jeudi 30 avril 2020

FOLIES


Dans un monde normal, les évènements se multiplient. Grèves des trains, arthrose, nausées, un film de bonne réputation qui se joue au cinéma à portée de marche.  La boîte informatique qui explose, l’aîné qui ramène une moyenne de huit sur vingt, la compagne qui vous prend dans un coin, j’ai quelque chose à te dire, j’ai rencontré quelqu’un avec qui je veux refaire ma vie, la personne que vous poursuivez de vos assiduités depuis des années qui vous déclare d’accord, essayons pour voir. Événements joyeux ou dramatiques. Et  puis le confinement. Reprenez la liste imaginaire ci-dessus à l’âge des cavernes. Au néolithique, au paléolithique, au Moyen Âge, à la Renaissance, pendant la Guerre de Cent ans, pendant la révolte des paysans, pendant les Trente Glorieuses. Vous mélangez, vous broyez, vous mixez, vous arrosez le jus obtenu avec le confinement, le confinement comme vinaigrette, comme assaisonnement, comme les quatre saisons de Vivaldi et la symphonie du Nouveau monde de Dvorak, plus la Marseillaise et l’Internationale au dessert.



Je vous le dis franchement, il, y aurait de quoi perdre la tête. Or voici que nous vivons une période de l’histoire de l’humanité où un masque est nécessaire pour acheter le quotidien, pour apprendre que quatre fois quatre égale seize, que les baisers fougueux ne sont plus interdits par l’inquisition ou par la charia, mais par un bout de tissu. Les églises sont vides et les hôpitaux pleins. Des prophètes sans vision, sans culture, quasiment analphabètes, sont persuadés qu’on peut guérir les maladies les plus graves par la lecture d’A la recherche du temps perdu, Les voyages de Gulliver, Gargantua et Pantagruel.



Or, bizarrement, l’humanité continue de vivre comme si tout était normal. Un masque pour une baguette de pain. Si vous vous préparez à braquer une banque, il faut remplir un formulaire indiquant l’urgence de l’action (besoin d’argent), l’heure de l’action (pendant les heures d’ouverture), s’arranger avec les autres braqueurs de banque pour ne pas se retrouver plus de deux dans le hall, porter un masque et nettoyer chaque billet de banquet avec un liquide désinfectant, ne pas oublier d’apporter votre propre stylo pour signer un reçu.



Pendant que les librairies étaient fermées, vous lisiez avec une liseuse. Pour acheter de nouveaux livres, il faut donner le numéro de votre carte bancaire. Vous perdez votre carte bancaire. Après trois semaines d’attente, vous recevez notre nouvelle carte bancaire. Pour acheter de nouveaux livres sur votre liseuse, il faut donner le numéro de la nouvelle carte. Mais on vous demande alors le code d’accès et l’identifiant pour entrer le nouveau numéro. Vous passez des heures et des heures à chercher un nouveau code et un nouvel identifiant alors que pourriez lire pendant tout de temps perdu la recherche de ce temps éponyme. L’informaticien qui pourrait me dépanner est coincé à la Guadeloupe, le technicien me transfère de service en service et déjà la nuit tombe.



Jamais, au grand jamais, je n’aurais cru quand je cueillais des mûres et des noisettes dans les chemins creux, jamais je n’aurais cru me trouver dans cette situation.

lundi 27 avril 2020

trois mondes


Trois mondes.



Dans le premier, les rues sont quasiment désertes, les restaurants fermés, les passants masqués, parfois, pas toujours, se disent bonjour. Des enfants roulent à bicyclette. Les vitrines des magasins sont aveugles. Le premier monde est le mien quand je vais acheter un journal ou une baguette de pain, vestiges d’un passé tout proche. Il est aussi le mien quand je regarde les débats et les informations sur ce qu’il faut faire et ne pas faire pour alléger la pression sur les hôpitaux qui sont pleins.



Dans le second monde, des reportages dans les hôpitaux et les ehpads, des discussions interminables, des spécialistes qui nous expliquent comment un nouveau monde est en train de naître et qu’il faut y réfléchir.



Dans le troisième monde, des parcs d’attraction rutilants de lumière, des appartements de vacances au bord de l’eau, des lampes tournantes et des couples heureux de vivre. Des voitures roulent le long de la mer, des manifestations contre les interdictions de manifester, des festivals de musique. Des policiers poursuivent des bandits, des cadres supérieurs courtisent des stars javellisées et des garçons apportent des boissons alcoolisés sans que personne ne leur ait rien demandé. Dans le troisième monde, des espions les poches pleines de devises hèlent un taxi qui n’attendait que ça et se roulent sur un matelas à eau avec une créature de rêve.



            Le premier monde est un peu morne, mais on y trouve un peu de vie. Des enfants qui pleurent et qui rient. Des parents qui échangent en respectant les distances. Le second tourne en rond.



            Le troisième monde toujours très actifs, toujours très applaudi est en fait le plus répétitif de tous et pourtant il réussit à nous faire oublier le premier et le second.



            Je ne sais pas bien où placer les échanges téléphoniques qui font dialoguer des parallépipèdes et des lèvres souples, les lectures toujours promises enfin réalisées ; parmi lesquelles je vous conseille Samuel Beckett et la conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole.

samedi 25 avril 2020

du Père Lachaise à Château Rouge

J’aimerais tant rassurer mes amis, leur dire que le chemin vers la mort est bordé de lilas, de nouilles et de noisetiers. Sauf le bref chemin d’un accident, d’un choc létal, ou d’un suicide Chanel, la plupart des routes qui mènent au cimetière comportent des ronces et des cailloux tranchants. J’aimerais dire à ma famille, à mes amis qu’ils ne devraient pas se faire trop de soucis. Un jour il est là un jour il n’est plus là. Il faudra jeter à la poubelle les mouchoirs qui ne doivent servir qu’une seule fois par cercueil.

Tu le sais bien puisque tu as perdu des proches, des amis et jamais au grand jamais tu n’as vraiment partagé leur descente aux enfers. C’est encore pire depuis le coronavirus. Il banalise toutes les autres maladies. Toutes les autres morts. Sir Edmund Hillary se fracassant dans une crevasse serait relayé en page huit du Sun, la mort de Johnny Hallyday en page nécro de Libération. Le coronavirus banalise un cancer du poumon au point où si vous vous présentez aux urgences avec de la fièvre et des difficultés respiratoires, vous passez directement aux premiers rangs avant la détection, mais si vos difficultés respiratoires et votre fièvre sont tout aussi dramatiques mais ne sont pas coronaresques, vous serez repoussé au bout de la file.

