jeudi 30 avril 2015

où sont les héros?

Gilles Perrault a écrit le dictionnaire amoureux de la résistance et Guy Scarpetta Guido, l’histoire d’un républicain espagnol qui a été déporté dans le train fantôme, le dernier train qui est parti de France vers les camps de la mort. Leurs héros sont sans tâche. Ils sont morts, ils se sont sacrifiés contre l’horreur du nazisme. Quand ils en parlent, ils ont la gorge serrée. Derrière eux, la baie de Cassis, le Mistral souffle. Le choix est d’une grande simplicité. Aujourd’hui, le monde se partage entre des sociétés développées, dominées par un système de marché et de gouvernement parlementaire, sans perspective de changement radical, où les intérêts se négocient pacifiquement. Et d’autres sociétés qui pour nous sont étrangères et repoussantes, où les différents se règlent par des massacres, la terreur remplace les campagnes électorales. Les héros légitimes du temps de la résistance se sont engloutis dans les derniers témoignages, dans les récits des historiens et des écrivains, dans les documentaires rythmés par les archives d’images, où tonnent les canons, libèrent les armées, dynamitent les trains. Ils sont remplacés par des chefs de bande, des mafieux, des satrapes, des criminels. Si les délinquances dans nos quartiers font si peur, c’est qu’elles sont l’écho de cette manière de négocier les intérêts, l’ombre d’une menace qui nous terrifie.

Il manque les causes qui valent la peine de mourir. Ce manque est un trou béant et jamais ne cesse la célébration des héros sans tâche du temps où l’engagement était suprême. Tout ce qui brouille la pureté de leur sacrifice est mal perçu. Des héros de la résistance qui ont éliminé les anarchistes pendant la guerre civile en Espagne, ou qui retournés dans leur pays d’origine pour construire le socialisme, ont envoyé d’autres héros de la résistance dans d’autres de camp de concentration, cela fait tache. Che Guevara comme ministre de Fidel Castro ne doit pas venir ternir son lumineux chemin de croix.

Gilles Perrault et Guy Scarpetta sont très sévères à l’égard des historiens de la résistance qui calculent l’effet militaire des maquis, qui cherchent des failles dans le couple Aubrac, jettent des doutes sur Jean Moulin. Ils sont à la recherche de l’héroïsme et ne comprennent pas qu’on puisse chercher de la poussière sur les drapeaux.

D’où les discussions sans fin sur les comparaisons entre les différents systèmes de destruction massive des biens, des personnes, des cultures, des libertés, des rebellions, tous ces systèmes qui n’acceptent que la servilité. Le Parti des fusillés exclut les résistants authentiques à la sortie de guerre. Des résistants authentiques ont exécuté des résistants d’autres convictions. Ces discussions ne sont pas seulement d’ordre historique, elles colorent les débats d’aujourd’hui.

Ainsi, pendant ces deux jours, les débats ont été tendus sur l’IRA, sur l’ETA, sur Bobby Sands et les grévistes de la faim. Pour Gilles Perrault, ces hommes étaient les héritiers des résistants et il fallait saluer et soutenir leur héroïsme. Gilles avait du mal à entendre que dans cette logique, les terroristes islamistes n’étaient pas non plus des criminels, leur objectif était politique et s’ils étaient arrêtés, et se mettaient en grève de la faim pour porter les habits du prophète, il faudrait les soutenir comme tant de personnes ont soutenu Bobby Sands. C’est logique, ce ne sont pas des criminels. Leurs objectifs n’étaient pas crapuleux, mais politiques, la, lutte contre l’occident dépravé, pour l’instauration de la charia, comme les objectifs de Bobby Sands étaient la réunification par la terreur de tous les Irlandais dans une république catholique et nationaliste. De même, mes interlocuteurs ont eu du mal à entendre que la principale différence, entre nazisme et stalinisme est que la dénonciation du nazisme ne souffre pas de nuance, alors que l’histoire concrète des crimes staliniens, maoistes, polpotiens, resta longtemps considérée comme une campagne de la droite contre le communisme.


         

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