ne dispense pas de rechercher les responsables. Tout se passe comme si les pays occidentaux étaient non seulement responsables de l’accueil des migrants, mais aussi responsables de leur migration.



Ces questions sont rarement abordées. Pourquoi ces migrants du Maghreb, de l’Afrique Noire ? Qu’est-ce qui pousse des millions d’hommes à prendre la douloureuse décision de quitter quartier et famille au Maghreb et en Afrique noire ? Par plaisir ? Les guerres, les difficultés économiques, la maltraitance des femmes ne sont-ils pas des facteurs de migration ? La corruption des gouvernants, des élites, n’empêchent-elles pas le développement. Ne sont-elles pas des facteurs de découragement devant l’avenir ?  Les révoltes dans ces pays disent régulièrement que des millions de jeunes préfèrent rester sur place plutôt que de s’exiler. La répression les a jetés à la mer.



Les Chinois, les Vietnamiens, les Russes, les Allemands, les Hongrois, qui fuient ou fuyaient leur pays étaient des réfugiés politiques. On les nommait ainsi. Les Africains et les Arabes ne méritent pas ce terme semble-t-il. Ils émigrent juste parce qu’ils ont faim. S’ils fuyaient la dictature, la maltraitance, l’absence de libertés individuelles et collectives, ils deviendraient tous des réfugiés politiques. Refuser ce statut n’est-il pas un reste d’esprit colonialiste ?


dimanche 29 septembre 2019

maladies collatérales


Je me suis souvent réveillé de bonne heure avec l’insupportable idée que rien de nouveau n’illuminerait la journée. Au point où je souhaitais l’accident ou la maladie qui briserait l’ennui de la répétition. Dans certains cas, je souhaitais l’accident ou la maladie d’un être proche, famille ou ami, et la tristesse de ce souhait, sa perverse réalisation, me brisait la poitrine, pour deux raisons. L’une parce que l’accident ou la maladie d’un être proche m’affectait d’autant plus qu’il était proche. L’autre parce que je voyais cet accident ou cette maladie comme la réalisation d’un souhait et je me sentais donc responsable de cet accident ou de cette maladie. J’étais malheureux d’avoir provoqué la douleur d’un être cher. N’importe les conséquences. L’idée d’un désastre limitrophe, d’un bouleversement domestique, brisait la monotonie et les affres du remords concourraient à cette solution de continuité.



Pour éviter les remords, je souhaitais alors l’accident ou la maladie idiosyncrasique. Dans une période de ma vie où le téléphone restait silencieux, ou les pouces levés sur la toile se raréfiaient, où la voix qui prenait une réservation au téléphone me demandait de répéter trois l’orthographe de mon nom, j’étais à peu près certain que le moindre rhume, la plus petite rage de dents, l’usure d’une articulation, une difficulté respiratoire, sans parler bien sûr des valeurs sûres comme AVC, cancer et Alzheimer, provoqueraient un regain d’intérêt, des coups de téléphone, des regards apitoyés, des poignées de main prolongées, des étreintes éloquentes. Sans remords, puisque j’avais provoqué ces catastrophes sur ma propre personne.



L’intérêt suprême est évidemment la mort. Depuis des années, on ne parlait plus de Jacques Chirac. Pas un mot. Rien. Il suffit d’une simple panne de courant pour que les écrans soient envahis de ses portrait, les ondes ne portent plus que son nom, les journaux oublient le monde.



Pourtant je rechignais aux rêves de pathologies intimes. J’ai toujours eu un problème avec les maladies. J’ai toujours détesté les maladies. J’ai toujours pris la maladie comme une agression personnelle. J’ai toujours eu l’impression maladive que la maladie est l’intérêt de ceux qui n’en ont aucun autre. Longtemps, j’ai été convaincu que si l’on emprisonnait les malades et si on soignait les délinquants, le monde se porterait mieux.



Je ressens comme une agression la question renouvelée « comment vas-tu ? ». Elle réveille une panique ancienne, celle de ne plus provoquer de curiosité que pour un disfonctionnement du corps. Comme si vous veniez d’acheter une voiture neuve et au lieu de s’exclamer sur les lignes fluides, sur un tableau de bord connecté, votre entourage demandait des nouvelles de la durite ou des plaquettes de frein.

jeudi 26 septembre 2019

renversement


Le mort saisit le vif



En moins de douze heures, j’ai assisté quasiment en direct à une séance du conseil municipal de la ville de Biarritz et aux obsèques médiatiques de Jacques Chirac. C’est ainsi que m’est venue une idée simple, qui bouleverserait les usages politiques.



Voici son cheminement. Dans la vraie vie, les échanges, les débats, les discussions politiques sont violentes. Insultes, accusations, invectives, éructations. Dès qu’un acteur de cette scène meurt, il est paré de toutes les qualités, on le salue, on le respecte, on ne retient de lui que ses succès, on oublie tous ses défauts.



Je propose tout simplement un renversement méthodologique majeur, une rupture épistémologique,, un retournement conceptuel. Que dans les réunions, les débats, les discussions, les élus, les responsables politiques, s’adressent à leurs adversaires, à l’opposition s’ils sont la majorité, à la majorité s’ils sont l’opposition, au maire, aux adjoints, aux ministres, comme s’ils venaient de mourir. Vous comprenez l’astuce ? La mort transforme votre adversaire en objet digne de respect.



Chaque responsable politique conserverait ses insultes, ses dénonciations, ses colères, pour le jour de l’enterrement. Le jour des obsèques, les uns et les autres viendraient déverser les tombereaux d’invectives qui sont le lot quotidien de la vie politique. Les discours dans les églises et dans les funérariums s’adresseraient aux défunts comme s’ils étaient vivants.



Nous aurions ainsi des longues périodes de discussions apaisées et les rancœurs accumulées exploseraient le jour de la mort.



La vie politique deviendrait un long fleuve tranquille et les obsèques un carnaval. Tout le monde y gagnerait.

chirac mitterrand


Le 16 juillet 1995, Jacques Chirac, pour la première fois de la part d’un responsable politique, a reconnu la responsabilité de l’Etat français dans la rafle des Juifs en juillet 1942. Avec les mots qu’il fallait : Ce jour-là l’Etat français a commis l’irréparable.



