Je me rappelle les
épisodes douloureux d’une vie qui se poursuit. Je me rappelle les épisodes
euphorisants d’une vie qui coule. Quand le calendrier impitoyable me souffle à
l’oreille qu’un jour le monde tournera sans moi, que je devrai me préparer à
cette disparition, je réponds au calendrier impitoyable que c’est au monde à se
préparer à mon absence. C’est au calendrier de tricoter les jours. Parce que je
me souviens.
Les événements
heureux ou malheureux n’avaient jamais leurs raisons d’être dans le calendrier.
Pourquoi et à partir de quelle date devraient-ils trouver racine dans l’horloge
et dans l’agenda perpétuel ? Si le calendrier commande les sentiments, cette
contrainte peut durer dès que le calendrier se met en marche, ce minuteur impitoyable
qui se déclenche à la naissance, certains disent même à la conception. Mon père
s’est à peine retiré du ventre de ma mère, un ovaire vient de rencontrer la graine
et le sablier se retourne, le sable coule. A partir de ce moment, vous pouvez
vous soumettre à ce flux régulier, tenter de retourner le sablier dans l’autre
sens et vous passerez votre vie à freiner inutilement les aiguilles.
Ou ignorer ces
grains qui rongent les journées et vous rendre compte que le temps ne commande
rien. Il n’y a que des événements, des rencontres, des attentes, des refus, des
explosions, des accidents, des lettres, des nominations, des ruptures, des
colères. Que tous ces événements ne cessent jamais et que ceux qui croient le
calendrier et pensent que ces événements vont cesser à cause du calendrier ont
tort. Ce qui peut cesser, c’est la recherche de ces événements pour des raisons
diverses. Certains peuvent arrêter très tôt, de ne plus chercher. D’autres
placent la fin des recherches à la retraite, à un divorce, à une maladie. Et
certains encore décident d’attribuer la fin des événements au calendrier. Mais
le calendrier n’y est pour rien. C’est eux qui ont décidé. Ils ont cru que le
calendrier leur imposait le rythme de vie.
C’est une terrible
erreur qui peut même empêcher de vivre. Observez les aiguilles, le sablier, le
minuteur, l’horloge, elles n’ont aucun autre pouvoir que celui que vous lui
attribuez. Je me rappelle ces terribles moments où vous attendiez une réponse,
une acceptation, un refus, et pour interrompre la souffrance de l’attente, vous
étiez prêt à tout, à vous précipiter à la bibliothèque et emprunter des romans
policiers par dizaines, des films à suspense. A fumer comme un sapeur et boire
pour vous enivrer. Pires que tout, ces moments de tristesse lourde ou vous
aviez l’impression que plus rien n’arriverait, que vous avez terminé votre
cycle d’activité et d’affection. Ces moments arrivaient dans l’enfance, dans l’adolescence,
dans la maturité, ils n’avaient rien à voir avec le calendrier.
Un jour, la
musique du temps qui passe va tenter de vous persuader que le calendrier
commande. Ne l’écoutez pas. Le
calendrier ne commande rien.
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