Inutile de se plaindre. Le temps où il était glorieux de mourir sur une barricade n’est pas lointain même s’il reste encore Régis Debray pour célébrer Gavroche. Chaque période se fabrique sa hiérarchie de faucheuse.

Arrêtons. Nous n’allons pas nous rendre intéressants parce que la mort approche. Si tel est le critère, montrez-moi quelqu’un qui n’est pas intéressant. Non. Si vous voulez à tout prix vous rendre intéressant, effacez la répétition, la banalité, les bons sentiments, l’amour fou, l’amitié sans faille, les aventures collectives. Que reste-t-il de nos amours, brouillards épais, rampe de métro lustrée comme le sexe de Victor Noir par trois générations de ma famille. Voilà qui est intéressant. Il faut chercher bien sûr, éliminer. Mais comparer la patine de la rampe du métro Château Rouge au lustre du sexe de Victor Noir, voilà qui peut retenir l’attention. S’il y avait une pancarte sur le gisant de Victor Noir expliquant que le cuivre de la sculpture provient d’une rampe de métro, les gestes considérés comme déplacés au Père Lachaise se réduiraient comme neige au printemps alors qu’une notice explicative en haut de la rampe de Château Rouge rappellerant que le cuivre lumineux provenait du sexe sculpté de Victor Noir, ralentirait considérablement la descente jusqu'au quai.

jeudi 23 avril 2020

je vous en prie


Quand les choses vont mal, quand les dettes s’accumulent, quand les douleurs frappent, quand la maladie terrasse, quand les deuils se suivent, des amis croyants m’affirment que  prier fait du bien, atténue les souffrances, sèche parfois les larmes. Je veux bien les croire. S’ils me le disent, ils n’inventent pas, dans les circonstances dramatiques que nous traversons, on ne plaisante pas avec le bien et le mal.

Les gardiens des différents temples tempèrent les certitudes joyeuses. Pour que les prières soient efficaces, disent les curés, imams, pasteurs, rabbins et autres bouddhas, il faut les pratiquer dès les premières années de sa conscience malheureuse. Si vous commencez trop tard, elles ne répondront pas à vos souhaits. Tu n’avais qu’à commencer quand tu étais jeune, me répond la cible de de ma prière. Maintenant, c’est trop tard.

Voici pourquoi les différentes religions prennent soin des premières années de notre vie. D’abord, lorsque des couples se forment, plus importants que les contrats de mariage sont les promesses d’élever le fruit de leurs entrailles dans l’orthodoxie la plus stricte. Du sein qui nourrit coule le lait d’une pureté sacrée. Ensuite, les écoles doivent être religieuses, dès la maternelle. Sainte-Marie, Saint-Jean, yeshivas dans des salles aux fenêtres closes, des pieuses récitations du Coran et de la Bible. Lâchés ensuite dans la nature d’une société diversifiée, où les croyances s’affaibliront les unes les autres par leurs différences, il leur restera à tous cet apprentissage que rien ne pourra effacer. Ils passeront par des phases de doute, de  négation peut-être, ils se marieront dans des offices divers, mais il restera toujours cette initiation où l’on ira prier dans un lieu du culte que mon Dieu, faites que la révolution américaine tombe comme sujet du bac.

Vous voyez où je veux en venir. Élevé dans une famille athée, dans un environnement laïque, j’ai traversé mon enfance nourri par un sein matérialiste, fréquenté des établissements scolaires où les religions étaient étudiées comme des sujets d’histoire, convolé sans rien promettre sur l’éducation des enfants à naître et aujourd’hui que j’accepterais volontiers qu’une puissance supérieure atténue mes douleurs et me permette d’aller emprunter des livres à la médiathèque, mon absence de pratique m’interdit de pénétrer dans un lieu de culte ou de glisser une lettre dans les fissures du mur saint pour demander que Clothilde accepte de me regarder au moins une fois avec un regard langoureux.

Ainsi réduit à l’impuissance, je ne trouve pas d’autre solution que d’espérer que ceux qui ont appris à prier avant même d’apprendre à monter sur une bicyclette de m’inclure dans leurs prières. Est-ce une faiblesse de ma part ? Un furtif abandon de la raison ? Non. Je ne leur demande rien. Si une personne qui m’aime pénètre dans une église pour demander à Dieu de guérir mes écrouelles, je ne lui ai rien demandé, elle ne m’a rien suggéré, c’est une affaire entre elle et son Dieu. C’est juste un signe d’affection.

mercredi 22 avril 2020

âger de concert


Le monde fatigue et moi aussi.

L’âge fatigue. Il n’a pas besoin de maladies ou d’accidents pour fatiguer. Il lui suffit d’âger. Cette fonction de l’âge est magique. Son objectif est de fatiguer, et il n’a rien à faire ; aucun effort, aucune compétence, pour remplir sa fonction. Chacun peut en faire l’expérience. S’il réussit à interrompre quelque temps la fonction de l’âge, il sera moins fatigué.

Malheureusement, je ne connais personne qui sache où se situe l’interrupteur de l’âge. L’âge poursuit donc sa fonction sans crainte sinon sans reproche.

Revenons maintenant au réel. J’âge donc je suis. S’ajoute à cet âgage quotidien une maladie qui fatigue davantage et non seulement cette maladie fatigue, mais les soins pour la soigner, provoquent aussi une fatigue intense. Le résultat est logique. Fatigue de l’âge, plus fatigue de la maladie, plus fatigue des soins aboutissent à une immense fatigue que j’ai un peu de mal ici à décrire tant elle épuise les fonctions physiques et intellectuelles.

Or, le hasard et les circonstances se sont unis en une rencontre exceptionnelle. L’âge fatigue le monde comme il fatigue les gens. Mais depuis environs deux ou trois mois, le monde est frappé d’une maladie qui le fatigue davantage que les ravages habituels. Non seulement le monde était déjà pas mal fatigué par son âge mais il est frappé d’une maladie qui lui abime toutes ses fonctions habituelles, réduit ses fonctions familières, affaiblit ses muscles et ses neurones. Comme si ces ravages ne suffisaient pas, les soins utilisés pour tenter de réduire les dégâts de l’agâge pathologique ont des effets secondaires qui accentuent la faiblesse accidentelle. Le résultat est connu de tous : les flux nerveux, les échanges intercontinentaux, la production des produits de première nécessité, les aires de repos indispensables, les surfaces qui permettent production de légumes et reproduction des élites se réduisent et parfois sont complétement fermées. Les marchandises et l’argent ne circulent plus.  

La situation est dramatique. L’âge du monde a pris de l’avance sur l’âge des gens. Sept milliards d’êtres humaines veulent naître, apprendre, aimer, s’amuser, vivre enfin, et le monde les en empêche. Tout le monde est malheureux.

