Sauf exception, il
ne peut pas y avoir tous les jours des poussées d’adrénaline. Ni cinq fois par
jour. Si vous recherchez une forte poussée d’adrénaline, il vous reste à les
provoquer. Car dans la vie courante, la majorité des minutes est composée
d’absence de poussée d’adrénaline.
Les moyens
mécaniques d’une poussée d’adrénaline sont légion. Les différents médicaments,
alcools, drogues, coke, crack et Lexomil, plus antidouleurs à forte dose. Plus les
accidents provoqués, une voiture s’enfonce dans la vitrine, le rasoir qui coupe
une veine. Ils vous sont interdits. Pour des raisons d’amour-propre. D’amour de
soi. Vous vous rendez compte, diront vos alentours, il se détestait au point de
se saouler la gueule dès le réveil, un œil s’ouvre, une main dégage la couette
et le verre de vodka du matin vous fouette le sang. Puis des antistaminiques, des
opiacés, des dopages divers, EPO et vinaigrette vous maintiennent jusqu’à l’ouverture
des bistros dans une ambiance survoltée. A midi, frites et mayonnaise plus une
bonne bouteille de vin rouge. Un dormifère, un dormifuge, un dormiphile pour la
sieste. Le martini vous remet debout, puis une lame de rasoir scarifie une surface
au hasard, vous tombez dans l’extase de Jésus fils de Marie sur la croix, de Gavroche
sur une barricade, de Thérèse à Lisieux, de Cosette dans les bras de Jean Valjean,
de Mélenchon devant un officier de police. Faut-il poursuivre jusqu’au bout de
la nuit ?
Chacun de ces
moyens, chacun de ces gestes, vous enfonce davantage dans une haine de soi qui
est très mal vue, socialement, moralement, religieusement, physiquement, jugée négativement
par la famille, par les proches, par les serviteurs des différentes religions,
par les services administratifs, par les hôpitaux. Surtout par les hôpitaux. Leurs
services sont encombrés de malades, de blessés, de mourants, de jeunes enfants
entourés de parents en larmes, qui occupent les lits pour des raisons
extérieurs, accidents de route, métastases, virus, germes, piqures, agressions,
maltraitances et voilà que des gens qui n’ont rien subi du monde extérieur ont
décidé parce qu’ils ne s’aimaient pas, de se soumettre volontairement à des
actions mortifères, destructrices, volontairement, comme s’ils voulaient se
suicider. L’infirmière, le médecin, le chirurgien, l’anesthésiste, réagissent
en chœur : s’ils ne s’aimaient pas à ce point, il existe des moyens
radicaux et efficaces, se jeter d’une tour de vingt étages. Se lancer sous la
rame de métro. Ainsi, vous n’encombrez pas nos lits tout simplement parce que vous
ne vous aimez pas. Vous vous rendez compte, poursuit le chœur des soignants,
des internes et des kinés, si tous ceux qui ne s’aimaient pas se précipitaient
aux urgences, nous serions submergés, nous serions contraints de faire grève,
enfin de mettre un bandeau « en grève » autour du bras, nous serions
en brûlure extérieure, fiévreux, harassés.
Heureusement, le
monde vous offre un choix de poussées d’adrénaline dont certaines sont
acceptables par les institutions qui acceptent et refusent, pas les réservoirs
d’idées, par les académies de morale, par les cercles d’éthique et les
sentences de bienséance. L’une des plus connues est la compétition, la bagarre,
le concours, l’épreuve d’entrée, le ring. Le sport, bien entendu, le plus
évident, je cours plus vite que toi. Un
coup de poing et tu pleures. Les bagarres physiques individuelles ou en groupe,
par équipes (de deux à quinze). Les compétitions politiques, intellectuelles et
religieuses. Toutes les formes de spectacle, piano, chansons, théâtre,
marionnettes.
Plus l’amour
évidemment. Tellement évident qu’on finirait par l’oublier.
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