Quand les choses vont mal, quand les dettes s’accumulent,
quand les douleurs frappent, quand la maladie terrasse, quand les deuils se suivent,
des amis croyants m’affirment que prier
fait du bien, atténue les souffrances, sèche parfois les larmes. Je veux bien
les croire. S’ils me le disent, ils n’inventent pas, dans les circonstances
dramatiques que nous traversons, on ne plaisante pas avec le bien et le mal.
Les gardiens des différents temples tempèrent les
certitudes joyeuses. Pour que les prières soient efficaces, disent les curés, imams,
pasteurs, rabbins et autres bouddhas, il faut les pratiquer dès les premières
années de sa conscience malheureuse. Si vous commencez trop tard, elles ne
répondront pas à vos souhaits. Tu n’avais qu’à commencer quand tu étais jeune,
me répond la cible de de ma prière. Maintenant, c’est trop tard.
Voici pourquoi les différentes religions prennent soin
des premières années de notre vie. D’abord, lorsque des couples se forment,
plus importants que les contrats de mariage sont les promesses d’élever le fruit
de leurs entrailles dans l’orthodoxie la plus stricte. Du sein qui nourrit coule
le lait d’une pureté sacrée. Ensuite, les écoles doivent être religieuses, dès
la maternelle. Sainte-Marie, Saint-Jean, yeshivas dans des salles aux fenêtres
closes, des pieuses récitations du Coran et de la Bible. Lâchés ensuite dans la
nature d’une société diversifiée, où les croyances s’affaibliront les unes les
autres par leurs différences, il leur restera à tous cet apprentissage que rien
ne pourra effacer. Ils passeront par des phases de doute, de négation peut-être, ils se marieront dans des
offices divers, mais il restera toujours cette initiation où l’on ira prier
dans un lieu du culte que mon Dieu, faites que la révolution américaine tombe
comme sujet du bac.
Vous voyez où je veux en venir. Élevé dans une famille
athée, dans un environnement laïque, j’ai traversé mon enfance nourri par un
sein matérialiste, fréquenté des établissements scolaires où les religions
étaient étudiées comme des sujets d’histoire, convolé sans rien promettre sur l’éducation
des enfants à naître et aujourd’hui que j’accepterais volontiers qu’une puissance
supérieure atténue mes douleurs et me permette d’aller emprunter des
livres à la médiathèque, mon absence de pratique m’interdit de pénétrer dans un
lieu de culte ou de glisser une lettre dans les fissures du mur saint pour
demander que Clothilde accepte de me regarder au moins une fois avec un regard
langoureux.
Ainsi réduit à l’impuissance, je ne trouve pas d’autre
solution que d’espérer que ceux qui ont appris à prier avant même d’apprendre à
monter sur une bicyclette de m’inclure dans leurs prières. Est-ce une faiblesse
de ma part ? Un furtif abandon de la raison ? Non. Je ne leur
demande rien. Si une personne qui m’aime pénètre dans une église pour demander
à Dieu de guérir mes écrouelles, je ne lui ai rien demandé, elle ne m’a rien
suggéré, c’est une affaire entre elle et son Dieu. C’est juste un signe d’affection.
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