Moi seul suis en harmonie avec le monde tel qu’il est. Une grande lassitude, les réseaux embrouillés, les portes fermées, une immense tranquillité. Combien de gens sont en harmonie avec le monde tel qu’il est ? J’en fais partie. C’est peut-être cela le bonheur.

lundi 20 avril 2020

fin de vie fin du monde


Faim de vie, fin de vie, fin du monde



Il faut apprécier à sa juste valeur une conjonction inédite entre une catastrophe planétaire, une maladie généralement considérée comme terminale, une date de naissance qui de toute manière vous situe aux premiers rangs dans ces machines à sous ou en introduisant une dernière pièce de monnaie qui pousse les premières vers la sortie, vous approchez à chaque pièce ajoutée la chute terminale.  D’ailleurs vous remarquerez que les joueurs de  ces machines infernales sont généralement très jeunes.

Cette conjonction vous oblige. Je ne vais pas faire semblant de me lever le matin de bonne humeur, de me coucher le soir en sifflotant. Je veux bien mentir à des connaissances qui ne sont pas de vrais amis, qui sont juste polis, qui croient rattraper une vie terne par des formules de politesse qui ressemblent à des faireparts. Mais aux vrais amis, aux vrais membres de la famille qui attendent de moi un minimum de vérité, je me dois d’être sincère. Je tiens une occasion unique de mixer fin du monde, fin de vie. Ça ne se reproduira pas deux fois et je veux en tirer le maximum. Aux autres, à la question « comment ça va ? », je réponds super bien.

Voyons ce qui vous rattache encore au monde : le sourire de la compagne qui se réveille quand elle entend mes soupirs de douleurs, qui m’accompagne toute la journée assombri parfois par quelques débuts de larmes, le doliprane qui calme la fulgurance, la lamaline qui atténue, les conversations avec les enfants, les neveux, les nièces, le gâteau russe, le verre de vin, Hercule Poirot et le lieutenant Colombo qui résout l’énigme par une intuition simple : comment le meurtrier aurait-il pu s’introduire dans la chambre à coucher s’il n’avait pas emprunté la clé ajourée au valet de chambre qui lui-même était l’amant passionné du principal actionnaire ? Hercule Poirot en revanche est beaucoup plus psychologique. N’ayant plus honte de rien, je reconnais que les dialogues d’une grande débilité entre Zorro et le Sergent Garcia m’arrachent parfois un sourire. Ma compagne qui respecte ma culture ne supporte pas ce lien ténu avec ce qu’elle considère à juste titre comme le degré zéro de l’intelligence humaine et l’un de mes jeux favoris est lui demander un médicament dans une pharmacie suffisamment éloignée pour que je puisse voir en entier un épisode de ce feuilleton. Quand elle est là, sa réprobation est si forte qu’elle finit par modifier le numéro de la chaîne.

Quelques pages d’un livre inédit dont malheureusement il sera difficile avec de discuter avec des amis car les amis ont disparu. Ils sont morts, ou malades, ou ne sont plus des amis ou peut-être sont-ils restés des amis à condition qu’on ne discute jamais plus d’une livre important, genre La fille de l’Espagnole  qui décrit la société vénézuélienne depuis que Hugo Chavez a pris le pouvoir et comment poursuivre la discussion avec quelqu’un qui reste persuadé que c’est l’impérialisme étatsunien qui a plongé Caracas dans le chaos.

Le verre de vin, le regard encore, le coronavirus qui tue dans l’œuf une manifestation de solidarité pour le coroneta, des tueurs qui tuent des complices d’assassins, sont des plaisirs simples et toujours appréciés.

Je vous dois la vérité. Dans la situation actuelle, je n’arrive plus à capter cette étincelle qui allume quelques sourires. C’est trop me demander. J’appuie sur un bouton de cet instrument magique dont le nom m’échappe si souvent, ou télécommande, et aussitôt, le coronavirus pollue l’atmosphère. Je commande la fermeture et les douleurs m’envahissent, troublent le plaisir d’écrire. Assis, j’ai mal, debout je souffre. Et en plus vous voulez que je vous fasse sourire par quelques formules magiques. Ne m’en demandez pas trop. L’essentiel de mon temps consiste à fuir le coronavirus par des moyens informatiques, comme les jeux de solitaire, ou à me tortiller sur le fauteuil ou dans le lit pour chercher une position où j’aurais moins mal. Hier j’ai fait le tour du pâté de maison au bras de ma compagne, j’ai vu la mer, j’avais mal à la hanche, mais le plaisir des vagues surmontait la douleur. Telle est ma vie. J’ai terminé la fille de l’espagnole, et je suis en train de poursuivre la lecture de Roderick Random, par Tobias Smollet. Il me faut trouver des lectures dont le plaisir l’emporte sur la douleur. Rares sont celles-là, mais elles existent.
Je vous demande pardon d’avoir contribué aujourd’hui à plomber davantage une atmosphère déjà trop lourde.

samedi 18 avril 2020

coroneta virus


Pays Basque Epidémie de coroneta.



                       Maintenant que le virus est vaincu, il est possible de faire son histoire, d‘en tirer un bilan. 850 morts pour un million d’habitants, ce serait environ 50 000 morts pour une population comme celle de la France. Du côté espagnol, la terreur, l’intimidation, la fuite, l’exil. Deux générations gravement abîmées, des familles détruites, des confinements dans des prisons pour ceux qui ne regrettent rien et refusent de demander pardon. Des tueurs sont en fuite, en exil, des partisans fêtent leur retour, et défilent devant les maisons de leurs victimes, en chantant des chansons pandémiques.



                       L’origine de cette épidémie est controversée. Pour certains historiens, le régime franquiste interdisait toute action politique non armée et il ne restait plus aux antifranquistes que le recours à la violence armée. Mais Franco est mort en 1975 et sur les 850 morts, huit cents ont été abattus après sa mort. Il faut donc trouver d’autres sources de cette épidémie. On trouvera plusieurs foyers de diffusion du virus coroneta. Chaque fois, en commun, l’idée que les chemins démocratiques pour accéder à des objectifs politiques, comme l’autonomie ou l’indépendance, sont longs, difficiles, il faut convaincre, entraîner, soumettre à des élections aléatoires.  Alors qu’un groupe d’hommes déterminés, bien organisés, peut frapper un grand coup, assassiner un dirigeant, déclencher une répression impitoyable qui entrainera de nouveaux partisans. Anarchistes, bande à Bonnot, Bande à Baader, Action directe, Lénine et son avant-garde, Fidel et ses foyers.



                       Le coroneta ne peut donc se diffuser qu’avec un minimum d’acceptation de la population. Un confinement strict, le refus du moindre contact, l’horreur devant tous les discours qui le justifieraient, sont des moyens efficaces de le combattre. Il faut aussi un certain soutien politique à ceux qui le combattent aux premières lignes, militaires, policiers, juges, gardiens de prison. 



