dimanche 23 novembre 2014

privilèges

         Les responsables socialistes sèment des pièces de puzzle, aux militants de retrouver la trame de leur politique. Jamais aucun pouvoir n’a fait autant confiance en l’intelligence des militants qui l’ont soutenu et qui maintenant l’accompagnent. D’autres nous présentent des prêts à penser, des recettes en kit. Pas nos chefs. Ils nous créditent d’une intelligence hors pair pour deviner le chemin suivi. Aujourd’hui, la fin des contrats à durée indéterminé. Des contrats précaires qui pour la gauche aux aguets  sont le signe d’un glissement à droite.

         A nouveau, il faut réfléchir. Partir de nos grands principes pour analyser les fragments d’une politique en construction. J’ai longtemps vécu avec l’idée que le fond d’une politique de droite est la protection des privilèges et que la gauche se doit de faire bouger les destins assignés par le territoire, l’origine ethnique ou la classe sociale.

         Or, une partie importante de la gauche, y compris la plus extrême, n’a cessé de défendre les situations acquises. Fonctionnaires contre emplois privés, emplois statutaires contre les précaires, hommes contre femmes, nationaux contre immigrés, titulaires contre précaires. La défense par le parti communiste des ouvriers les plus privilégiés, notamment dans la presse, est présente dans toutes les mémoires ouvrières.

         Universitaire, j’ai longtemps été confronté à cette défense corporatiste. Que rien ne bouge. Dans les universités et les centres de recherche, des titulaires qui ne faisaient plus depuis longtemps de recherche, qui n’avaient rien produit depuis la soutenance de thèse, complétaient leur mince service  par des heures supplémentaires dans les grandes écoles où se préparaient à entrer leurs rejetons. Quand il était suggéré qu’un universitaire qui n’avait mené aucune recherche depuis des années pouvait assurer quelques heures de plus pour aider les collègues qui préparaient leur thèse, les réactions étaient tsunamiques. Quand Claude Allègre a proposé de ne plus payer les heures supplémentaires non faites dans les classes de prépa, tous les anciens normaliens, de l’extrême-gauche à la droite traditionnelle, se sont retrouvés place de la Sorbonne pour défendre le triangle d’or du Quartier Latin, Louis le Grand, Henri IV, Saint-Louis.  

         Aujourd’hui que les vents contraires se lèvent, la protection des prés-carrés est devenue plus urgente. Chacun s’arque boute sur son échelon. Les notaires, les chauffeurs de taxi, les pharmaciens, se présentent comme les prolétaires du XXIème siècle. Les habitants des ghettos dorés manifestent contre les logements sociaux le matin et pour la famille traditionnelle l’après-midi.

         Pour améliorer les carrières de tous, il faut secouer les situations acquises. Pour améliorer les carrières du grand nombre, il faudra mettre fin à la sécurité d’emploi pour une partie des salariés.


         Mais pour que les réformes fonctionnent et  soient acceptées, il faut que le haut donne l’exemple. Gérard Collomp propose une plus grande précarité dans les contrats de travail mais défend le cumul des mandats pour les élus. Un pouvoir de gauche pourra réformer de manière plus paisible s’il commence par le haut. S’il propose des contrats plus souples, sans doute nécessaires, en multipliant les Académies d’Immortels, immuables, intouchables, dans les entreprises, les cabinets et les administrations, il sera mal entendu. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire