Paul Noirot jeudi 9 septembre 2010
Dans le paysage politique des années 1970, Paul Noirot a été une borne lumineuse. C'est ce témoignage que je veux porter en guise de condoléances à sa famille, à ses proches. Les militants communistes qui rompaient avec leur parti, qui rompaient avec le communisme même, se retrouvaient comme des demi-soldes de la révolution. Pour ceux qui étaient leurs adversaires, ils restaient d' anciens communistes. Pour l'administration communiste, ils étaient des traîtres, des fuyards, ou pire, des repentis. Pour nous qui avons à des périodes différentes franchi le pas, nous quittions une immense excitation, qui consistait chaque jour à faire la révolution, et une une immense fraternité, pour se retrouver dans le vide.
Parmi les militants intellectuels, certains avaient la chance ou le privilège de se placer sous la protection des institutions. Elles ne remplissaient pas le vide. Pour ceux d'entre nous qui étaient des journalistes bénévoles ou salariés, les débouchés étaient rares. La presse communiste nous était désormais fermée, mais les autres moyens d'information ne se précipitaient pour nous accueillir. Le PCF même affaibli restait une force avec laquelle il fallait compter et beaucoup ne voulaient pas se fâcher en permettant que s'expriment chez eux des personnes que la direction avait excommuniés.
Paul n'était pas du genre geignard. Il n'y avait plus de lieu pour écrire, il les créa. Politique aujourd'hui, Politique hebdo. Des lieux où se rencontraient des personnes, des idées, des projets. Nous qui avions le sentiment qu'on voulait nous faire taire, qu'on ne voulait pas nous entendre, nous avons pu à nouveau écrire, parler, être imprimés, corriger des épreuves, sentir l'odeur du papier, protester contre des coupes, provoquer des approbations ou des critiques. Nous retrouvions un ancrage.
Quand Paul Noirot a été exclu du PCF et qu'il a lancé Politique aujourd'hui, il recueillit l'appui de nombreux intellectuels membres du PCF. La direction communiste lança une campagne d'exclusion et d'intimidation: il fallait choisir entre participer à la revue de Paul et l'appartenance au Parti communiste. J'étais alors membre responsable du PCF à la fédération de Paris et à ce titre, j'ai participé à cette campagne d'exclusion et d'intimidation. Je tenais à jour la liste des délinquants et chaque fois qu'un nom se retirait, on me félicitait, chaque fois qu'un nom restait, on me pressait d'intervenir à nouveau. Quand vint mon tour d'être intimidé, puis exclu, j'ai trouvé grâce à Paul, qui connaissait tout ça, des lieux où je pouvais écrire. Bien sûr, il y a très longtemps, mais il ne faut pas confondre amnistie et amnésie.
L'histoire se fait avec des hommes qui font des choix. Paul Noirot a été un acteur de cette histoire et les choix qu'il a faits méritent le respect. Tous ceux qui ont partagé sa vie et ses aventures continueront d'en témoigner.
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