Une
personne a passé une bonne partie de sa vie à montrer, dans sa pratique et dans
ses théories, que pour conduire des usagers de drogue à quitter des conduites à
risques, à prendre un autre chemin, il faut créer un climat de confiance,
d’accueil, qui redonnera la force à cet usager de se considérer comme un sujet
qui mérite des soins. Elle est dans une salle où le préfet déroule les mesures conséquentes
au classement du quartier en Zone de sécurité prioritaire. Elle entend le
préfet dire fièrement que dans la lutte contre la drogue, des usagers de drogue
sont systématiquement déférés au parquet et orientés vers une « injonction
thérapeutique ». Elle sait que ces injonctions ne servent à rien, que
l’usager doit décider seul, que les accueils des usagers restaient inutiles
dans toutes les institutions parce qu’on leur demandait d’être
« guéris » avant même pour pouvoir prétendre à des soins. Elle sait tout
cela et pourtant elle se lève pour justifier la présence de la police dans le
quartier.
Quelles sont les raisons qui poussent les
personnes à se contredire? Quelles sont les raisons qui poussent les rancœurs
personnelles à chasser les convictions les plus ancrées, les pensées les plus
fondées, pour simplement dire le contraire d’une autre personne hier encensée,
aujourd’hui vilipendée ? Une fois qu’on aura additionné les statistiques,
l’histoire, la sociologie, les intérêts, les systèmes religieux ou les
traditions centenaires, il reste toujours place au ressentiment, aux blessures
narcissiques, aux colères particulières. Heureusement ou malheureusement, les individus
ne se laissent jamais enfermer par des systèmes. Ils s’échappent toujours.
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