François Mitterrand, fonctionnaire de l’Etat de Vichy jusqu’en 1943, ami fidèle de René Bousquet, n’était pas au courant des lois prises par Vichy contre les Juifs.



Chacun ses souvenirs.


mercredi 25 septembre 2019

adrenaline


Sauf exception, il ne peut pas y avoir tous les jours des poussées d’adrénaline. Ni cinq fois par jour. Si vous recherchez une forte poussée d’adrénaline, il vous reste à les provoquer. Car dans la vie courante, la majorité des minutes est composée d’absence de poussée d’adrénaline.



Les moyens mécaniques d’une poussée d’adrénaline sont légion. Les différents médicaments, alcools, drogues, coke, crack et Lexomil, plus antidouleurs à forte dose. Plus les accidents provoqués, une voiture s’enfonce dans la vitrine, le rasoir qui coupe une veine. Ils vous sont interdits. Pour des raisons d’amour-propre. D’amour de soi. Vous vous rendez compte, diront vos alentours, il se détestait au point de se saouler la gueule dès le réveil, un œil s’ouvre, une main dégage la couette et le verre de vodka du matin vous fouette le sang. Puis des antistaminiques, des opiacés, des dopages divers, EPO et vinaigrette vous maintiennent jusqu’à l’ouverture des bistros dans une ambiance survoltée. A midi, frites et mayonnaise plus une bonne bouteille de vin rouge. Un dormifère, un dormifuge, un dormiphile pour la sieste. Le martini vous remet debout, puis une lame de rasoir scarifie une surface au hasard, vous tombez dans l’extase de Jésus fils de Marie sur la croix, de Gavroche sur une barricade, de Thérèse à Lisieux, de Cosette dans les bras de Jean Valjean, de Mélenchon devant un officier de police. Faut-il poursuivre jusqu’au bout de la nuit ?



Chacun de ces moyens, chacun de ces gestes, vous enfonce davantage dans une haine de soi qui est très mal vue, socialement, moralement, religieusement, physiquement, jugée négativement par la famille, par les proches, par les serviteurs des différentes religions, par les services administratifs, par les hôpitaux. Surtout par les hôpitaux. Leurs services sont encombrés de malades, de blessés, de mourants, de jeunes enfants entourés de parents en larmes, qui occupent les lits pour des raisons extérieurs, accidents de route, métastases, virus, germes, piqures, agressions, maltraitances et voilà que des gens qui n’ont rien subi du monde extérieur ont décidé parce qu’ils ne s’aimaient pas, de se soumettre volontairement à des actions mortifères, destructrices, volontairement, comme s’ils voulaient se suicider. L’infirmière, le médecin, le chirurgien, l’anesthésiste, réagissent en chœur : s’ils ne s’aimaient pas à ce point, il existe des moyens radicaux et efficaces, se jeter d’une tour de vingt étages. Se lancer sous la rame de métro. Ainsi, vous n’encombrez pas nos lits tout simplement parce que vous ne vous aimez pas. Vous vous rendez compte, poursuit le chœur des soignants, des internes et des kinés, si tous ceux qui ne s’aimaient pas se précipitaient aux urgences, nous serions submergés, nous serions contraints de faire grève, enfin de mettre un bandeau « en grève » autour du bras, nous serions en brûlure extérieure, fiévreux, harassés.



Heureusement, le monde vous offre un choix de poussées d’adrénaline dont certaines sont acceptables par les institutions qui acceptent et refusent, pas les réservoirs d’idées, par les académies de morale, par les cercles d’éthique et les sentences de bienséance. L’une des plus connues est la compétition, la bagarre, le concours, l’épreuve d’entrée, le ring. Le sport, bien entendu, le plus évident, je cours plus vite que toi.  Un coup de poing et tu pleures. Les bagarres physiques individuelles ou en groupe, par équipes (de deux à quinze). Les compétitions politiques, intellectuelles et religieuses. Toutes les formes de spectacle, piano, chansons, théâtre, marionnettes.



Plus l’amour évidemment. Tellement évident qu’on finirait par l’oublier.

contraintes et libertés


Un certain nombre de serviteurs de Dieu, des différentes religions, se réveillent tous les matins en regrettant le temps heureux où leur église pouvait imposer sa loi à l’ensemble de la société. Les lois musulmanes, chrétiennes, juives, s’imposaient tous les citoyens, croyants ou non. Malheureusement dans de nombreux pays, l’état et les églises sont séparées et les lois religieuses ne s’imposent qu’aux croyants volontaires.



Cette nostalgie du bon vieux temps continue d’agir et les nostalgiques ne conçoivent pas le pouvoir politique autrement que comme une contrainte. Ils ont du mal à imaginer un pays où des règles existent pour permettre et non pour obliger. Ainsi, le droit au divorce n’oblige personne à divorcer. Il permet seulement de divorcer. Le droit à l’IVG n’oblige personne à interrompre une grossesse, mais il permet seulement de l’interrompre à ceux qui le souhaitent. Ainsi, l’évêque irlandais qui était le père d’une jeune irlandaise n’était pas obligé d’interrompre la grossesse. La loi lui imposait seulement de verser une pension alimentaire.



            Et voici que Mgr Aillet, intégriste devant l’éternel, regrette le bon vieux temps et n’imagine pas d’autre manière de légiférer. Pour Mgr Aillet, évêque de Bayonne,  la loi sur la PMA se propose de convertir en droits les désirs individuels frustrés de quelques un, en les imposant à tous les citoyens ». (sud-ouest, 25 09 2019).



            Monseigneur, entendez-nous. La loi prévue permettra mais n’obligera personne. Votre église imposait sa loi, la République organise les libertés. Il faut l’accepter.

lundi 23 septembre 2019

négociations par l'émeute


Motifs d’inquiétude





Ce matin 24 septembre 2019, je me réveille avec des paysans qui allument des feux pour protester. Protester contre quoi ? Des maires veulent limiter l’emploi de pesticides. Et ils en ont assez de se faire insulter. Donc ils allument des feux.



