Motifs d’inquiétude
Ce matin 24 septembre 2019, je me
réveille avec des paysans qui allument des feux pour protester. Protester
contre quoi ? Des maires veulent limiter l’emploi de pesticides. Et ils en
ont assez de se faire insulter. Donc ils allument des feux.
Hier, des automobilistes
mécontents de ne pas pouvoir massacrer deux cents personnes sur les routes en
roulant à plus de 80 à l’heure ont détruit des radars. Les fabricants du
médicament mediator sont accusés d’avoir tué plus de huit cents personnes. Des manifestants
mécontents ont saccagé les laboratoires de vérification et tagué la maison d’Irène
Frachon.
Hier, des professeurs ont retenu
des copies d’examen. Le ministre a déclaré que les sanctions seraient lourdes :
retenue sur salaire. Les paysans allument des feux et aucun responsable ne
parle de sanction.
Désormais, les manifestations
diverses sans lesquelles un samedi ne serait pas un samedi sont infiltrés par
des black blocs. Partout des
manifestations se déroulent, à Londres, Berlin, New York, les black blocs n’y vont pas. Ils
choisissent Paris. Pourquoi ?
Une première raison est l’acceptation diffuse de ces violences. Entre une fraction
des gilets jaunes et les Black blocs,
se tisse une complicité plus ou moins affirmée. S’il y avait un refus de
principe de la violence, de la destruction des biens, des insultes contre la
police, des jets de pierre contre les forces de l’ordre, il y aurait moins de
casseurs dans les manifestations. L’acceptation de la violence commence dans
les têtes.
Si cette violence est acceptée, c’est
parce que les pouvoirs publics, le gouvernement, l’ont légitimée. Cette
violence a rapporté plus de douze milliards. Guère de holdups aussi efficaces. Si
les manifestations étaient restées pacifiques, pas de vitrines cassées, pas de
pillage, combien de milliards accordés en moins ? Combien de millions d’euros
pour l’écologie ? Cinq cents millions ont été débloqués. Les Champs-Elysées
en flammes rapportent douze milliards.
Dans l’Irlande rurale du 19ème
siècle, quand les propriétaires terriens augmentaient le loyer des fermes trop
brutalement, les paysans s’organisaient en sociétés secrètes, ils se peignaient
le visage en noir (black blocs déjà),
mettaient le feu aux récoltes, mutilaient le bétail. Quand ces manifestations
se multipliaient, le loyer de la terre baissait. L’historien Eric Hobsbawm nommait
des relations sociales « négociations collectives par l’émeute ». Michael
Davitt a créé un syndicat paysan, la Land
League. Il s’adressait aux propriétaires : si vous voulez que cesse la
violence agraire, les émeutes, les incendies, il faut négocier avec mon organisation.
Voici les raisons de mon
inquiétude. Je n’aimerais pas que la vie politique se résume à un face à face
entre des responsables politiques réformateurs, progressistes et intelligents,
et une bande d’abrutis pilleurs de magasins, destructeurs de radars et allumeurs
de feu.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire