mardi 26 mai 2020

mieux avant


Vélo le long de la Marne jusqu’à Champigny, puis descente vers les guinguettes.

Des tables rondes, une bouteille de vin blanc, l’orchestre de trois ou quatre musiciens, accordéon, violon, batterie, piano. Ça commence par un paso, puis une valse, puis un tango, puis des rumbas. Encore une bouteille de vin blanc, on remonte vers la piste cyclable jusqu’à la Seine et parfois ça se termine au restaurant. Cela se pratiquait vers la quarantaine. En hiver, il y avait le bal à Jo dans une atmosphère plus feutrée. Rue de Lappe, près de la Place de la Bastille.



            Vas-tu remonter vers ton adolescence, vers les boums du lycée, vers les premiers baisers derrière un buisson ? Pour se plaindre d’une descente aux enfers ? C’était mieux avant ? Bien sûr c’était mieux avant. Quarante ans de moins…



            C’était mieux avant. Nous avions des certitudes, nous avions raison et dans les discussions politiques à table, au café, à l’université, nous étions tellement certains d’avoir raison que nous parlions doucement, le zéphyr des arguments gonflait les voiles de nos passions. Nous marchions dans les rues en regardant de haut ceux qui ne partageaient pas encore nos convictions, mais il suffisait d’attendre, les faits, l’histoire, nous donneraient raison.



            C’était mieux avant, il suffit d’oublier et d’effacer ce qui n’allait pas très bien, les ambitions déçues, les rendez-vous ratés, les coups de fouet du destin.



            Nous imaginions la vie comme un mince filet d’eau qui prenant son élan, s’enflait en descendant la pente, et il n’y avait aucune raison pour que la pente se redresse, la source devenait ru, le ru rivière, la rivière affluent, l’affluent une cascade et chaque fois plus violent, plus houleux. Nous étions irrésistibles. Nous allions vers le bonheur comme l’eau va vers la mer. Ami si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place.



Rien ne ralentissait nos ardeurs, quand le flot se tarissait, des escouades contournaient le lac et préparaient l’avenir. La mort n’était jamais mortelle. Comme les croyants avec qui nous avions tant en commun, un avenir radieux nous était promis.



            La vie s’est chargée de redresser la pente. Les torrents sont devenus des tornades. Et d’autres courants, des tièdes, des faibles, des irrésolus, construisaient des digues, des brise-lames, des écluses, tout ce qui pouvait prévenir la tempête.



            Aujourd’hui, les croyants croient moins, les lendemains chantent faux, et la mort qui vient a les couleurs d’un ciel d’orage.



            Il faut jeter aux orties nos mensonges et nos illusions et célébrer tous les jours, du lever au coucher du soleil les actions humaines qui rendent la vie plus facile, sans prétendre les imprimer dans des prophéties.

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