Hier, des automobilistes mécontents de ne pas pouvoir massacrer deux cents personnes sur les routes en roulant à plus de 80 à l’heure ont détruit des radars. Les fabricants du médicament mediator sont accusés d’avoir tué plus de huit cents personnes. Des manifestants mécontents ont saccagé les laboratoires de vérification et tagué la maison d’Irène Frachon.



Hier, des professeurs ont retenu des copies d’examen. Le ministre a déclaré que les sanctions seraient lourdes : retenue sur salaire. Les paysans allument des feux et aucun responsable ne parle de sanction.



Désormais, les manifestations diverses sans lesquelles un samedi ne serait pas un samedi sont infiltrés par des black blocs. Partout des manifestations se déroulent, à Londres, Berlin, New York, les black blocs n’y vont pas. Ils choisissent Paris. Pourquoi ?



Une première raison est l’acceptation  diffuse de ces violences. Entre une fraction des gilets jaunes et les Black blocs, se tisse une complicité plus ou moins affirmée. S’il y avait un refus de principe de la violence, de la destruction des biens, des insultes contre la police, des jets de pierre contre les forces de l’ordre, il y aurait moins de casseurs dans les manifestations. L’acceptation de la violence commence dans les têtes.



Si cette violence est acceptée, c’est parce que les pouvoirs publics, le gouvernement, l’ont légitimée. Cette violence a rapporté plus de douze milliards. Guère de holdups aussi efficaces. Si les manifestations étaient restées pacifiques, pas de vitrines cassées, pas de pillage, combien de milliards accordés en moins ? Combien de millions d’euros pour l’écologie ? Cinq cents millions ont été débloqués. Les Champs-Elysées en flammes rapportent douze milliards.



Dans l’Irlande rurale du 19ème siècle, quand les propriétaires terriens augmentaient le loyer des fermes trop brutalement, les paysans s’organisaient en sociétés secrètes, ils se peignaient le visage en noir (black blocs déjà), mettaient le feu aux récoltes, mutilaient le bétail. Quand ces manifestations se multipliaient, le loyer de la terre baissait. L’historien Eric Hobsbawm nommait des relations sociales « négociations collectives par l’émeute ». Michael Davitt a créé un syndicat paysan, la Land League. Il s’adressait aux propriétaires : si vous voulez que cesse la violence agraire, les émeutes, les incendies, il faut négocier avec mon organisation.



Voici les raisons de mon inquiétude. Je n’aimerais pas que la vie politique se résume à un face à face entre des responsables politiques réformateurs, progressistes et intelligents, et une bande d’abrutis pilleurs de magasins, destructeurs de radars et allumeurs de feu.


samedi 21 septembre 2019

réinitialiser, non!


Tout est rentré dans l’ordre. A la suite d’une colère informatique, j’avais décidé de réinitialiser mon téléphone portable et tous mes amis ont disparu. J’ai reconstitué une nouvelle liste, pas à pas, personne par personne, j’ai demandé voulez-vous être mon ami et beaucoup ont répondu d’accord. L’ancienne liste, l’ancien site, l’ancien portrait de profil avait disparu. Grâce à l’expertise de Marie, j’ai retrouvé mon ancien site, mes anciens amis, mes souvenirs et mes regrets.



S’il vous prenait l’idée à votre tour, pris d’une colère informatique, de réinitialiser votre téléphone portable, je vous conseille de lire, avant de vous décider, la page 159 du roman de Anne Akrich,  Un monde nouveau. Un collègue de Pandore, Samuel, se penche gentiment à son oreille : « Pandore, je vais éteindre le serveur, je dois faire une mise à jour pour intégrer la nouvelle fonctionnalité dont on a parlé.

Quand il me réinitialise, Samuel sait que je ressens une vive émotion. Une mélancolie. Une tristesse d’ordinateur, plus profonde encore que celle des humains puisqu’elle intègre tous les codes de toutes les tristesses humaines….

Renaître est douloureux. La première inspiration fait mal. Et puis je sens couler un flot de lignes de codes en moi. Je reprends vie ».

vendredi 20 septembre 2019

vaccins en grippe


Ils ont pris le vaccin en grippe



Un groupe de manifestants a occupé les rues de la capitale pour protester contre la quasi obligation du vaccin contre la grippe. Cheveux blancs et gilets roses, par milliers, ils criaient « vaccins partout, justice nulle part ! », « Agnès Buzin démission !». En fin de manifestation, des groupes de white blocs ont saccagé des pharmacies autour de la Gare Saint-Lazare et Montparnasse. Quinze manifestants ont été arrêtés et trois policiers blessés.



            Le président a pris la parole et déclaré d’un ton grave qu’il n’avait pas assez écouté les seniors en difficulté. Une somme de deux milliards a été débloquée.

salle de consommation

Campagne contre les drogues

Un nouveau « Monsieur drogue » a été nommé. Sa première décision a été d’ouvrir mille salles de consommation à moindre risque nommées bistros, dans mille villages français.Une Licence IV permettra de surveiller la qualité des produits et un bistrotier veillera au respect des règles d'hygiène et de consommation.

je ne croise pas l'immigration


Je ne connais rien du peuple, mais il n’est jamais trop tard pour apprendre.