                       Ces moyens n’ont pas été suffisants dans les principaux foyers de coroneta, en Europe, en Irlande du Nord, en Corse, au Pays Basque espagnol et il a fallu deux générations de partisans de la paix, de manifestations contre les tueurs, de soutiens aux chercheurs et aux intellectuels pacifistes pour que les bandits politiques se résignent à la défaite..



                       Quand les terroristes ont été vaincus, des élus, des militants, des associatifs, des craintifs, qui s’étaient confinés quand la terreur faisait rage sont sortis du trou, Ils ont demandé clémence pour les assassins, ont nié la réalité de la terreur, n’ont pas eu le cran de condamner sans détour les coronetas, On les nomme coronetistes ou artisans négationnistes. Quand ils croisent des victimes du coroneta, ils font un détour.

vendredi 17 avril 2020

sepulveda


« Luis Sepulveda évoque l’assassinat dans la rue, par l’ETA, du journaliste Jose Luis Lopez de Lacalle. Sous un parapluie « il fait  ses derniers pas avec les derniers journaux sous le bras, les milliers de derniers mots, avec cette imperceptible sécurité des hommes que Brecht disait indispensables : ceux qui ont lutté toute leur vie. L’assassin, lui, a agi à l vitesse des lâches, de ceux qui évitent de regarder en face, qui haïssent les grandes vérités appelées maison, enfants, table, paroles, démocratie, être, liberté, futur ». …Il connaissait la violence de l’Histoire ; il n’aimait pas celle des tueurs ». (Philippe Lançon, « Luis Sepulveda, ultime exil », notice nécrologique de libération 17/04/2020.

excuses et sympathie


En sortant de la médiathèque, dans le temps pas si lointain où elle était ouverte, j’attendais la navette qui descendait l’avenue de Verdun pour me remonter ensuite vers le quartier Bibi, derrière l’école Paul Bert. Je portais dans une sacoche une dizaine de livres, toujours plus que nécessaire, parce qu’il arrivait souvent que les premières pages me décourageaient de poursuivre et donc la dizaine de livres se réduisait comme peau de chagrin. Jusqu’ici, il ne m’est pas jamais arrivé de renoncer à lire la totalité de la dizaine de livres empruntés, ce qui est un bon point sur la qualité intellectuelle qui nous entoure.

Généralement, la navette passait tous les quarts d’heures ou toutes les vingt minutes. Quand le temps le permettait, je m’asseyais sur le rebord d’une vitrine. Si le temps était foutraque, je me réfugiais sous l’auvent d’une boutique de location de vélos. L’environnement n’était guère propice à l’ouverture d’un livre et d’un journal et j’inventais un système simple pour que le temps s’accélère. Je choisissais un nombre, par exemple 90, et chaque fois qu’une voiture passait devant moi avenue de Verdun dans un sens ou l’autre, j’enlevais un point. Dans l’espoir qu’ayant épuisé ma cagnotte de voitures apparaîtrait enfin la navette attendue. À force de répétitions, je m’approchais toujours plus du chiffre exact, sans jamais l’atteindre évidemment.

Cette activité avait un sens. À la naissance, vous êtes doté d’un capital de véhicules qui défileront pendant quelques dizaines d’années : repas, rencontres, amours, enfants, engagements politiques ou culturels, accidents, maladies, compétitions physiques ou intellectuelles, rendez-vous, jeux, catastrophes. La liste est sans fin.  Puis le temps passe et si vous avez la chance ou la malchance de dépasser l’âge moyen statistique, les amis, les anciens amours, ceux qui vous détestent parce que vous leur avez rendu service, ceux qui blêmissent dans la liste des voitures, réduisent la file des véhicules. Sans compter ceux qui disparaissent pour des raisons personnelles ou politiques et qui reviennent se glisser dans la file parce que vous êtes atteints d’une maladie vraiment grave, genre cancer du poumon avec métastase dans le pancréas.

Ces derniers posent des problèmes sans fin. Ceux qui vous détestent parce que vous avez mis le doigt sur des positions politiques, culturelles, considérées comme infâmes se sentent obligés d’envoyer un message de sympathie pour l’anévrisme de l’aorte ou la maladie de Schwartzenfield. C’est un passage obligé pour rester dans la liste des personnes qui jamais ne veulent se défaire du minimum humanitaire. Si vous avez dénoncé des faiblesses personnelles, lâchetés, couardises, égoïsmes, c’est encore pire, car vous vous pouvez appartenir à des groupes de poltrons de droite ou de gauche et si vous les avez dénoncés en tant que tels, comment dire à l’heure des métastases que malgré la brutalité de vos dénonciations, vous êtes pardonnés, car alors, vous donnez quelque substance à vos accusations. Le plus simple est d’utiliser une formule standard : genre « je suis très sensible à votre message de sympathie ». Pour bien me faire comprendre, j’ai écrit pas mal d’articles où je dénonçais le manque de courage des courtisans de Marchais et compagnie. Ceux-là apprenaient sans broncher les migrations de mes métastases. Ceux qui m’envoient des messages de sympathie pré-mortem affaiblissent leurs convictions.

Quand les batailles faisaient rage à l’intérieur du mouvement communiste, des amis d’enfance, des frères, qu’on retrouvait régulièrement dans des repas chaleureux, des fêtes de naissance, des enterrements de proche, se trouvaient contraints de choisir. Cette contrainte mérite le détour parce que nous n’étions pas au pouvoir, je pouvais parler à un déviant sans risquer le goulag, et pourtant tout se passait comme si. Croisant un ancien ami devenu ennemi, il me saluait froidement, allait pour les plus audacieux jusqu’à me dire, tu comprends j’étais obligé, sinon je perdais mon poste, ma mairie, ma carrière, mon logement. C’était comme ça. Comme je disposais de la bienveillante protection de l’université, je pouvais me permettre. Dans ma révolte confortable, je perdais la moitié de ma vie, une chronique hebdomadaire, un reportage, un livre dont la clientèle était assurée. Eux perdaient tout.

Ce qui m’était insupportable étaient les messages de sympathie à l’occasion d’un accident de santé. Mon cher Maurice, miaulaient-ils, je viens d’apprendre la nouvelle, crois à ma sympathie dans cette épreuve. Ce message syrupeux me signifiait que ma rupture avec mon engagement de toute une vie n’était pas aussi grave qu’une appendicite. Ma rupture était publique, tout le monde était au courant, la presse communiste me condamnait, la presse bourgeoise m’applaudissait. Pas un coup de téléphone, pas un mot de la part de mes frères. Genre : « on n’est plus d’accord, mais ça n’empêche pas l’amitié, ou le souvenir d’une amitié ». Non. Rien. Silence.

