dimanche 8 juillet 2018

moulins à vent


Pourquoi cette colère, cette inquiétude devant ces soins palliatifs pour une guerre morte? Le Pays Basque français a le droit de faire la fête à sa manière. Il a sa langue, ses chansons, ses danses, ses poèmes. Après tout, la France tout entière chante régulièrement « formons non bataillons, marchons, marchons, qu’un sanguimpur… ». Et le 11 novembre, le 14 juillet, des anciens combattants viennent présenter les armes sous les confettis, pendant que le village danse place de la mairie. Pourquoi le Pays Basque n’aurait-il pas le droit d’avoir des anciens combattants décorés, ses drapeaux déployés, ses veuves et ses orphelins ?

Je suis inquiet du manque d’inquiétude, de la tranquillité avec laquelle la socialiste Sylviane Alaux souhaite que l’ETA ne se dissolve pas, car l’organisation terroriste doit garder une place à la table des négociations. Je suis inquiet des visites de Vincent Bru aux prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée. De la manière dont il les trouve corrects.  Inquiet parce qu’il faut des mois de travail, de discussions, de coups de téléphone, pour que les élus du Pays Basque français acceptent d’aller rencontrer des associations de victimes, en traînant les pieds. Même ces amis qui me suivent, qui sont d’accord avec moi, ne semblent pas partager mes inquiétudes. Le repli identitaire leur semble un danger lointain. Tellement flou qu’il est difficile à combattre. Comment dissiper des brumes autrement qu’en attendant un coup de vent ?

S’il n’y aucun danger de repli identitaire au Pays Basque français, alors je combats des moulins à vent. Ce ne sont pas des monstres lui crie Sancho Panza, ce ne sont pas des chevaliers. Quelle rude vie que celle de Don Quichotte ! Entre les paysans qui le bastonnent, les pèlerins qui le rudoient, sa famille qui se moque, comment peut-il s’obstiner ?

Les patriotes envoient leur soutien aux indépendantistes catalans, aux autonomistes corses. Ils réclament le rapprochement des prisonniers, le retour des exilés, la réintégration des libérés. Mais on voit bien que ces incursions adultères sont l’admission morne d’une stagnation autochtone. Ils constatent comme moi que ça patine. Bon, ils vont obtenir le rapprochement des prisonniers qui depuis longtemps savent que le combat est perdu. Plus ils sortent de prison, plus la conscience de l’échec sera aigue. Il faudrait qu’ils restent encore quelques années, le temps d’une reprise, on ne sait jamais. S’il n’y a plus aucun prisonnier, il restera quelques sièges à la communauté d’agglo, des négociations aux municipales pour des strapontins, la korrika annuelle sans portraits de prisonniers. Comme de l’axoa sans piment d’Espelette.

Il resterait alors des patriotes sans objectif, des républicains sans adversaires, alors que partout ailleurs menace le repli identitaire. Le grand projet abertzale du siècle dernier est-il devenu une chimère ? Les patriotes feraient semblant de lutter pour l’indépendance et moi je ferais semblant de penser qu’ils constituent un vrai danger.

Ouvrez les yeux. Une coalition sans principes a donné au Pays Basque français des frontières. Désormais, une mécanique s’est mise en route. La frontière doit être justifiée, elle doit entourer des locuteurs, elle doit désigner des résidents, elle doit trouver des ancêtres et louer les martyrs. Ce ne sont pas des moulins à vent qui la dessinent.

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