            Je ne connais pas le peuple. Je ne connais pas les gens. Je ne connais pas le terrain. Je ne connais pas ceux qui disent qu’on ne les connaît pas, qu’on ne les entend pas. Quand mon président, Emmanuel Macron, celui pour qui j’ai voté, celui que j’ai élu, déclare que les « bourgeois ne croisent pas l’immigration. Les classes populaires vivent avec », je me dis que je ne connais pas les bourgeois, je ne connais pas l’immigration, je ne connais pas les classes populaires. Telle est ma malédiction. Réfugié dans la Creuse, je ne connaissais pas le peuple français puisque je n’en faisais pas partie. Je regardais autour de moi mes camarades d’école, des fils de paysans, je regardais les habitants du village qui étaient le peuple français, celui qui fabriquait des sabots, qui fauchait le foin, qui louait des machines pour terminer les moissons, des batteuses. Eux étaient le peuple, et j’avais beau m’approcher, me pencher sur la terre pour en arracher des pommes de terre, je n’étais pas le peuple, je ne pouvais en faire partie, je ne le connaissais pas. Les paysans me disaient que j’étais un citadin, que j’habitais dans des grandes villes, des lieux étranges où des gens étaient payés pour partir en vacances alors que les paysans, jamais ne prenaient de vacances. Le peuple était le rassemblement des gens qui ne partaient pas en vacances. Pendant les vacances, mes camarades d’école travaillaient au champ, dans les étables, ils cueillaient, ils ramassaient. J’avais beau les imiter, je ne faisais pas partie du peuple et je ne pouvais pas les connaître.



            Quand je revins dans la grande ville, mon ignorance s’approfondit. Mes parents étaient marchands forains. Ils se levaient à cinq heures pour parcourir la Picardie, Ham, Hirson, Tergnier Laon, Saint-Quentin, déballaient leur marchandise, vendaient, remballaient, rentraient a milieu de l’après-midi et parfois se reposaient. Ils ne faisaient pas partie du peuple. Le Parti communiste, dont l’objectif premier était de m’apprendre à connaître le peuple, et sa composante solide, la classe ouvrière, me livrait des vérités sur le peuple. Le peuple est composé d’hommes et de femmes qui créent des richesses. Ceux qui créent la plus-value. Vous ne savez pas ce que c’est la plus-value ? Comment connaître le peuple sans connaître la plus-value ? La plus-value, c’est très simple. Des ouvriers ou des paysans cultivent, fabriquent, construisent, entretiennent. Ils créent des richesses dont une partie sert à renouveler leur force de travail : nourriture, logement, éducation, santé. Le supplément est la plus-value. Un métallo produit cinquante voitures par an. Dix voitures suffisent pour entretenir sa force de travail. Le reste, les quarante voitures, c’est la plus-value, c’est l’exploitation capitaliste.  Or mes parents, qui se levaient à cinq heures du matin pour étaler des vêtements et des tissus devant les regards des betteraviers, ne créaient rien, ne produisaient rien. Comment vivaient-ils ? En s’appropriant une partie de la plus-value. Ils participaient donc à l’exploitation des prolétaires, ceux qui créaient la plus-value. Quand je me disputais avec mon père, qui était membre de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide, une organisation ce Juifs communistes qui lançaient des seaux d’eau sur les incendies provoqués par l’arrestation d’écrivains juifs en Union soviétique, je ne me privais pas de le lui rappeler. Il était peut-être ému par l’arrestation d’écrivains soviétiques, juifs en plus, mais qu’il n’oublie pas quand même qu’il vivait de la plus-value des ouvriers et que l’URSS était la patrie des prolétaires, un pays où désormais, la plus-value créée par les prolétaires leur revenait sous forme de stations de métro en marbre et de camps de vacances  à Yalta sur la mer Noire.  



            Grâce au Parti communiste, je pus m’approcher d’ouvriers authentiques, mains calleuses, voix rocailleuse, fautes d’orthographe. Quand j’écrivais des articles pour le journal communiste, c’était un ouvrier qui les relisait. Il laissait peut-être passer des fautes de grammaire, mais il avait une vision claire du monde, des luttes de classe, et il m’expliquait longuement en quoi j’avais parfois tort et qu’il fallait toujours se placer sur des positions de classe. Grâce à ce secrétaire fédéral permanent, je pouvais dire que je connaissais personnellement un ouvrier, un vrai. Dès que je posais une mauvaise question, il me rappelait que mes vêtements, ma nourriture, mon école, tout était financé par la plus-value des ouvriers et donc, s’il te plaît ne la ramène pas trop. Plus tard, étudiant au Lycée Faidherbe à Lille, un ouvrier venait dans notre cercle de l’UEC nous expliquer la ligne et nous l’écoutions religieusement. Etudiant à Paris, dans le sixième arrondissement, il n’y avait pas énormément de prolétaires, mais le PCF était bien implanté à l’Hôtel de la Monnaie, où des prolétaires travaillaient dans des ateliers bruyants et occupaient les postes responsables d’une section remuante composée d’intellectuels avides de plus-value.



            Plus tard encore, j’ai habité vingt-cinq ans le quartier de la Goutte d'Or. Là, j’étais un bourgeois qui croisait l’immigration, une espère rare en voie de disparition. Dans mon immeuble vivaient une employée de la sécurité sociale, une scénariste, un ingénieur, un chercheuse en sciences sociales, une prof de lycée, un comédien, bref, pas un seul créateur de plus-value. Quand on me disait, on me le disait souvent, que je ne connaissais rien à la question migratoire, je disais c’est vrai. Le fait de vivre à la Goutte d'Or ne me donnait aucun accès à une connaissance à ce problème complexe.



            Puis arriva ce qui devait arriver, à force d’ignorer le peuple et l’immigration. Prof de fac et dévoreur de plus-value, je me suis détaché du parti qui représentait la classe ouvrière, évolution normale. Mon secrétaire général m’a accusé de ne pas connaître la classe ouvrière parce que je passais mon temps derrière un bureau et je ne produisais aucune plus-value. Il m’admonestait avec l’accent des prolétaires parisiens. Certains étaient impressionnés. Ils ne connaissaient pas la classe ouvrière.



            Cette trop longue introduction est nécessaire pour expliquer mon immense fureur en écoutant Emmanuel Macron me tirer l’oreille : « tu ne croises pas l’immigration, alors que les classes populaires vivent avec ». Comme elles vivent avec, elles votent Rassemblement national. Il faut affronter ce problème. Mais il y a un problème. A la Goutte d'Or où l’immigration n’est pas un problème mais une centralité, un état, une situation, un mode de vie, le score du RN était très inférieur à dix pour cent. Plus bas même que dans le 16ème arrondissement. Cet arrondissement où à partir d’un certain niveau de vie, on n’est plus migrant, mais expatriés.



