Projet d’édito pour Alter
EGO de septembre 2012.
L’addiction
à l’alcool et au tabac tue des dizaines de milliers de personnes en France. L’addiction
à la voiture en tue des dizaines de millions dans le monde. L’ONU n’a pas
déclaré la guerre à l’alcool ou au tabac. Elle n’a pas déclaré la guerre aux voitures. Elle
a déclaré la guerre aux drogues illicites. Une drogue illicite est une drogue
sans carte d’identité. Une drogue sans papier. On l’interdit, on l’expulse, on
l’enferme, elle revient. La guerre coûte cher et ne rapporte rien. D’autres
morts, d’autres dérives.
Par
des mesures et des réglementations, la mortalité liée à l’alcool, au tabac et à
la voiture diminue régulièrement. Les pouvoirs publics préviennent, répriment
des usages non souterrains, accompagnent.
Contre
les drogues qui n’ont pas de papier d’identité, c’est la guerre. Les usagers
peuplent les prisons, les malades peuplent les hôpitaux ou meurent dans la rue.
Qu’importe. La guerre continue.
Les
associations dans le monde entier tentent d’intervenir dans cette folie par une
politique de réduction des risques. Que signifie-t-elle ? Elle signifie
que des soignants, des accueillants, tentent avec leurs moyens limités de
redonner une carte d’identité à la drogue illicite et à ses usagers. De faire
comme s’ils étaient des produits licites. Comme on limite les vitesses, comme
on distribue des alcootests, on distribue des seringues, des kits bases, des
préservatifs et des tampons, comme pour l’alcool et pour le tabac. On soigne
les conséquences, on prévient, on accompagne les décisions de sevrage. On fait
tout sauf la guerre.
Mustapha
est mort. Celui qui écrivait dans le numéro zéro d’alter EGO, mai 1990
« le monde n’est pas parfait, tout le monde le sait. La drogue n’est
qu’illusion. La vie est un coin de verdure dans un dépotoir ».
Il
a été usager, puis s’est construit une autre vie, puis a replongé, s’en est
encore sorti, du travail, une famille, des enfants, puis il est mort. Et dans
la vie et la mort des gens, EGO se regarde. Mustapha encore : définit
ainsi EGO : « une man tendue naturelle qui n’a pas d’hésitation, de l’amitié
réelle, de l’amitié sans façon ».
EGO
ce sont des principes et des gens. Les gens sont des usagers et des
accueillants, des soignants, des prévenants, des accompagnants. Des bénévoles
et des professionnels. Et parfois, parmi ces gens, il y a des maladies, des
accidents, des naissances et des morts. Et entre ces gens et les principes, le
fil se tisse, se casse, se répare. La machine à tisser jamais ne s’arrête. Sept
jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. À EGO on fait de la réduction
des risques, pas la guerre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire