mardi 10 juillet 2012

guerre et réduction des risques


Projet d’édito pour Alter EGO de septembre 2012.


            L’addiction à l’alcool et au tabac tue des dizaines de milliers de personnes en France. L’addiction à la voiture en tue des dizaines de millions dans le monde. L’ONU n’a pas déclaré la guerre à l’alcool ou au tabac.  Elle n’a pas déclaré la guerre aux voitures. Elle a déclaré la guerre aux drogues illicites. Une drogue illicite est une drogue sans carte d’identité. Une drogue sans papier. On l’interdit, on l’expulse, on l’enferme, elle revient. La guerre coûte cher et ne rapporte rien. D’autres morts, d’autres dérives.

            Par des mesures et des réglementations, la mortalité liée à l’alcool, au tabac et à la voiture diminue régulièrement. Les pouvoirs publics préviennent, répriment des usages non souterrains, accompagnent.

            Contre les drogues qui n’ont pas de papier d’identité, c’est la guerre. Les usagers peuplent les prisons, les malades peuplent les hôpitaux ou meurent dans la rue. Qu’importe. La guerre continue.

            Les associations dans le monde entier tentent d’intervenir dans cette folie par une politique de réduction des risques. Que signifie-t-elle ? Elle signifie que des soignants, des accueillants, tentent avec leurs moyens limités de redonner une carte d’identité à la drogue illicite et à ses usagers. De faire comme s’ils étaient des produits licites. Comme on limite les vitesses, comme on distribue des alcootests, on distribue des seringues, des kits bases, des préservatifs et des tampons, comme pour l’alcool et pour le tabac. On soigne les conséquences, on prévient, on accompagne les décisions de sevrage. On fait tout sauf la guerre.

            Mustapha est mort. Celui qui écrivait dans le numéro zéro d’alter EGO, mai 1990 « le monde n’est pas parfait, tout le monde le sait. La drogue n’est qu’illusion. La vie est un coin de verdure dans un dépotoir ».

            Il a été usager, puis s’est construit une autre vie, puis a replongé, s’en est encore sorti, du travail, une famille, des enfants, puis il est mort. Et dans la vie et la mort des gens, EGO se regarde. Mustapha encore : définit ainsi EGO : « une man tendue naturelle qui n’a pas d’hésitation, de l’amitié réelle, de l’amitié sans façon ».

            EGO ce sont des principes et des gens. Les gens sont des usagers et des accueillants, des soignants, des prévenants, des accompagnants. Des bénévoles et des professionnels. Et parfois, parmi ces gens, il y a des maladies, des accidents, des naissances et des morts. Et entre ces gens et les principes, le fil se tisse, se casse, se répare. La machine à tisser jamais ne s’arrête. Sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. À EGO on fait de la réduction des risques, pas la guerre.


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