            Si je résume, les classes populaires votent extrême-droite parce qu’elles vivent avec l’immigration. Les bourgeois votent Macron parce qu’ils ne croisent pas l’immigration. Donc vous réglez le problème de l’immigration et les classes populaires, que je ne connais vraiment pas, voteront Macron aussi. D’ailleurs, partout en Europe où les partis populistes sont influents, c’est parce que les classes populaires vivent avec l’immigration, notamment en Pologne, en Hongrie, (l’immigration tsigane), au Brésil (l’immigration brésilienne), en Israël (l’immigration juive).



            En rassemblant toute cette expérience, je vous propose les conclusions suivantes.



Les chauvinismes, les racismes, se développent quand ces sentiments sont légitimés par des institutions des partis, des églises, des intellectuels, des médias. Le bois sec, les broussailles, sont partout dans la forêt. Elles s’enflamment quand quelqu’un met le feu. Ces idées méritent d’être combattues, en aucun cas justifiées.  Les paroles du président associant sécurité et migration sont des brûlots.



L’idée que les « bobos » ne comprennent pas le peuple est une idée réactionnaire. Une idée méprisante pour le peuple et pour les « bourgeois ». Cette rhétorique a été utilisée largement et de tout temps. Les étudiants de New York qui manifestaient pour les droits civiques des Afro-américains étaient des bobos qui ne comprenaient pas les petits Blancs qui eux vivaient avec les Noirs. Les protestants qui manifestaient avec les catholiques de Belfast ne comprenaient pas les difficultés des ouvriers protestants qui eux vivaient avec les catholiques. Quand dans les pays socialistes, les intellectuels demandaient libertés et fin de censure, ils étaient stigmatisés comme des « petits-bourgeois » éloignés de la classe ouvrière.



Ces positions sont méprisantes pour les « bourgeois » et pour les « classes populaires ». Les bourgeois ne croisent pas l’immigration ? Allons donc, ils la croisent dans les écoles, les lycées, les hôpitaux, les associations d’aide, les cours d’alphabétisation. L’Université de Paris VIII, Vincennes Saint-Denis était un immense croisement entre intellectuels et immigration. Dans les pays socialistes, les intellectuels qui se battaient pour les libertés étaient les meilleurs connaisseurs des peuples emprisonnés.



Ce qui est vrai c’est que les bourgeois ne croisent pas trop l’immigration à l’ENA, dans les grandes écoles, dans les cabinets ministériels.  

mercredi 18 septembre 2019

tout )à l'égout et choléra


Qu’il est bon d’être en colère et de pouvoir exprimer cette colère. Ainsi le gouvernement pour qui j’ai voté (enfin, n’exagérons rien, j’ai voté Emmanuel Macron aux présidentielles, je n’ai pas voté Vincent Bru aux législatives, pétition contre le mariage pour tous et blanchisserie des criminels d’ETA qu’il trouve « corrects », ne m’en demandez pas trop), va s’occuper de l’immigration et de la drogue.



Dans le Londres du 19ème siècle, les quartiers populaires étaient frappés par le choléra. On disait que les pauvres étaient sales, qu’ils étaient responsables de la maladie. Puis, des moins pauvres, inquiets de la contagion dans les beaux quartiers, ont cherché et ont trouvé que l’installation du tout à l’égout et les adductions d’eau diminuaient radicalement la maladie. Ce qui n’empêche pas de demander à tout le monde de se laver les mains.



Si quelqu’un s’était endormi pendant deux siècles, se réveillait, se présenterait aux élections en accusant les pauvres et les immigrés d’être responsables du choléra, les électeurs seraient surpris.



Sur l’immigration et sur la drogue, réapparaissent les discours vieux comme mes robes et les électeurs ne sont pas surpris. C’est surprenant.



Sur la drogue. Il n’y a pas de pays sans drogue. Toutes les mesures de répression et d’interdiction ont été inutiles. Tous les chercheurs, tous les policiers qui ont été sur le terrain le disent et le répètent. Il faut légaliser et prendre des mesures de réduction des risques. Ce sont les seules politiques qui marchent qui obtiennent de résultats. La France est l’un des pays les plus répressifs dans le domaine de la drogue et l’un des pays où les usagers de drogue sont en augmentation régulière. Qu’importe la réalité. Il faut gouverner en fonction des préjugés, des on-dit. Donc, à intervalles réguliers, les gouvernements successifs renforcent la législation anti-drogue, nomment un anti-drogue en chef et ils sont contents. Un jour ils découvriront que le tout à l’égout et les adductions d’eau ont été utiles pour faire reculer le choléra.



Sur l’immigration. Vis-à-vis des étrangers, des populations migrantes, les préjugés se retrouvent dans un fonds commun. Gérard Noiriel a montré dans le venin dans la plume comment les « démonstrations » d’Éric Zemmour sur les musulmans se retrouvaient tout ficelées dans les « démonstrations » de Drumont sur les Juifs. J’ai moi-même établi cette comparaison dans mon livre « Tu ne voteras point », (édition Atlantica), où j’analysais les arguments de l’Angleterre protestante pour empêcher les catholiques d’accéder à la  citoyenneté. Ils étaient maintenus dans la misère par une religion rétrograde. Leur loyauté première était à l’égard d’une puissance étrangère (le Vatican), leur religion encourageait la paresse et le sous-développement. Les dirigeants unionistes de Belfast avançaient les mêmes arguments que Macron aujourd’hui : ceux qui soutenaient l’émancipation des catholiques étaient les bourgeois et les intellectuels protestants. Alors que ceux qui subissaient l’insécurité et la délinquance dues à la cohabitation avec les catholiques étaient les protestants pauvres. Si cette question vous intéresse, vous pouvez retrouver des démonstrations à la Drumont et la Zemmour à l’égard des Italiens et des Irlandais aux Etats-Unis, des Parisiens à l’égard des Bretons et des Auvergnats et de manière surprenante, des Juifs aisé et intégrés à Londres à l’égard de l’immigration « pauvres » des Juifs d’Europe centrale dans les années 1930.