Pour mes anciens amis, un cancer du poumon valait à lui tout seul tous les crimes du communisme.

En ayant quitté le communisme, en ayant migré à l’autre bout de France, je croyais enfin être tranquille. Hélas, j’ai rencontré le conoreta virus. Tout s’est mis en place pour un nouveau schisme.

mercredi 15 avril 2020

elle est juste méchante


Elle n’est pas de droite, elle n’est pas de gauche, Madame Arosteguy, elle n’est pas d’extrême-droite, elle n’est pas d’extrême –gauche. Elle n’est pas du centre non plus. Alors, comment la situer ?



                       Quand je vois les visages de Trump, Poutine, Bolsonaro, Salvini, Marine le Pen, Ménard, Modi, Viktor Orban, Erdogan, je me pose la même question : sont-ils de de droite, sont-ils de gauche, d’extrême-droite ou d’extrême-gauche ?



                       Ce qu’ils ont en commun, ces visages qui fustigent les étrangers, c'est à dire tout le monde, les Mexicains, les Musulmans, les Juifs, les Noirs, les Blancs, c’est la haine de ceux qui sont différents. Ceux qui ne sont pas d’ici. Les Touristes, les Homosexuels, les Bayonnais. Les Femmes.



                       Madame Arosteguy n’est pas de droite, elle n’est pas de gauche, elle n’est pas d’extrême-droite, elle n’est pas d’extrême-gauche. Elle n’est pas du centre droit,  ni du centre gauche, ni du centre centre. Elle est juste méchante.



                       Je n’ai aucune idée de ce qui lui a fait rencontrer parmi les habitants de Biarritz un vieux monsieur qui a vécu une partie de son enfance dans Paris occupé, il avait huit ans et portait au revers de son manteau une étoile jaune. Ce vieux monsieur avait oublié cet épisode, mais en fait, il en avait été profondément marqué. Savez-vous que lors d’un récent réveil post-opératoire, il eut  l’impression dans cette grande salle d’hôpital, d’une scène de pogrom, des commerçants juifs chassés de leur boutique par des pogromistes. Allez savoir ce qui remonte lors d’une scène sortie d’anesthésie.



                       Madame Arosteguy, candidate au poste de maire de la ville, s’est demandé ce qui pourrait faire pleurer le vieux monsieur dont je parle. Très simple : elle va partager l’humanité en deux parties : ceux qui ont construit les camps de concentration nazis et ceux qui ne les ont pas construits. Les gentils sont ceux qui ne les ont pas construits, les méchants ceux qui les ont construits.



                       En lisant dans la presse cette déclaration assez honteuse il faut dire, le vieux monsieur, un imbécile de pleurnichard, un connard de rescapé, un éphémère porteur d’étoile, s’est tout simplement effondré en larmes. Ça lui a remis en mémoire toute son enfance dans Paris occupé.



                       Qu’est-ce que ça lui a rapporté à Madame Arosteguy ? Pas une seule voix. Des protestations. Ce n’était pas une déclaration d’extrême droite, ni d’extrême gauche, ni du centre ni de la périphérie ? Elle voulait juste me faire pleurer.



                       C’était juste de la méchanceté.

mardi 14 avril 2020

11 mai


Les écoles reprendront peu à peu à partir du 11 mai. À nouveau, les jeux des enfants dans la cour de récréation sauteront par-dessus le mur de l’école Paul Bert, rebondiront sur le mur du bâtiment rue Lousteau et viendront disputer l’espace sonore avec le coronavirus du France Inter de 13 heures. Les petits seront à nouveau confinés à l’école de huit heures trente à 11h30 et de 13.30 à 16.30. Les seniors resteront confinés  avec la permission de sortie habituelle.



J’ai compris que j’aurai le droit, si mes forces le permettent, d’aller jusque chez le marchand de journaux acheter le Monde et Libération qui me fournissent quotidiennement les arguments fondés pour combattre à la fois l’extrême-droite, représentée à Biarritz par qui vous savez que je n’ai pas le droit de dire qu’elle est d’extrême-droite parce que sinon, elle me poursuit au tribunal mais comme elle prend la place de l’extrême-droite traditionnelle, et où voulez-vous que je la place alors que même Max Brisson lui reproche d’exagérer, de mordre le trait ? Et que des antisémites notoires la soutiennent ? Et aussi de combattre l’extrême gauche mais qui n’est pas un danger pressant dans notre ville, alors que l’extrême-droite est aux portes du pouvoir municipal, avec 30% au premier tour et que si les électeurs de Biarritz ne veulent pas être représentés à l’hôtel de ville par une maire condamnée par la LICRA, le Rabbinat de France, le consistoire, le Syndicat des Journalistes et tous les autres candidats ils doivent faire plus d’effort pour se parler, se regrouper, parce qu’après on a en aura pour six ans et si vous croyez que ça vous aider à attirer des séminaires, des congrès, vous vous trompez. Vous vous imaginez recevoir des visiteurs pas du tout au courant qui au hasard d’une conversation découvriront que c’est elle qui a prononcé l’immonde (ils n’ont quand même pas construit des camps) et ils diront, non ce n’est pas vrai, c’est elle qui a dit ça et vous l’avez élue ? Biarritz une ville si tolérante si ouverte sur le large, alignée sur Bézier ou sur Fréjus ? Je ne vous crois pas. Je lui montre les articles de presse, et ils prennent un air désolé, mes amis.



Bon, jusqu’au 11 mai, on ne parle pas de ce qui pourrait fâcher. C’est l’union sacrée contre le coronavirus. Après le 11 mai, reprise de la bataille pour que Biarritz reste Biarritz.

lundi 13 avril 2020

une nouvelle ère


Vint l’époque où dans l’histoire de l’humanité, les hommes produisirent plus que leurs besoins. C’est la première phrase de tout manuel d’économie politique. Que faire du surplus ? Ton lopin de terre permet la récolte de cinquante kilos de pomme de terre. Toi et ta famille en consomment quarante. Quand tu en produisais quarante, la demande et l’offre s’équilibraient et s’il y avait dans les environs une source d’eau potable, une caverne pour vous protéger du mauvais temps, une colonie de visons pour te tenir au chaud quand tu quittais la caverne et faire le beau le jour de la fête du feu, la vie ressemblait tellement à un paradis sur terre que personne n’imaginait que le paradis pût se trouver autre part que sur terre. Le paradis, c’était la terre. L’enfer n’existait pas. Bien sûr, il arrivait que la Berthe tournât autour du compagnon de Marthe. Mais ce genre de situations irritantes était nécessaire pour que les ancêtres racontent des histoires au coin du feu. « Savez-vous mes enfants, pourquoi Berthe n’aimait pas  Marthe ? ».  



