lundi 23 novembre 2015

pour un pays basque sans frontières

L’EPCI Pays basque donnerait une reconnaissance administrative et politique au Pays basque. Le Pays basque était un pays sans frontière. Désormais, il sera reconnu, il existera. Pour Batera : l’EPCI est une « première étape de la reconnaissance du Pays basque. Pour Sylviane Alaux : le Pays basque a des « frontières sacrées ».

Ces frontières sont déjà dans les têtes. Voir le débat au conseil municipal. Tous (sauf Guy Lafite) se sont crus obligés de donner des preuves de leur appartenance, de leur attachement au Pays basque. Et leur souhait d’une traduction politique de cette passion.

Il faut affronter cette question.  Faire coïncider gouvernement et identité  est toujours au moins un    risque, au pire une catastrophe.  Elle remplace une identité citoyenne par une définition identitaire. J’observe le débat : d’un côté les envolées, les sanglots dans la voix de ceux qui déclarent leur flamme et veulent épouser le Pays basque et en face, des gens qui sont contraints d’être aussi amoureux, mais critiquent le contrat de mariage. Avec des sanglots dans la voix et avec la même passion, avec toute l’expérience d’un homme qui a traversé des conflits ethniques, des meurtres sous drapeau, des massacres identitaires, je le dis et je le répète : céder le pouvoir politique, même limité, à des aspirations nationalitaires transforme la vie politique en profondeur. L’intérêt général devient clientélisme et les partis politiques deviennent des clans. Croyons-nous être à l’abri des dérives corses ?


mon intervention à la réunion d'Esprit Biarritz du lundi 23 novembre 2015. 


Faire coïncider administration et ethnicité crée deux catégories de citoyens. Avant même d’être mis en place, l’EPCI les a créés : pour, les vrais. Les contre : pas de vrais Basques. Les modalités de vote révèlent ce clivage. A Belfast, les catholiques n’étaient pas considérés comme de vrais citoyens britanniques. Ils avaient moitié moins de voix aux élections.

Faire coïncider administration et ethnicité crispe la politique. Je demande de lire et d’entendre le vocabulaire guerrier qui hérite des combats passés. Des termes révolus refont surface : Pays basque nord, Ipparalde. Les opposants à l’EPCI « prennent le Pays basque en otage ». Le Pays basque « n’acceptera pas qu’on refuse cette avancée ». Les habitants « ont toujours sanctionné ceux qui allient à l’encontre du Pays basque ». Les maires qui’ s’opposent « tournent le dos au territoire ». Ils devront rendre des comptes ». Si vous pensez que ces formules viennent d’Abertzale radicaux, vous vous trompez : vous les trouvez dans les discours d’élus tout à fait modérés. Avec Xabi Larallde dans enbata (19 nov 2015) on saute un pas : Si l’EPCI ne marche pas, nos enfants nous diront que nous avons été stupides de déposer les armes.

Demain, dans une intercommunalité unique qui donnera vie à un Pays basque politique, j’imagine les discussions sur les répartitions budgétaires entre le festival du film basque et le festival latino. Actuellement, dans les manifestations pour l’amnistie des prisonniers, les élus participent en ordre dispersé, personne ne représente le Pays basque tout entier. Demain, le président de l’EPCI, s’il participe, me représentera aussi.

S’opposer à l’EPCI, c’est être contre la culture basque ? Ou contre les Basques ? Ceux qui posent ainsi la question confirment mes inquiétudes : ils brassent identité et politique. Actuellement, les contrats de formation en basque existent, ainsi que les ikastola, les crèches existent, toujours le résultat d’une activité militante et de choix individuels. Officialiser la langue, ce sera prendre le risque de transformer des villages de l’intérieur en colonies linguistiques pour les candidats aux concours administratifs et aux différents emplois. Des élus éloquents consacrent beaucoup de temps et d’énergie à prouver leur amour la langue basque dans des contrats officiels, et du coup, ils n’ont plus le temps d’apprendre la langue qu’ils aiment tant. La chance de la culture basque est de vivre dans une société plurielle, de s’affronter et de se mélanger en permanence avec d’autres cultures. La richesse de la langue et de la culture basques aujourd’hui, c’est son caractère militant, volontaire, inventif.

Qu’est-ce qu’un Basque ? C’est une personne qui pose la question et ne connaît jamais la réponse tant elle est multiple. Je n’ai aucune racine basque. Peu à peu, je m’intègre. Le rugby m’indifférait, je discute sur la fusion des équipes. Je m’intéresse aux ikastolas. Je mène le combat contre l’EPCI. Je me sens à l’aise, accueilli. Je suis en train de devenir Basque à ma façon. Batera militant pour l’EPCI dessine un autre pays dans la liste de ses soutiens : la crèche bascophone, l’ikastola de Mauléon, une association d’aide aux prisonniers. Pour Batera : le président idéal du prochain EPCI, sera un ancien etarra, vingt ans de prison, bascophone, qui choisira qui est basque et qui ne l’est pas.  Je n’ai pas envie de devenir étranger dans le pays où je vis.


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