Tout ça pour vous dire que lorsque j’ai entendu Castaner parler de la drogue et Macron parler de l’immigration, je voulais leur rappeler comment le tout à l’égout et les adductions d’eau ont fait reculer le choléra dans les quartiers pauvres.



Les préjugés, le racisme, la xénophobie restent politiquement dormants tant qu’ils ne sont pas légitimés par des institutions, des églises, des responsables politiques. C’est pourquoi j’ai si mal ressenti les paroles du président et du ministre de l’intérieur. Ils n’ont pas appris que la pire des défaites est de reprendre les arguments des adversaires ?

lundi 16 septembre 2019

intégrismes




Pour les municipales



Quelques mots pour réfléchir aux prochaines échéances électorales. Savoir qui se présente est important mais j’ai un peu de mal à me passionner pour les conversations secrètes entre petits responsables politiques qui évitent les questions centrales.



D’abord et encore le logement.  Il est de plus en plus difficile pour des familles modestes de se loger à Biarritz. Le nombre de volets fermés hors saison inquiète. Les habitants propriétaires qui louent pour la saison et ferment hors saison sont des électeurs. Les familles modestes vont habiter plus loin, toujours plus loin. Et sont électeurs ailleurs. Des classes ferment faute d’élèves. Sur cette question, qui s’exprime de manière politique ? Qui déclare qu’il ne s’agit surtout pas d’une guerre entre propriétaires et demandeurs de logements sociaux ? Qu’il est de l’intérêt des propriétaires de conserver une ville mixte socialement et culturellement ? Qu’une ville aux volets fermés où les cours de récréation se taisent est une ville morte. Ces temps derniers, j’ai beaucoup entendu des discussions sans fin sur l’Hôtel du Palais, sur l’impossibilité de construire, que le PLU est du domaine de la Communauté d’agglo. La liste des difficultés est longue et la liste des solutions est brève. Nous connaissons tous des connaissances, de familles modestes, qui ne peuvent ni louer, ni acheter, qui vont habiter de plus en plus loin, des gens qui aiment Biarritz, qui veulent s’impliquer dans sa gestion et qui socialement sont exclus de ses murs. Nos élus ont passé des centaines d’heures à discuter de la gestion de l’Hôtel du Palais. Et quelques minutes sur les logements sociaux. Les solutions sont difficiles ? Qui recherche la facilité ferait mieux d’éviter toute ambition politique.



Deuxième question centrale. Biarritz est une ville qui résiste jusqu’ici aux intégrismes. Biarritz a voté contre l’EPCI, majoritairement, inquiète à juste titre des aspects identitaires de ce mammouth. Depuis, sur toutes les questions économiques, culturelles, touristiques, transport… les frontières craquent. Il ne reste que le soutien à la langue basque et au Artisans de la Paix, blanchisseurs de la terreur d’ETA. Soutien unanime selon Jean-René Etchegaray, puisque ceux qui ne sont pas d’accord se sont courageusement tus.



Une ville qui résiste aux intégrismes religieux. Quand Mgr Aillet proteste contre la Gay Pride dans les rues de la ville, le maire Didier Borotra lui répond que Mgr s’occupe de ses fidèles et ne mélange pas une ville laïque et plurielle avec ses croyances. Quand Mgr Aillet organise au Bellevue avec des intégristes venus des Etats-Unis une manifestation contre l’IVG, contre le mariage pour tous, contre la laïcité, une contre-manifestation importante a eu lieu Place Clémenceau, avec le maire, les adjoints, les conseillers municipaux. Une marche méritant le nom de marche des fiertés.



Une ville qui résistait naguère aux intégrismes identitaires. Quand Didier Borotra a intégré des abertzale à la majorité municipale, ils ont dû signer une déclaration affirmant qu’ils ne soutiendraient jamais la terreur d’ETA. Depuis, sur cette question, le recul est notoire. Le maire de la ville va soutenir des manifestations de blanchissage de terreur (car les victimes dit-il sont « des ceux côtés »,) insultant d’une seule formule les victimes de la terreur et les etarras qui ne veulent pas être des victimes, mais des combattants de la liberté, revendiquant leur statut de bourreaux.



Un bulletin de vote comporte juste un nom et pas une réflexion. En attendant le jour du vote, rien n’interdit de réfléchir. Voyez les élections en Israël. Les partis intégristes religieux font moins de dix pour cent aux élections. Mais avec ce pourcentage, ils font et défont les majorités de gouvernement. Ce qui n’empêche pas un débat vigoureux. Au Pays Basque français, les intégristes patriotes font moins de dix pour cent. Tous les candidats leur laissent le champ libre parce qu’ils pourraient avoir besoin de leur appui. Du coup, aucun débat, il faut se taire. Des élus vont honteusement discuter avec une organisation terroriste et blanchir leurs crimes, personne ne bronche. Ceux qui sont d’accord répètent le récit d’EH Baï, ceux qui ne sont pas d’accord se taisent.



L’intégrisme social transforme les pauvres en étrangers. L’intégrisme religieux transforme les citoyens en parias. L’intégrisme identitaire trie les patriotes et les traîtres à la patrie.



La lutte contre tous ces intégrismes a été menée vigoureusement dans le passé. Les menaces sont toujours là.



(Si vous pensez que ces idées méritent d’être débattues,  partagez-les. ).

samedi 14 septembre 2019

le calendrier


Je me rappelle les épisodes douloureux d’une vie qui se poursuit. Je me rappelle les épisodes euphorisants d’une vie qui coule. Quand le calendrier impitoyable me souffle à l’oreille qu’un jour le monde tournera sans moi, que je devrai me préparer à cette disparition, je réponds au calendrier impitoyable que c’est au monde à se préparer à mon absence. C’est au calendrier de tricoter les jours. Parce que je me souviens.