Vous connaissez la suite. Des sociétés philanthropiques distribuaient le surplus à ceux qui étaient hors d’état de cultiver : les trop jeunes, les trop vieux, les paresseux et les poètes. D’autres utilisèrent leur force pour s’approprier le surplus au nom du principe « la propriété, c’est le vol ». Pour protéger leur bien, les groupes de producteurs organisèrent des brigades spéciales. Le tout se déroula selon une logique implacable jusqu’au débarquement du coronavirus.



Pourquoi le coronavirus et pas la pilule du bonheur ? La nature dans sa grande diversité peut tout se permettre et aurait pu créer une molécule anéantissant les vices et les méchancetés, les égoïsmes et les jalousies qui ont poussé sur le surplus de dix kilos dont je parlais plus haut. Non. Il a fallu qu’elle crée un virus qui empêche les hommes de respirer et donc les condamne à mort. C’est dégueulasse.



La faute à qui ? La faute à Jésus et à tous les prophètes qui l’ont précédé et suivi. Pour fonder une religion durable, Dieu, son père, a envoyé son fils sur terre subir d’atroces souffrances. Les premiers chrétiens furent massacrés, torturés, envoyés aux galères, mangés par les lions sauf une ou deux exceptions. Jésus lui-même était capable de guérir les malades et de multiplier les surplus de production mais il n’a pas empêché le chemin de croix, les coups de fouets, les clous pour le faire tenir droit sur la croix. C’est au prix de ces tortures que la religion chrétienne put prétendre au statut d’une des plus importantes religions du monde. Le modèle était désormais inscrit dans la chair et l’esprit des hommes. Pas de religion sans souffrance. Quand on a passé une bonne soirée avec des amis, un apéro décoiffant, un repas goûteux, puis une main habile lance une liste de chansons à danser, on lance des plaisanteries, on flirte, on se frotte et d’où avez-vous jamais sortir d’une telle soirée sans défaut le début du commencement d’une nouvelle religion ?



Chrétiens, musulmans, protestants, bouddhistes, juifs, communistes, tous sans exception durent subir leur part de souffrances pour être acceptés comme religion universelle. Même aujourd’hui, alors qu’elles sont installées, reconnues, officielles, il leur faut de temps en temps des piqures de rappel pour montrer qu’elles sont toujours capables de souffrir.



Les choses apparaissent ainsi clairement. Le coronavirus est le début d’une nouvelle religion. Une religion universelle, toute l’humanité est frappée. Dans les journaux, les radios, les réseaux sociaux, les coins de rue et les ronds-points, des prophètes en expliquent les théories, les préceptes, les morales, les règles de vie. Elle a déjà transformée nos lieux d’habitation en lieux de culte. Chaque maison devient une cellule de monastère, chaque habitation une église d’où les fidèles ont fait le vœu de sortir le moins possible. Les lieux de confinement, lieux d’exception dans la civilisation d’antan, se généralisent. On regarde comme hérétiques ceux qui les quittent sans raison. Certains lieux sont des surfaces de double confinement : les monastères et les hôpitaux. Bethleem ou Belharra, Hôtel Dieu ou Abbaye de Lisieux, enferment leurs pensionnaires en exigeant vœu d’hygiène et de chasteté.



Personne ne sait encore qui émergera comme le gourou en chef de ce foisonnement de prophéties et de certitudes. Une seule chose est claire. Nous vivons une rupture historique.

samedi 11 avril 2020

cumul


Pourquoi la perspective d’un éloignement durable rend-elle morose ? Des milliards d’humains se posent la question quand le ciel se brise et la réponse est banale. Hobbes entre autres nous l’a donnée dans le Leviathan. Partagez le monde entre ce qui nous fait du bien et ce qui nous fait du mal. L’être humain est spontanément attiré par ce qui lui fait du bien. La colonne des évènements plaisants doit l’emporter sur la colonne des événements désagréables, sinon, le malheureux accueillerait la fin de ses souffrances avec bonheur. Logiquement, normalement. Mais si l’hypothèse se vérifiait, une bonne moitié de la population se jetterait sous les trains, les rames de métro, de l’étage le plus létal d’un immeuble construit pour d’autres usages, piocherait dans l’armoire à pharmacie des mélanges malfaisants, se lancerait sous un autobus hybride et trouverait dans la rubrique faits divers des moyens de partir définitivement.

Remarquons ici que la promesse de l’au-delà aussi enchanteur fût-il ne console guère. Toutes les religions promettent la survie au-delà du délabrement de l’enveloppe charnelle. L’idée d’abolir la mort est un puissant adjuvant moral. La seule religion qui ne vit que de la mort est l’athéisme et c’est pour cette seule raison qu’elle n’est pas une religion. Toutes les autres nous promettent des paradis, la droite du seigneur, des harems, de délicieux jardins. L’athéisme ne promet que le souvenir humain et le paradis pour le présent.

Une fois cela admis, il faut reconnaître que lors des enterrements,  la tristesse des proches est aussi prégnante dans les mosquées, dans les églises, dans les temples que dans la salle de crémation d’un cimetière d’une grande métropole pleine de libres penseurs.

Depuis deux semaines l’humanité à horizon d’homme et à taille de regard adulte est confinée. Les temps sont terreaux de gourous. Quel système d’explication totale  accorderait à un virus laid comme un pou le pouvoir de bousculer les alvéoles du poumon au point de les rendre inutilisables ? En quelques heures, l’oxygène vient à manquer. En quelques heures le monde bascule. Il nous reste l’éther, les tuyaux, les rayons. Tout est à repenser.

