Petite annonce.
Nous habitons la Goutte d'Or qui concentre toutes les mutations du monde. Ce quartier est un chaudron. Certains disent laboratoire ou terrain d'expérimentations, ou d'innovations. Les habitants récents aspirent parfois à sa transformation en résidence protégée, avec pelouse, jets d'eau et rues piétonnes. Ceux qui habitent depuis plus longtemps voudraient conserver leur environnement familier et regardent les bouleversements avec ressentiment. Puis la journée arrivent les usagers de l'espace public, les étranges étrangers qui se côtoient sans se voir, les touristes qui se demandent effarés si le chemin vers la Butte Montmartre passe par les consommateurs et dealers de drogues, les vendeurs de cigarettes les commerces à la sauvette, les prostituées.
Liée au quartier les élus, les salariés et les bénévoles d'une politique de la ville, enseignants, médecins, policiers, médiateurs, animateurs culturels.
Les lieux où se décident et se débattent le présent et l'avenir de la Goutte d'Or sont configurés par les hommes et les femmes qui travaillent et habitent ici. Dans la déferlante quotidienne, ils représentent un petit pourcentage. Mais ce sont eux qui votent et désignent leurs élus. Eux qui sont écoutés sinon entendus par les pouvoir publics, eux qui sont présents dans les conseils de quartier. La majorité des gens qui déferlent la journée et une partie de la nuit ne connaît des pouvoirs publics que son aile armée. Dans quelques cas, il y a eu dialogue. Par exemple, les prières de rue est un "problème" qui a été réglé avec des responsables religieux, qui n'habitent pas le quartier. L'accueil des usagers de drogue s'est constitué dans un dialogue entre usagers, qui n'habitent pas ici, les personnels de soin et d'accueil, qui n'habitent pas ici, et les habitants. Mais la majorité des présents n'a aucune manière d'influer sur leur mode de vie. Ils sont trop souvent considérés comme des intrus. Des illégaux, des sans-papier. Pour les habitants qui se sentent impuissants, il reste l'appel régulier aux forces de l'ordre, sans résultat probant, la déploration, les plaintes. Ou encore les solutions individuelles protection individuelle, le déni (c'est formidable, l'exotisme…), la transhumance des enfants au-delà du Bd Barbés.
Dans les grandes villes du 19ème, on a essayé de soigner le choléra par des leçons de morale, par des patrouilles sanitaires et policières. Ce qui a gagné la guerre à la maladie c'est le tout à l'égout. Dans les hôpitaux, la mortalité a chuté quand les chirurgiens se sont lavés les mains avant d'opérer. Dans nos rues, les usagers de drogue ont atteint l'âge de la retraite quand on leur a distribué des seringues. Avis à la population: cherchons solutions d'avenir pour urgences d'aujourd'hui.
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