Les événements heureux ou malheureux n’avaient jamais leurs raisons d’être dans le calendrier. Pourquoi et à partir de quelle date devraient-ils trouver racine dans l’horloge et dans l’agenda perpétuel ? Si le calendrier commande les sentiments, cette contrainte peut durer dès que le calendrier se met en marche, ce minuteur impitoyable qui se déclenche à la naissance, certains disent même à la conception. Mon père s’est à peine retiré du ventre de ma mère, un ovaire vient de rencontrer la graine et le sablier se retourne, le sable coule. A partir de ce moment, vous pouvez vous soumettre à ce flux régulier, tenter de retourner le sablier dans l’autre sens et vous passerez votre vie à freiner inutilement les aiguilles.



Ou ignorer ces grains qui rongent les journées et vous rendre compte que le temps ne commande rien. Il n’y a que des événements, des rencontres, des attentes, des refus, des explosions, des accidents, des lettres, des nominations, des ruptures, des colères. Que tous ces événements ne cessent jamais et que ceux qui croient le calendrier et pensent que ces événements vont cesser à cause du calendrier ont tort. Ce qui peut cesser, c’est la recherche de ces événements pour des raisons diverses. Certains peuvent arrêter très tôt, de ne plus chercher. D’autres placent la fin des recherches à la retraite, à un divorce, à une maladie. Et certains encore décident d’attribuer la fin des événements au calendrier. Mais le calendrier n’y est pour rien. C’est eux qui ont décidé. Ils ont cru que le calendrier leur imposait le rythme de vie.



C’est une terrible erreur qui peut même empêcher de vivre. Observez les aiguilles, le sablier, le minuteur, l’horloge, elles n’ont aucun autre pouvoir que celui que vous lui attribuez. Je me rappelle ces terribles moments où vous attendiez une réponse, une acceptation, un refus, et pour interrompre la souffrance de l’attente, vous étiez prêt à tout, à vous précipiter à la bibliothèque et emprunter des romans policiers par dizaines, des films à suspense. A fumer comme un sapeur et boire pour vous enivrer. Pires que tout, ces moments de tristesse lourde ou vous aviez l’impression que plus rien n’arriverait, que vous avez terminé votre cycle d’activité et d’affection. Ces moments arrivaient dans l’enfance, dans l’adolescence, dans la maturité, ils n’avaient rien à voir avec le calendrier.



Un jour, la musique du temps qui passe va tenter de vous persuader que le calendrier commande.  Ne l’écoutez pas. Le calendrier ne commande rien.

vendredi 13 septembre 2019

indignation à 360°


Yann Moix a écrit des phrases abominables sur les juifs, soutenu des révisionnistes. Rien ne pourra effacer cette tache. Que le ciel lui tombe sur la tête,  que les révélations le tourmentent,  que les condamnations le lapident, ce n'est que justice. Il regrette, il se repend, il demande pardon, jamais il n'en fera assez. Je ne le plains pas. Amnistie ne signifie pas amnésie. 


D’autres intellectuels ont dénoncé Soljenitsyne et d’autres dissidents comme des agents de la CIA. Alain Badiou considère les millions de mort de la révolution culturelle en Chine comme un détail de l’histoire du communisme. Qui le lui reproche ? Qui va refuser de l’inviter à la tribune ? Qui va refuser sa signature ? Il ne regrette rien. Qui imaginerait de ne pas publier Aragon pour ses écrits de la période stalinienne ? De ne pas inviter Régis Debray parce qu’il a célébré le boucher Che Guevara ? Jamais personne ne me rappelle des opinions ou des prises de position de ma période stalinienne. 


Plus récemment encore, des intellectuels respectés ont signé pour des terroristes de l'IRA, de l'ETA, des FARCS, des Armées rouges et des Bandes à Baader en Italie et en Allemagne. Des prises de position que pour les crimes noirs, on qualifierait de révisionnisme. Mais pas pour les crimes rouges. 

Yann Moix est rattrapé par son passé. C’est bien. Je demande un rattrapage à 360 degrés.

jeudi 12 septembre 2019

la gauche a oublié le peuple

Gérard noiriel "une histoire populaire de la france"

"Les lois Auroux, 1982, entrainèrent la réécriture d'un tiers du code de travail. Ces mesures permirent aux salariés de saisir les tribunaux en cas de discrimination, elles renforcèrent le rôle des syndicats  légalisèrent les comités d'hygiène et de sécurité... La loi sur les 35 heures, le RMI, la CMU... Ce qui permit le maintien d'une protection qui reste aujourd'hui supérieure à la plupart des autres pays. En 2015, l'ensemble dès prélèvements sociaux tournaient autour de 45,5% du PIB en france contre 26,4% aux EU, 36,9 % en Allemagne et 46,6% au Danemark. Ces transferts ont permis de mettre fin à la misère des personnes âgées, de répondre à la demande d'éducation et de santé, d'assurer un minimum vital aux plus pauvres". (P 715).

Néanmoins, la gauche a abandonné le peuple. Dit Gerard Noiriel dans la conclusion de son livre.

myopathie


Un phénomène nouveau est apparu : les insultes, les violences verbales, les menaces, parfois les voies de fait que subissent les élus. Les condamnations de ces agressions se généralisent.



Vous avez entendu des élus du Pays Basque français s’exprimer sur le sujet ? Pas moi. Si vous avez entendu, faites le moi savoir. Silence.



Offre d’explication. Tous ces élus silencieux, Vincent Bru, Max Brisson, Jean-René Etchegaray, Michel Veunac, etc… se sont tus quand leurs collègues étaient abattus, séquestrés, torturés au Pays Basque espagnol. Ils sont ainsi appris à se taire. Ou bien à dire « il y a des victimes des deux côtés ». Pourquoi voulez-vous qu’ils s’expriment pour une lettre anonyme, un mur de briques dans le jardin, des broutilles ?



L’indignation contre la terreur est un muscle qui s’atrophie quand il n’est pas utilisé. Au Pays Basque français, l’indignation contre la terreur est attente de myopathie avancée.  

mardi 3 septembre 2019

maintenant on peut le dire


Maintenant, on peut le dire.

