dimanche 11 octobre 2015

la chemise

Si l’image d’un DRH d’Air France torse nu, chemise déchirée, a fait le tour du monde, et d’abord de la France,  c’est d’abord parce que de telles scènes sont d’une extrême rareté. « Normalement », les salariés manifestent, font grève, les négociations s’engagent, un compromis émerge, jusqu’au prochain conflit.

Avant l’émergence des syndicats, les négociations n’existaient pas, seuls les rapports de force réglaient les conflits d’intérêt. Bris de machine, tabassage d’un contremaître… Il suffisait que trois ouvriers discutent ensemble du salaire qu’ils recevaient pour que cette réunion illégale les envoie au bagne. Dans les campagnes, quand le prix de la terre devenait insupportable, des groupes de paysans le visage noirci de suie incendiaient les récoltes, mutilaient le bétail, tabassait le gérant. L’historien Eric Hobsbawm appelait ces révoltes « négociations collectives par l’émeute ».

Avec les syndicats et l’organisation, les rapports de force se décalèrent et les négociations devinrent possibles. Tant et si bien que les scènes de violence d’antan devinrent pièces d’un musée social. Quand des groupes voulurent ressusciter les violences, ils furent violemment rejetés. Les actions contre les cadres chez Renault, le meurtre d’un patron par Action directe ou les Brigades rouges, le kidnapping d’un patron au Pays basque par l’ETA pour « aider » des ouvriers en grève, furent condamnés sans aucune équivoque par les salariés et leurs organisations.

Ne tirons donc aucune conclusion hâtive d’une image qui flambe. Elle ne représente pas un danger, elle prouve la rareté de la scène.


Pourtant, les réactions à cette image donnent des informations sur la scène politique contemporaine. Un patron torse nu qui escalade un grillage c’est quand même plus drôle que des salles de discussion. Le spectacle incongru nourrit la nostalgie du bon vieux temps des affrontements à somme nulle. 

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