mercredi 6 mai 2020

le feuilleton


Une planète lointaine habitée par des êtres intelligents vient de découvrir que la terre est attaquée par un coronavirus qui met en danger sa survie. Depuis des dizaines de milliers d’années, ils nous suivent dans un feuilleton hebdomadaire qui  a énormément de succès, depuis le néolithique jusqu’au pithécanthrope, les guerres de religion et la grippe espagnole, Hiroshima et Nagasaki et puis ce putain de merde de coronavirus comme si c’était la fin du monde.



Dans ce feuilleton, certains épisodes étaient plus réjouissants. La Renaissance, la Réforme, les Lumières, la bataille d’Hernani et la Flûte enchantée, les films de Frank Capra, Hamlet et le Misanthrope, la pénicilline et l’état providence, les Beatles, la Pyramide du Louvre, la Joconde et le Front populaire.



Nos amis de cette lointaine planète observèrent un phénomène nouveau et inquiétant. Dans toutes les catastrophes qui frappaient la planète terre, guerres et maladies, une petite musique, plus ou moins déterminée, chantait « ça ira mieux demain ». Or, depuis l’offensive du coronavirus, cette musique était en train de disparaître. Ils avaient l’impression que pour l’humanité qui portait la planète terre, ça n’irait pas mieux demain. Pendant toute son histoire, l’humanité avait été portée par l’idée que ça irait mieux demain et que si ce refrain disparaissait, l’humanité jusque-là portée par l’espoir de lendemains qui chantent sombrerait dans la désespérance. Son avenir même était en jeu. Car si ça n’irait pas mieux demain, pourquoi se battre pour demain ?



Dans cette planète lointaine, cette idée était insupportable. Le feuilleton terre tenait leur société debout et si l’humanité disparaissait, ils risquaient de la suivre dans la submersion. Ils se réunirent fiévreusement et finirent par trouver une solution. Chaque habitant de la planète lointaine enverrait un message chaque habitant de la planète terre lui expliquant qu’il ne faut jamais baisser les bras, que rien ne vaut la vie, qu’il ne faut jamais désespérer. Ils lui envoyèrent même un hologramme de Jésus et de Marx qui eut quelque succès.



Les Terriens appréciaient modérément les messages lointains. L’espoir était dans les messages, mais eux vivaient avec le coronavirus. Ils répondirent par dizaines de millions par un message qui disaient en substance : s’ils voulaient la poursuite du feuilleton, ils n’avaient qu’à nous envoyer un vaccin contre le virus. Les habitants lointains se frappèrent le front. Mais nous avons sûrement ça dans nos dossiers. Et effectivement, ils trouvèrent dans une éprouvette une molécule tueuse de coronavirus.



Depuis, le feuilleton a repris.

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