 

Depuis la mort de Franco (1975)  jusqu’à 2011, date du cessez-le-feu d’ETA, une organisation terroriste a tué plus de huit cents personnes, s’est attaqué à un pays démocratique, a menacé, racketté, torturé, le Pays Basque espagnol et l’Espagne toute entière. Le Pays Basque français a relativement été épargné, l’ETA souhait utiliser son territoire comme sanctuaire.

L’organisation terroriste ETA a été vaincue politiquement, par les manifestations de la société espagnole, militairement, par la coopération entre la police française et espagnole. Elle a fini par déposer les armes.

La fin de l’horreur a été suivie par la bataille du récit. Ces barbaries étaient-elles nécessaires ? Au Pays Basque espagnol, les terroristes condamnés sont héroïsés par une partie de l’opinion publique (les abertzales radicaux), fêtés à leur sortie de prison, invités sur les estrades. Ces manifestations sont condamnées par la majorité des partis et de l’opinion du Pays Basque espagnol.

L’organisation terroriste s’est adressée au Pays Basque français pour lui demander d’accepter son récit de légitimation. Elle a trouvé une oreille attentive, une sympathie surprenante. Elle ne cesse depuis de féliciter la « classe politique » du Pays Basque français qu’elle déclare « engagée et responsable ». Tous les élus du Pays Basque français ont accepté la médaille, certains activement, comme Jean-René Etchegaray, au nom de l’agglomération, Vincent Bru La République en Marche, député, Max Brisson, sénateur LR, Frédérique Espagnac, sénatrice socialiste, Michel Veunac, maire Modem. Ils ont tous accepté l’ignominie de l’expression « victimes des deux côtés »,  mettant sur le même plan Yoyès et son assassin, Josu Ternera et les enfants victimes à Saragosse. Ils ont admiré « la décision unilatérale »  d’ETA, demandé aux gouvernements français et espagnol de blanchir les assassins sans jamais exiger d’eux pardon ou repentir. Ceux qui n’étaient pas d’accord se sont tus. Jean-Jacques Lasserre s’est exprimé, courageusement. Il a reçu une association de victimes. Dans le conseil municipal de Biarritz, une conseillère a refusé le blanchissage, Brigitte Pradier. A Anglet,l’ancien maire Jean Espilondo s’est exprimé. Tous les autres ont accepté silencieusement la présence de leur maire aux cérémonies blanchisseuses. EH BaÏ a salué à nouveau une classe politique « engagée et responsable ». Les organisations de victimes d’ETA, de France et d’Espagne ont exprimé leur colère. Elles ont rencontré au Pays Basque français boules Quies et masques de sommeil.  

En mars prochain, auront lieu les élections municipales. L’Observatoire du Pays Basque va s’adressera aux candidats pour leur demander s’ils vont accepter de participer aux funestes cérémonies des Blanchisseurs qui s’auto nomment Artisans de la Paix. Les premiers contacts confirment les difficultés de l’entreprise.

Ils et elles affirment la main sur le cœur que s’ils sont élus, ils ne participeront pas aux manifestations des Blanchisseurs, ne diront pas « victimes de deux côtés ». Mais ils ajoutent : si je l’annonce avant d’être élu, je ne serai pas élu, parce que je n’aurai pas le soutien de Jean-René Etchegaray, pour qui la Pastorale du blanchissage est l’œuvre politique de sa vie. Ni celui de Max Brisson, présent à l’inauguration de la hache sculptée aux côtés des assassins d’ETA. Ni de Vincent Bru, qui trouve les assassins emprisonnés « corrects ».

Donc, je rencontre des candidats qui partagent mes opinions, qui disent qu’une fois élus, ils ne participeront plus au carnaval des teinturiers. Mais il faut d’abord qu’ils soient élus. Et pour être élu, il ne faut pas parler de la soumission généralisée au récit des terroristes.

Sauf qu’une fois élus avec l’appui de Jean-René Etchegaray, Max Brisson, Vincent Bru et Frédérique Espagnac, ils se tairont parce qu’ils ne voudront pas se fâcher avec ceux qui les ont aidés à être élus. Ainsi, Guy Lafite, qui pourrait signer ce présent texte, a gardé un silence prudent parce qu’il ne voulait pas rompre avec le maire de Biarritz.

Il semble donc que nous sommes partis pour le renouvellement d’une classe politique «engagée et responsable », qui sera à nouveau félicitée par EH BaI et par tous les séparatistes.

Il y a peut-être une solution. Ceux des élus qui ne se représentent pas pourraient peut-être parler, dire qu’en situation de pouvoir, ils ne pouvaient pas briser l’unanimité, mais qu’à présent, ils sont libres d’exprimer leur opinion. Ils pourraient dire « je détestais l’expression « victimes des deux côtés ». Ils détestaient le spectacle grotesque des blanchisseurs regroupés autour du symbole d’ETA,  ni le spectacle grotesque de la blanchisserie, ni les félicitations à l’organisation terroriste pour avoir renoncé « unilatéralement » à  la terreur. Ni l’oubli et le mépris de ses victimes. Maintenant ils peuvent le dire.

dimanche 1 septembre 2019

migrations


Aujourd’hui, environ 250 millions de femmes et d’hommes vivent dans un pays où ils ne sont pas nés. Parmi eux des individus qui ont fui les guerres, les difficultés de leur pays de naissance, plus les élites économiques qui sont de plus en plus mobiles.



Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, entre douze et quatorze millions d’Allemands durent quitter leur patrie, un cinquième de la population de l’époque.  A la fin de la guerre d’Algérie, un million de « Pieds noirs » ont quitté leur foyer pour la France.



La recherche d’un foyer : se rattachait naguère à l’endroit où nous avions grandi. Aujourd’hui : c’est la recherche d’un lieu imaginaire que nous désirons rejoindre au cours d’un processus qui dure toute la vie. Recherche d’une communauté, d’une famille, d’une harmonie intérieure avec le monde. Un endroit qui offre la possibilité de s’enraciner en soi-même.





(Daniel Schreiber, je suis né quelque part, paris, autrement, 2019) (2017)