Parmi les questions non résolues, celle du remboursement à cent pour cent. Personne n’a décidé si la maladie provoquée par le coronavirus est remboursée à cent pour cent, comme le cancer et les affections cardiaques. Je connais personnellement des individus qui ont des anévrismes de l’aorte (remboursés cent pour cent), un cancer du poumon (cent pour cent). Il me semblerait juste que les dégâts provoqués par le covit 19 le soit également,  car ils cumulent les deux précédentes pathologies.
Je me suis renseigné auprès de la sécu. Ils ne savent pas. Mais ils ne savent pas non plus si la couverture à cent pour cent se cumule ou s’annule. Dans un magasin, un produit disons par exemple une machine à laver, est vendue avec une réduction de cent pour cent. Ce qui signifie qu’elle est gratuite. Si pour mieux faire tourner le stock, le vendeur refait une nouvelle réduction de cent pour cent, est-ce que ça veut dire qu’il vous donnera le prix de la machine si vous l’achetez ? Si vous disposez d’une couverture de deux fois cent pour cent, la sécu va-t-elle vous rembourser les soins deux fois ? On comprend qu’elle hésite à accorder à nouveau cent pour cent le coronavirus. On pourrait aboutir à des situations où seraient remboursés trois fois les soins prodigués. Or le budget de la sécu ne le permet tout simplement pas.

du bruit ou résultats


Heureusement les aboiements cessent généralement après vingt heures. Sinon, ce serait insupportable. Jean-Luc Mélenchon, dans sa recherche éperdue du poste d’aboyeur en chef dispose de nombreux atouts : une palette vocable étendue, un esprit vif, le sens de la répartie. Il ne lui manque que les résultats. Or, d’un homme politique, on demande des résultats. Il déclare incarner le peuple qui souffre, les pauvres, les exclus. Mais quand vient l’heure du bilan, les malheureux lui demandent « qu’as-tu obtenu pour nous ? ». L’éloquence cesse, la gorge se bloque.

D’où vient cette faiblesse ? Évidente. C’est le refus des alliances. Jean-Luc Mélenchon a plus obtenu plus en quelques mois de secrétariat d’état à l’enseignement technique, pour les catégories qu’il affirme défendre, que pendant des décennies de discours étincelants. Il était ministre d’un gouvernement de la gauche unie. Voyez le communiste Ian Brossat. Même discours ciselé, même intelligence vive. Heureusement pour les Parisiens les plus pauvres, il fait partie d’un gouvernement de coalition avec la socialiste Anne Hidalgo et les locataires et propriétaires les plus modestes ne peuvent que s’en féliciter. Les  ministres Maurice Thorez, François Billoux, Ambroise Croizat, Anicet le Pors, Jacques Ralite, … n’ont obtenu des résultats que dans des gouvernements de coalition.
Hors de cette réalité, il faut passer à autre chose. L’Abbé Pierre a obtenu des logements d’urgence, Coluche a fondé les restos du cœur. Chaque jour, des dizaines de milliers de bénévoles fournissent une aide efficace aux plus démunis. On les entend moins que Jean-Luc Mélenchon, mais leur bilan est plus éloquent.

jeudi 9 avril 2020

rouge blanc


Chers amis, je suis malade. Très malade. Je ne vois pas pourquoi je le cacherais. Il faut bien vivre d’une maladie quelconque. Cette maladie ne me donne aucun droit. Sauf de continuer à raconter des histoires. Elle n’est pas très longue, j’espère que vous la lirez jusqu’au bout.



           Voici donc une histoire inventée. Quand j’étais jeune, très jeune, j’étais malade, gravement atteint, d’une autre maladie : le nationalisme. Je voulais à tout prix l’indépendance de mon peuple basque, malheureusement ce souhait était minoritaire. J’ai donc entrepris de convaincre mon peuple dans l’erreur à coups de bombes, de racket, d’assassinat que mon option était la bonne. C’était la lutte armée. La lutte armée s’est menée entre les clients d’un grand magasin, eux ils avaient leur caddy et moi des bombes. C’est ce qu’on appelle une lutte armée. Ensuite j’ai continué la lutte armée contre une caserne de gardes civiles, onze morts dont cinq enfants. Tous les enfants étaient armés jusqu’aux dents. J’ai poursuivi ensuite la lutte armée contre une mère de famille, sur une place de marché. Elle était armée d’un cabas et de son enfant. Plus tard, le maire de ma ville affirmait avec tact et élégance qu’il «y avait des victimes des deux côtés ».



           La colère montait contre mon groupe et nous nous sommes résignés. Il fallait renoncer à cette lutte armée que mon peuple condamnait de plus en plus fort sous le nom de terrorisme. Le même nom accolé aux djihadistes. Intenable. Alors battus, défaits, nous avons cessé la « lutte armée » et pour tenter de sauvegarder quelques gouttes du sang investi, nous nous sommes adressés aux élus du Pays Basque français. Voilà. Vous reprenez notre récit, lutte armée et victimes des deux côtés, et en échange nous cessons le feu, nous vous remettons le reste des explosifs qui ont tué les huit cents « victimes de l’autre côté » et vous acceptez l’idée que personne n’a gagné, pas de vainqueurs, pas de vaincus. La « lutte armée » a fait si peu de morts chez vous. Max Brisson, Frédérique Espagnac, Jean-René Etchegaray, Vincent Bru, Michel Veunac, ont tous écrit « victimes des deux côtés » et « lutte armée » sur un morceau de papier, l’ont roulé en boule et l’ont avalé. Ils attendent quinze minutes, et s’il n’y a pas d’indigestion, ils signent.



           Pour des raisons qui s’inscrivent dans une histoire mondiale de la lâcheté en politique, la majorité des élus a accepté de reprendre le récit, ou n’a rien dit. Chacun jugera ce qui est le pire.



           Je m’inscris dans cette histoire parce que j’ai été arrêté, condamné à une longue peine d’emprisonnement. À force de vivre, je suis tombé très malade. Nos amis se sont réunis et ont demandé ma libération parce que j’étais très malade. Ils disent raisons humanitaire, règles de droit.



           Et puis, je me suis demandé : en quoi d’être très malade me donne plus de droit qu’un assassin en bonne santé. Si vous assassinez huit cents personnes parce que vous étiez déjà fort malade, ça vous donne des droits supplémentaires d’être soigné et même  libéré ? Je me suis dit que je pourrais améliorer ma situation en envoyant une lettre aux survivants de mes attentats, en leur demandant pardon, en leur déclarant que mon action fut folie meurtrière et que c’est d’abord à ces survivants qu’il faut demander leur avis sur ma libération anticipée.



Ceux qui reprennent nos mots de sang, « lutte armée » et « victimes des deux côtés, prolongent dans un grand sourire notre incarcération. Ils s’en fichent, ils vivent en liberté.

mercredi 8 avril 2020

coucou les revoilà




Vous lirez plus bas le texte rendu public le 8 avril. Un texte signé par nos représentants politiques :

Le sénateur Max Brisson,

le député Vincent Bru

Le président de la communauté basque,et maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray

La sénatrice Frédérique Espagnac

Michel Veunac, maire de Biarritz.

Kotte Ecenarro Maire d'Hendaye,



Plus des compagnons utiles :LUCIEN BETBEDER, Président du Biltzar des Maires du Pays Basque et Maire de Mendionde. ANAIZ FUNOSAS, Présidente du mouvement civil Bake Bidea, JEAN-NOËL « TXETX » ETCHEVERRY Artisan de la paix.





Qui ont tous apporté leur soutien au texte des blanchisseurs, de la terreur, (plus connus sour le nom de « Artisans de la Paix) et la Voie de la Soumission  (plus connue sous le nom de « Bake Bidea).



