lundi 18 mai 2020

les trois réveils


Certains réveils sont lourds, d’autres légers, d’autres indifférents. Si les réveils sont lourds, les mots pour les décrire seront pesants. S’ils sont légers, les mots pour les saluer seront zéphyrs. S’ils sont indifférents, les mots seront ennuyeux comme une pluie bretonne sur des lauzes endormies.



            Ce matin, je ne vais pas vous dire dans quelle catégorie fut mon réveil. Ça ne vous regarde pas. Est-ce qu’une seule personne au monde se demande le matin comment fut mon réveil ? Vous pensez vraiment qu’une seule personne, déjà préoccupée par son réveil individuel, se pose la question « comment est mon réveil ? ». Lourd, léger, indifférent ? Si personne ne se demande comment fut mon réveil, il n’en reste qu’une seule qui se pose la question parce que selon la nature du réveil, l’atmosphère du logis change, l’électricité se déplace dans l’air différemment.



            Vous pourrez objecter que si ne vivez pas seul, la nature du réveil va forcément influer sur les relations plus ou moins proches. Avec votre partenaire, naturellement « dis-donc, tu t’es réveillé léger ce matin », ou bien « tu t’es réveillé lourd ? ». Ou bien « tu n’es pas bien réveillé ». Pour votre partenaire, c’est important la nature du réveil parce qu’elle décide la qualité des relations dans l’intervalle de temps qui sépare le réveil de l’un du réveil de l’autre et en cas de confinement, cet intervalle de temps dure toute la journée. Pour les enfants, la qualité du réveil des parents est primordiale car elle déterminera la différence entre une scène de petit déjeuner d’une famille américaine habitant un bungalow dans une résidence du New Jersey où toutes les relations humaines sont lumineuses, ou bien l’horreur des relations humaines dans une banlieue de Memphis sur le modèle d’une chatte sur un toit brûlant. Le pire se trouvant dans le théâtre d’Eugene O’Neill, notamment dans long days’ journey into night.



            Je m’égare. Que vous viviez seul ou en famille, ou en couple, ou en colocation, en prison, en pensionnat, en maison de retraite, il y a un moment plus ou moins long où vous êtes seul face à votre réveil, l’estomac lourd ou le cœur léger, et ce moment-là n’est pas le même selon des ondes dont la plupart vous échappent.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire