Trois mondes.
Dans le
premier, les rues sont quasiment désertes, les restaurants fermés, les passants
masqués, parfois, pas toujours, se disent bonjour. Des enfants roulent à
bicyclette. Les vitrines des magasins sont aveugles. Le premier monde est le
mien quand je vais acheter un journal ou une baguette de pain, vestiges d’un
passé tout proche. Il est aussi le mien quand je regarde les débats et les
informations sur ce qu’il faut faire et ne pas faire pour alléger la pression
sur les hôpitaux qui sont pleins.
Dans le second
monde, des reportages dans les hôpitaux et les ehpads, des discussions
interminables, des spécialistes qui nous expliquent comment un nouveau monde
est en train de naître et qu’il faut y réfléchir.
Dans le
troisième monde, des parcs d’attraction rutilants de lumière, des appartements
de vacances au bord de l’eau, des lampes tournantes et des couples heureux de
vivre. Des voitures roulent le long de la mer, des manifestations contre les
interdictions de manifester, des festivals de musique. Des policiers
poursuivent des bandits, des cadres supérieurs courtisent des stars javellisées
et des garçons apportent des boissons alcoolisés sans que personne ne leur ait
rien demandé. Dans le troisième monde, des espions les poches pleines de
devises hèlent un taxi qui n’attendait que ça et se roulent sur un matelas à
eau avec une créature de rêve.
Le
premier monde est un peu morne, mais on y trouve un peu de vie. Des enfants qui
pleurent et qui rient. Des parents qui échangent en respectant les distances. Le
second tourne en rond.
Le
troisième monde toujours très actifs, toujours très applaudi est en fait le
plus répétitif de tous et pourtant il réussit à nous faire oublier le premier
et le second.
Je
ne sais pas bien où placer les échanges téléphoniques qui font dialoguer des parallépipèdes
et des lèvres souples, les lectures toujours promises enfin réalisées ;
parmi lesquelles je vous conseille Samuel Beckett et la conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole.
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