Notez précieusement les noms de ceux qui n’ont pas signé. Ils montrent courage, conviction ou résignation.



Si j’utilise des adjectifs d’une certaine violence, c’est que je suis guidé par une grande colère. D’abord parce que parmi tous ces hommes et femmes, alors que la violence terroriste faisait rage au Pays Basque espagnol faisant plus de huit cents morts, il n’a y a jamais eu de « cheminots de la paix » ou « d’artisans de la paix » pour participer aux immenses manifestations contre l’ETA. Curieusement, ces élus et hommes de bonne volonté, comme Rip Van Winkle endormi pendant la guerre, se sont réveillés en 2011, au moment du cessez-le-feu d’ETA pour demander avec force la libération des terroristes.



Pour que leur demande ait une certaine légitimité, il fallait transformer ces terroristes en « combattants ». C’est ainsi que cette période qui a vu une minorité armée agresser une société démocratique gouvernée par des nationalistes modérés, se nomme par cette minorité « lutte armée », ou « conflit », avec des victimes des deux côtés. Lisez les mots ils reprennent fidèlement la transcription de l’histoire par les héritiers de l’ETA.



           De même, l’arrêt de la violence armée, le désarmement, ne sont pas des décisions unilatérales de l’organisation terroriste, ne doivent rien à la société civile au Pays Basque français, qui s’est réveillée longtemps après la découverte des charniers et l’arrestation des terroristes. Ces événements sont le résultat d’une victoire d’une société espagnole refusant la terreur, et de la coopération entre deux états de droit.



L’un des derniers exemples : En octobre 2000, un fonctionnaire espagnol est assassiné par l’explosion d’une voiture piégée. 19 ans plus tard, les auteurs de cet assassinat ont été condamnés à 33 ans de prison, grâce aux documents remis par Edouard Philippe à Pedro Sanchez en février 2018.            Pendant que les Artisans de la Paix négociaient avec ETA la dissimulation des preuves de ses crimes, la police française découvrait d’autres armes et des tonnes de documents qui vont permettre d’élucider une partie des meurtres non punis. (Sud-Ouest 03/10/2019).

Le dernier mensonge de ce texte, n’est pas le moindre : les signataires ont déjà décidé que le Pays Basque n’était pas en France. Les « prisonniers ont été condamnés par la justice française ». Une justice étrangère » ? La « société » les libère. L’état étranger les maintient en prison. La preuve : ces élus de la République n’ont jamais posé une question au gouvernement sur la situation des prisonniers qu’ils prétendent défendre. Ils font partie de la majorité présidentielle (Vincent Brun), de l’opposition de droite (Mac Brisson) de l’opposition de gauche (Frederique Espagnac). Jamais pendant toutes ces années ils n’ont demandé l’autorisation de leur groupe de poser une question écrite ou orale sur cette question. Parce qu’ils savent que le Modem, La République en Marche ou le PS ont à la fois des principes et des alliances internationales qui les empêchent la moindre complicité avec le terrorisme.

Une dernière remarque. Pas la moindre. Alors que le pays tout entier (dont je crois ils font partie) est plongée dans une lutte contre la mort, ils profitent de cette paralysie politique pour relancer leur campagne. Ils profitent de la mort pour défendre des tueurs. Ce sont vos élus. Ils savent, parce que leur chemin et leur artisanat n’ont jamais rien demandé aux terroristes arrêtés, que chaque libération d’un tueur arrêté est suivie de fêtes, de libation, de danses. Tous des rassemblements interdits et dangereux en cette période de confinement. Ils méprisent déjà les morts tués par l’ETA. Grâce à leurs revendications, ils vont permettre aux tueurs de faire d’autres victimes.



Texte commenté :







, Voici trois ans jour pour jour, le 8 avril 2107, la société du Pays Basque dans sa diversité sociale et politique procédait au désarmement de l’ETA. Nous disions devant 20 000 personnes: « Désarmer, c’est marquer un point de rupture entre le passé et l’avenir! (…) Il faudra aborder la question des victimes, de TOUTES les victimes: elles sont au cœur du processus de paix ». Et nous rappelions aussi avec force qu’il fallait « cesser d’infliger des conditions de détention que rien ne justifie si ce n’est une volonté de faire souffrir ». Refuser systématiquement les mesures de liberté conditionnelle, priver les prisonniers de leurs liens familiaux, ce n’est rien d’autre qu’une volonté de sanction qui s’ajoute à la sanction!

Trois ans après, cet appel est d’une actualité dramatique, car cela fait exactement 30 ans que Ion Parot, Jakes Esnal et Xistor Haramboure sont incarcérés en France. Condamnés à perpétuité par la justice française pour des faits commis en Espagne entre 1978 et 1989, ils auraient eu, s’ils avaient été jugés en Espagne, c'est-à-dire là où ils ont commis les attentats, une condamnation maximum de 30 ans. Aujourd’hui, ils auraient été libres…

 Or, ils ont été jugés à la perpétuité en France, avec une période de sûreté de 15 à 18 ans. Bien que cette période soit largement dépassée, toutes les demandes d’aménagement de peines ont été refusées. Même après l’arrêt définitif de la lutte armée au lendemain de la conférence d’Aiete, même après le désarmement total de l’ETA, et même après sa dissolution voici deux ans. Même lorsque le Tribunal d’Application des Peines accorde l’aménagement de peine, le parquet refuse toute perspective en la matière !

La situation est incompréhensible, injuste et dangereuse. S’il n’y a pas la décision de les libérer aujourd’hui, cela veut dire que le choix politique est assumé : celui que ces prisonniers devront accomplir leur peine jusqu’à la mort ! Dans un Pays qui a aboli la peine de mort depuis presque 40 ans, nous comprenons ce que cela signifie et nous ne pouvons l’accepter. Tout comme nous ne pouvons accepter que l’engagement unanime, sans faille, de la société dans sa diversité soit vain. Cela aussi est incompréhensible, injuste et dangereux.

Nous sommes à un moment crucial du processus de paix. Pour qu’il aille jusqu’au bout, pour que toutes les conséquences du conflit soient traitées au mieux, il faut alimenter la perspective de paix durable. La société fait tous les efforts en ce sens, l’Etat doit en faire de même : c’était le message que nous avons compris du Président Macron l’année dernière à Biarritz. Nous voulons croire en la parole publique, et nous voulons qu’au plus haut niveau de l’Etat, la parole publique soit respectée.

Parce qu’on ne peut pas accepter qu’ils accomplissent leur peine jusqu’à la mort. Il faut libérer Ion Parot, Jakes Esnal et Xistor Haramboure.